Lettre aux Papès, anciens élèves, et aux professeurs de l’Ecole des Mines d’Alès, en souvenir d’Auguste Fontaine (139 ème promotion). Par Yves d’Amécourt – 1991.
Il y a quelques jours un message d’Alcide, son demi-frère, puis un autre, de François, son Père, sont arrivés sur ma messagerie : « Auguste est parti ». Je n’ai pas été étonné. Je savais qu’un jour il choisirait de partir. Je suis fier d’avoir été son ami.
Chers Papès, Chers Amis de la 139ème promotion,
Sans doute vous souvenez-vous d’Auguste Fontaine, un élève pas comme les autres.
Auguste n’avait pas particulièrement apprécié les séances de bizutage, les « police open the door » dans le bâtiment neuf, les soirées « téquila frappée et rhum à gogo » …
Auguste avait intégré notre école à force de travail, sans passer par les classes prépa. En arrivant à l’école, il pensait arriver dans le sérail du savoir de l’ingénieur. Il s’aperçut vite qu’il en savait plus que chacun de nous nous sur un grand nombre de sujets.
Et pour cause, Auguste était un as de la mécanique et avait été professeur en lycée professionnel. Il avait construit de ses doigts, pour lui-même, une petite voiture et une pelleteuse ! Chacun se souvient de ce moteur démonté à la Maison des Elèves (M.E. dite « la Meuh ») avec Auguste assis par terre au milieu des pièces rangées consciencieusement.
- « Que fais-tu Auguste ? »
- « Oh c’est rien, je refais la segmentation de ma voiture» !!!
Auguste était un as des explosifs. Il avait obtenu son « permis de tir » avant même de rentrer à l’école des Mines d’Alès. Il avait d’ailleurs perdu quelques doigts dans la fabrication artisanale de poudre noire. Auguste avait un don pour le dessin industriel et le dessin tout simplement, sans doute un don hérité de son Papa, professeur à l’école des beaux arts.
Autant dire que pendant les cours, il s’ennuyait, et pendant les devoir surveillés, il se baladait.
Comme j’étais originaire de la Sarthe, comme lui, nous avions pris l’habitude de voyager ensemble. J’avais toujours beaucoup de choses à transporter (sonorisation, disques, …) et une petite voiture, et Auguste, lui, n’avait pas de bagage et une grande voiture… Je me souviens d’un périple avec une voiture –un SIMCA Breack- qu’il avait acheté 100 francs. Au milieu du trajet, il s’aperçut que la fumée du pot d’échappement était blanche et que nous frôlions la surchauffe, et le coulage de bielle. Nous prîmes donc la décision de nous arrêter pour ajouter de l’eau à intervalle régulier. Comme il faisait nuit, et que le thermomètre ne fonctionnait plus, il était difficile de connaître le moment auquel s’arrêter pour remettre de l’eau dans le circuit de refroidissement. Auguste me fit alors une démonstration dont il avait le secret : « L’eau sert à refroidir le moteur, et sert à réchauffer l’air de l’habitacle. Je vais mettre le chauffage à fonds et toi tu mettras ta main devant. Quand le chauffage ne chauffera plus c’est qu’il n’y aura plus d’eau et on s’arrêtera pour faire le plein ! ». Nous fîmes ainsi, tant bien que mal, les 900 kms qui nous séparaient d’Alès. Et quelques jours plus tard, Auguste pris la décision de refaire la segmentation de son moteur. Il en riait lui-même : « J’ai acheté cette voiture 100 Francs, et je viens d’acheter pour 200 Francs de pièces ! Ca me fait une voiture à 300 Francs… Ce n’est pas si mal.».
A l’école des Mines d’Alès, les élèves de première année logeaient tous dans le bâtiment neuf. Puis des relations se nouaient et en seconde année, les élèves se rassemblaient par affinités dans des bâtiments de 20 chambres. Ceux qui le souhaitaient pouvaient se mettre par couple dans des duplex.
En seconde année, nous avions décidé de nous installer dans le bâtiment K. Le bâtiment K était un bâtiment très convoité. Il comportait 16 chambres –au lieu de 20- car il intégrait le logement du gardien. Le bâtiment K était situé en haut de la M.E. un peu à l’écart. Jean-Louis Blanch, Philippe Sicard, Gilles Lataillade et Pascal Barylo avaient été à la manœuvre pour obtenir le précieux sésame. C’est au rugby que cela se jouait. Ils obtinrent le bâtiment K.
