L’ensemble des administrations publiques doit aujourd’hui participer à l’effort de réduction des dépenses publiques, a martelé Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, le 9 janvier, à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de la haute juridiction.
“Nous sommes aujourd’hui arrivés à un stade où la totalité de l’effort qui reste à réaliser doit l’être sous forme d’économies sur la dépense publique. Toutes les administrations publiques doivent y contribuer.” Tel est le message délivré par le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, jeudi 9 janvier, à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de cette instance. Comme quoi, la fonction fait l’homme !
Pour le Premier président, “l’évidence est là” : “Notre pays est celui qui en Europe a désormais le niveau de dépenses publiques le plus élevé avec le Danemark. Et pourtant il n’a pas, loin s’en faut, les meilleurs résultats en termes de performance de ses politiques publiques.” Il n’est donc “pas déraisonnable” de penser que le niveau des dépenses publiques peut être réduit sans porter atteinte au fonctionnement du service public ou à l’efficacité de l’action publique, “bien au contraire” . Voilà quelques mois, le Premier président avait déjà observé, dans les colonnes d’Acteurs publics, qu’il serait possible “de faire mieux avec moins” .Délaissant le registre de la remontrance, Didier Migaud a reconnu les efforts budgétaires du gouvernement et appelé celui-ci à s’appuyer sur les recommandations de la Cour pour assainir les finances publiques. “On n’efface pas en trois ans, et dans une conjoncture économique déprimée, les conséquences de quarante années de déficits accumulés”, a noté l’ancien député socialiste.
Effort de longue haleine
Observant que le gouvernement avait dû ralentir le rythme de redressement des comptes publics pour ne pas trop handicaper la reprise économique, il a rappelé que si la taille de la dette laissait la France en “zone dangereuse”, le rôle de la Cour n’était pas de “fixer le rythme et les modalités” de la trajectoire des finances publiques.
Mais, a-t-il prévenu, “l’effort, parce qu’il est plus lent à produire ses effets, devra être poursuivi plus longtemps et avec plus de ténacité”. Pour Didier Migaud, ancien président de la commission des finances de l’Assemblée nationale nommé Premier président de la Cour des comptes par Nicolas Sarkozy, “ce qui n’a pas été fait en 2011, 2012 et 2013, c’est autant de chemin supplémentaire à parcourir pour les années à venir”.
Abandonnant son antienne contre les hausses fiscales, auxquelles il n’a consacré qu’un maigre paragraphe dans son discours, Didier Migaud a applaudi l’engagement de François Hollande à réaliser 50 milliards d’économies d’ici 2017 : “Le premier réflexe pourrait être de considérer que c’est irréaliste et inaccessible, la Cour ne le pense pas”, a-t-il dit.
“Des marges existent, elles sont importantes, le freinage de la dépense publique est possible”, a-t-il assuré, abondant dans le sens du président de la République. “L’effort doit porter en absolue priorité sur les régimes de Sécurité sociale”, a-t-il insisté. La Sécurité sociale “doit en terminer avec les excès – nous les connaissons – et les abus”, avait estimé François Hollande en présentant ses vœux aux Français le 31 décembre.
La Sécu dans le viseur.
En septembre, la Cour des comptes a publié un rapport très critique sur le déficit de la Sécu et détaillé des “gisements d’économies” dans la santé, notamment à l’hôpital. La question d’un recours plus fréquent à la chirurgie ambulatoire est par exemple aujourd’hui à l’étude dans le cadre du comité interministériel de modernisation de l’action publique (Cimap).
Mais, a insisté le Premier président, il ne s’agit pas de revenir à “la méthode du rabot”, une allusion directe à la Révision générale des politiques publiques (RGPP) menée par la précédente majorité et dont la mesure emblématique consistait au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. “Cette méthode ponctionne indifféremment les services les plus utiles comme les moins performants et peut conduire à affaiblir des fonctions essentielles pour épargner des fonctions secondaires”, a expliqué Didier Migaud, prônant plutôt choix et arbitrages.
Pour lui, “il faut aujourd’hui se servir d’un autre moteur” : l’évaluation des politiques publiques. C’est justement la mission de la Cour des comptes. Interpellant les trois ministres présents (Budget, Justice, Enseignement supérieur) et le président de l’Assemblée nationale, Didier Migaud a souhaité que “le Parlement et le gouvernement s’emparent de façon plus résolue et déterminée de la somme des travaux, constats et recommandations livrés par la Cour”.
“Ma conviction est que le redressement de nos finances publiques serait bien plus avancé si la Cour avait été plus écoutée au cours des dernières années”, a conclu le haut fonctionnaire.