Auguste avait accepté de venir avec nous. Nous étions voisins, à l’étage, en K7 et K8. C’est là qu’Auguste choisit une première fois, de mettre fin à ses jours.
Gilles Lataillade et moi, nous avions été sélectionnés pour être conférenciers pour Shell. Nous devions suivre une formation à Paris sur le pétrole, sa formation, son exploitation, son utilisation. Ensuite nous devions proposer nos services aux collèges et aux lycées du Languedoc Roussillon, pour faire des conférences sur ce thème.
Gilles et moi revenions de cette formation et nous passions une soirée chez mes parents dans la Sarthe. Mon père me passa le téléphone : « C’est pour toi, c’est l’Ecole des Mines ». J’étais un peu étonné, il était tard, le soir. « d’Amécourt, c’est Bernard Mattivi (Directeur des Etudes), vous savez où est Fontaine ? »
Bernard Mattivi m’expliqua qu’Auguste avait disparu, que sa chambre était maculée de sang et que selon les médecins, il ne pouvait pas être loin. Il avait eu sa maman au téléphone et leur conversation ne laissait aucun doute sur la volonté d’Auguste de mettre fin à ses jours.
Je me souvins qu’Auguste, le week-end allait dans une maison à Sommières qui devait appartenir à sa grand-mère. Il faisait souvent route commune avec Philippe Roudié, notre major de promotion. J’en parlai à Bernard Mattivi. Il était dubitatif. Je lui conseillai de demander à Philippe Roudié de les emmener là-bas. Arrivé là bas, à 60 kilomètres d’Alès, ils trouvèrent Auguste agonisant. Il était sauvé.
« C’est grâce à vous » me dit Bernard Mattivi. Sans vous, nous ne serions jamais allés jusqu’à Sommières.
Depuis se jour là, il existait entre Auguste et moi un lien indéfectible.
Après cette triste soirée, Auguste, à la demande de l’école accepta de faire un séjour à l’Hôpital Psy d’Alès. C’est Isabelle Corp qui prit soin de lui. Elle allait le voir chaque jour, lui portait ses cours. Isabelle a été formidable pendant cette période. Pour ma part je suis allé voir Auguste une seule fois pendant son séjour. J’en suis resté marqué à vie. Comment un séjour dans un environnement aussi difficile pouvait-il être réparateur pour notre ami Auguste ? Lui, prenait ça avec philosophie. La suite de sa vie nous montrera qu’il était capable de vivre dans des environnements beaucoup plus hostiles…
A l’issue de ce séjour, Auguste décida de renoncer à l’Ecole des Mines. Il quitta l’école. France Schulz pris la place d’Auguste Fontaine au n°K8.
Je restais en contact avec Auguste, un contact épistolaire.
Je crois qu’il redevint prof. Puis Auguste s’engagea dans l’action humanitaire avec AICF : le Tchad, la Sierra Leone, le Kurdistan, puis la Bosnie Herzégovine. Il était chauffeur-mécanicien-logisticien de convois humanitaires.
Quelques lettres échangées me firent comprendre que là aussi, il était malheureux. Il était déçu par le fossé qui séparait l’action humanitaire, et la vie des peuples qu’elle était censée aider. « Pas assez d’implication », « pas assez de profondeur »… Auguste était une fois de plus rattrapé par son besoin d’exigence et d’engagement.
C’est alors qu’il prit la décision de quitter l’ONG qui l’embauchait pour s’engager dans l’armée bosniaque ! « Ce que je fais est interdit, mais je le fais. J’en ai besoin. Ils ont besoin de moi.» Ainsi, pendant quelques mois, il sera démineur dans l’armée bosniaque. Il apprendra la langue, il apprendra l’histoire des Balcans, il apprendra toujours et encore… Apprendre était le moteur de sa vie, comme si sa tête était un aspirateur à connaissance. Et pour que sa tête apprenne, il fallait qu’il occupe ses mains.
Pendant cette période il écrira de nombreux courriers, à sa maman, à son Papa, à sa fratrie, à moi… Des lettres qu’il enverra, ou qu’il conservera. A son retour, ces lettres seront publiées sous le titre « La Guerre en tête », aux éditions de l’ARLEA (Le Seuil). Auguste fera quelques émissions sur son histoire en Bosnie. Dont une sur France Culture, me semble-t-il, dont il a été particulièrement fier. Si tant est que la fierté, pour Auguste, soit dans le domaine du possible. Il accompagnera Bernard-Henri Lévy sur le terrain en Bosnie Herzégovine.
« La guerre en tête » voilà bien, en quelques mots, le portrait d’Auguste tracé.
Après la Bosnie, je crois qu’il tomba amoureux. Il parti s’installer du coté de Genève…
Puis il achètera une maison dans la Sarthe, à coté du Lude à « Montafoin ». Une maison pour occuper ses mains, pendant que sa tête travaille. Lorsque j’étais dans ma famille nous nous appelions pour nous voir, mais jamais chez lui. Il travailla avec son beau-père dans la réalisation de fontaines et de jeux d’eau. C’est à eux que l’on doit la piscine des ours blancs au Zoo de La Flèche.
Un jour, je lui ai présenté mon parrain, le Père Christian, qui est missionnaire au Congo-Brazzaville depuis les années 60. Le Père Christian souhaitait construire une méranderie dans un centre de ressources professionnelles au milieu de la brousse à 2 heures de pistes de Brazzaville. Auguste accepta le challenge. Il prit la responsabilité des achats en France, il remplit un container avec ce dont il avait besoin et il partit 6 mois au Congo. « Papa Auguste » laisse là-bas un souvenir impérissable. Il a trouvé là-bas des élèves à l’écoute pour apprendre à dessiner, calculer, construire toutes sortes d’appareils pour broyer l’aliment du bétail, produire de l’électricité, … avec les matériaux trouvés sur place.
Je pensais vraiment qu’Auguste trouverait au Congo, à coté du Père Christian, l’exigence qu’il recherchait dans les rapports humains et qu’il n’avait pas trouvé dans les ONG pour lesquelles il avait travaillé.
Ce fut le cas. Il me l’a dit. Le Forum des Jeunes Entreprises, les Moines Paysans de la Thébaïde, le Père Christian et ses œuvres, ont été pour lui d’un grand secours. Il leur a beaucoup donné, Auguste y a beaucoup appris. La coopération véritable a fonctionné : chacun a donné à l’autre, chacun a reçu de l’autre.
Mais Auguste n’a pas souhaité poursuivre son séjour au Congo. Cette fois, il me semble qu’il a douté de lui… De sa capacité à évoluer dans un milieu qui avait l’exigence humaniste qu’il recherchait pourtant depuis quelques années.
Quelques semaines après son passage et ses travaux, une nouvelle guerre éclatait au Congo-Brazzaville à l’occasion des batailles présidentielles. Parmi les amis et les Moines qu’il avait formés, certains furent tués, les machines qu’il avait construites furent pillées et le Centre de Ressource Professionnelle fut abandonné.
De retour à Montafouin, Auguste trouva un boulot de mécanicien dans un garage poids-lourds. Quand il avait assez d’argent pour vivre, il démissionnait, s’occupait de sa maison et partait dans ses pensées. Il vivait chichement, des allocations chômage puis du RMI. « Le RMI me suffit, je n’ai pas besoin de grand-chose ».
Quand il manquait d’argent où devait faire des travaux dans sa maison, il cherchait de nouveau un travail.
C’est ainsi qu’il vient voir mon frère Antoine il y a quelques années. Mon frère a toujours des projets de construction notamment pour automatiser la production de bois-buche.
- « Auguste est venu me voir pour travailler. Qu’en penses-tu ? »
- « C’est une bonne idée. Mais attend toi à ce qu’il reparte, un jour, comme il est arrivé… »
C’est ce qui c’est passé. Auguste a travaillé avec Antoine quelques mois, un an peut-être… Puis il est reparti comme il était arrivé.
Ces derniers mois, mes contacts avec Auguste se sont espacés. Il y a quelques jours un message d’Alcide, son demi-frère, puis un autre, de François, son Père, sont arrivés sur ma messagerie :
« Auguste est parti »
Je n’ai pas été étonné. Je savais qu’un jour il choisirait de partir.
Je suis fier d’avoir été son ami.
Bonjour Yves,
Très triste comme nouvelle.
Auguste avait-il continué à vivre dans sa solitude ?
Parfois je me dis que si lorsqu’ il est passé le Congo avait été en paix, peut être qu’on l’aurait gardé avec nous car il y avait vraiment à faire ici au Congo avec cet homme silencieux mais efficace.
Paul KAMPAKOL
Secrétaire Général du FJEC
Auguste est venu chez nous avec un contener plein de matériel pour équiper l’atelier de notre centre rural de ressources professionnel. Avec ce beau matériel d’occasion choisi avec discernement il a fabriqué avec un artisan du coin un broyeur mélangeur pour notre fabrique d’aliment du bétail.
Auguste était exactement le genre d’homme dont nous aurions eu besoin pour nous aider à démarrer.
Compétent, réaliste, respectueux des gens, une présence exceptionnel sur le chantier.
Malheureusement le cahos de notre Congo et nos difficultés ne nous ont pas permis de lui offrir le milieu dont il aurait eu besoin pour trouver la paix intérieure qui lui faisait si douloureusement défaut.
Quand on a vécu plusieurs moi avec Auguste on ne peut l’oublier.
La communauté de la Thébaïde le porte dans sa prière et dans son coeur.
Bonjour Yves,
J’ai eu connaissance, par votre blog, du décès d’Auguste Fontaine. cela m’a beaucoup ému, j’avais en effet eu, il y a bien longtemps, à m’occuper de lui lors de sa tentative de suicide à la ME. J’en ai le souvenir, certes lointain, d’un garçon attachant mais sans doute un peu à contre-emploi à l’Ecole…
J’ignorais que vous fussiez son ami. Sachez que je partage votre peine, et je vous remercie de transmettre à sa famille toutes mes sincères condoléances.
Merci encore, ainsi qu’à votre femme, pour votre accueil la dernière fois ; je pense régulièrement à vous en buvant votre vin !
Avec mes amitiés et mon fidèle souvenir,
—
Alain DORISON
Directeur
Ecole des Mines d’Alès
Yves,
Je me souviens d’Auguste et comment pourrait il en être autrement car Auguste était un garçon d’une rare intelligence mais sans doute un peu trop pour notre Ecole…
A l’époque où nous nous sommes connus, j’étais trop con pour prendre le temps que tu as pris pour t’occuper de lui. Je ne sais pas si tu peux transmettre à sa famille toutes mes sincères condoléances.
Le papier que tu as écrit est très beau. Bravo
Au plaisir de te voir
Jean
Quelle tristesse de voir de tels départs!!!
Dans quel monde qui ne sait soutenir de tels hommes vivons nous???
Je n’ai jamais oublié, un jeudi aprés midi la découverte de cette chambre, avec Pascal et Philippe, et surtout toute l’énergie et la solidarité déployées pour le retrouver.
Une pensée pour Auguste
Sincères condoléances à la famille
Jean Louis K10
Salut yves,
Je connaissais peu auguste mais cela me touche. Merci d’avoir prévenu tout le monde
A bientot
Amicalement
Denis Nourry
Triste nouvelle en effet,
dont l’émotion est accentuée par le très bel hommage d’Yves.
Slts
Salut Yves,
j’ai été très touché par ta lettre, qui vient de me faire prendre conscience que je suis passé à côté d’une dimension importante de « la vie humaine » lorsque nous étions à l’Ecole!
Je me souviens d’Auguste que dieu ait son âme, comme un camarade de promo très intelligent et réservé!
Peux tu s’il te plait transmettre toute mes condoléances à la famille.
Cher Yves, je te félicite pour avoir eu à cette époque la veilleté d’esprit pour avoir su t’occuper de notre camarade Auguste.
Mohammed K5
Salut Yves,
Bien triste nouvelle. Merci yves de l’avoir relayer et pour l’hommage.
Présenter mes condoléances à sa famille.
Slts
Cédric
Comment avez vous accepté un partenariat avec LE RALLYE de Lussac puisseguin qui polluent nos vignobles, qui écrasent les animaux (hérissons, chats, chiens, etc…). et qui detruisent les routes?
Isabelle Chasseriaud.
Comment avez vous accepté un partenariat avec LE RALLYE de Lussac puisseguin qui polluent nos vignobles, qui écrasent les animaux (hérissons, chats, chiens, etc…). et qui detruisent les routes?
Isabelle Chasseriaud.
bonjour Yves
c’est par hasard que j’apprends la triste nouvelle, j’ai souvent pensé à lui depuis ce triste jour où nous étions partis le chercher à Sommières dans sa maison en pleine nuit. Merci d’avoir su le raconter avec ces mots-là. Je n’aurais pas su. Il me reste le souvenir d’un être tellement humain même s’il le cachait sous sa mécanique, et puis les balades dans sa auguste mobile, et puis des bandes dessinées qu’il m’avait écrites. bonne route Auguste et où que tu sois j’espère que tu trouveras le repos, je suis fière d’avoir fait un bout de chemin avec toi
isabelle
Merci Yves pour avoir transcrit ce bel hommage que je pourrai lire et relire à l’infini.
Cécile
Bel hommage que vous rendez à votre ami, Yves !
Merci …
J’ai connu Auguste avant qu’il ne perde ses doigts, nous étions au collège militaire du Mans, en classe de 3ème. Je me souviendrai toujours de lui, il m’a marqué, pourquoi je ne sais pas.
Toujours est-il que dans ce collège d’élites… il était major de promo, … sans souci et avec le sourire. De toute évidence et avec le recul, une intelligence hors norme l’habitait. Celle qui fait qu’on ne trouve pas sa place…
Après les vacances de noël 79, il nous est revenu abîmé par la vie, d’une expérience qu’il avait dû faire en fabriquant cette poudre noire.
Il est parti, je ne l’ai jamais revu.
Je suis heureux de lire le récit que vous faites de son parcours.
Merci
Bonjour
J’ai cherché à avoir des nouvelles d’Auguste il y a quelques mois. J’ai passé quelques semaines avec lui en Bosnie, à Zenica, en 93, avant qu’il ne rejoigne les combattants bosniaques. Je n’étais évidemment pas d’accord avec ses choix, et je lui ai dit que notre combat n’était pas là, dans la défense des plus faibles, pas dans l’agression, de quel bord soit elle. Il m’ a rassuré en disant qu’il ne serait pas offensif, qu’il s’occuperait du déminage des lignes pour les soldats, ce qui est l’un des postes les plus dangereux.
Quelques mois plus tard, il m’ a contacté pour l’aider à rentrer en France, il avait peur d’être arrêté à un check point, ou à l’aéroport, mais tout s’est bien passé. On a alors longuement discuté, il était déçu des bosniaques, de leur soumission, de leur manque de confiance envers lui.
De retour en France, je l’ai appelé, il était en train d’écrire son livre et m’a promis de m’en envoyer un exemplaire. Je crois qu’il travaillait dans un lycée technique dans lequel il s’ennuyait. En fait je crois qu’Auguste s’ennuyait tout le temps.
Et puis on s’est perdu de vue…
Paix à son âme.
Merci pour ces témoignages qui au fil des lignes racontent une vie et dressent un portrait dans lequel je reconnais l’Auguste que j’ai connu au collège, à La Flèche, en 6e.
Je suis tombé il y a quelque mois sur son livre qui m’a bouleversé et sur la couverture duquel c’est d’abord son nom qui m’a frappé. J’ai cherché s’il pouvait avoir un rapport avec ce copain d’enfance que j’ai rencontré au collège et dont le souvenir m’est toujours resté : un garçon un peu à part, que les autres disaient dans la lune mais avec lequel je me suis tout de suite entendu. Nous étions côte à côte en classe, il était très bon élève sans aucun effort, ce qui agaçait certains. Nous échangions des livres et des BD et nous faisions des escapades à vélo. Ce qui était fascinant avec Auguste, c’est qu’il était non seulement une tête, mais aussi des mains, il pouvait tout réparer, il y avait toujours un tournevis dans son cartable…
Je suis allé quelquefois chez lui, il habitait ce qui me semblait être une ferme, à la campagne, il avait des frères, dont l’un s’appelait Antoine. Je me souviens qu’en fin d’année scolaire, il m’avait invité avec d’autres pour que nous brûlions nos cahiers dans un feu de joie. Personne n’avait eu le courage d’amener ses cahiers, lui seul avait brûlé les siens. Nous étions admiratifs, mais il était déçu, il aurait voulu un plus grand feu…
Ensuite, il est parti vivre ailleurs avec sa famille, il m’a écrit pendant quelques temps et je lui répondais. Il m’envoyait des lettres avec des dessins pour me décrire ce qu’il découvrait bien mieux que des cartes postales. J’ai déménagé moi-même, je n’ai jamais revu Auguste, nos lettres se sont espacées ou perdues.
J’ai encore dans ma bibliothèque un Tintin, « L’Affaire Tournesol », qu’il m’avait prêté…
En lisant son livre, puis en tombant sur vos témoignages, je découvre, ému, l’homme qu’il est devenu, je retrouve l’enfant que j’ai connu.
Salut, Auguste !
Emmanuel