Claude Guéant a eu des mots malheureux en disant : « toutes les civilisations ne se valent pas. ». Il aurait pu dire « Toutes les civilisations ne sont pas construites autour des mêmes valeurs », ce qui aurait été bien différent. Je veux croire, que c’était là, le fond de sa pensée.
La réponse de la gauche, hier après midi, par la voix de Serge Letchimy, député de la Martinique, a été disproportionnée, abjecte, déplacée, outrageuse. François Fillon a eu raison de se lever et de partir, suivi par son gouvernement.
Il est des débats, où les silences, les gestes, en disent plus que les mots. Il est des insinuations qui n’ont pas leur place dans l’hémicycle ! Une chose est sûre : nous avons besoin rapidement de civiliser notre assemblée nationale ! Le respect citoyen nous manque.
C’est la seconde fois que le terme de « civilisation » fait irruption dans le débat politique depuis 5 ans. En effet, lors de ses vœux du 31 décembre 2007, l’expression « politique de civilisation » avait été reprise par le président de la République, Nicolas Sarkozy.
Quel tolé ! Ce faisant, le Président s’inspirait ouvertement du concept de « politique de civilisation » développé par Edgar Morin.
Alors je me pose une question : « Civilisation » serait-il un concept réservé à la gauche ? L’emploi de ce mot, par un homme « de droite » serait-il suspect ?
Le terme civilisation — dérivé indirectement du latin civis signifiant « citoyen » par l’intermédiaire de « civil » et « civiliser » — a été utilisé de différentes manières au cours de l’histoire. Comme ceux de culture, de religion ou de société, le mot civilisation est devenu un concept clé ou un « maître-mot » pour penser le monde et l’histoire à l’époque des Lumières.
Le premier à avoir employé le mot « civilisation » dans une acception qui relève de la signification qu’il a encore aujourd’hui est Victor de Mirabeau, le père du Comte de Mirabeau le révolutionnaire, fondateur de la gauche française. En 1758, dans L’Ami des Hommes, il écrit : « La religion est sans contredit le premier et le plus utile frein de l’humanité : c’est le premier ressort de la civilisation. » De façon similaire, en 1795, dans Esquisse d’un tableaux des progrès de l’esprit humain de Condorcet, l’idée de civilisation désigne les progrès accomplis par l’humanité dans une nation donnée lorsqu’il fut possible de passer de l’état de barbarie à celui de citoyen, de civil ou de civilisé.
Il me semble que nous avons besoin d’une « politique de civilisation », et qu’en attendant que la civilisation soit « universelle » comme le souhaitait Leopold Sedar Senghor, il faut bien que chaque civilisation se construise autour d’un socle de valeur commun : des valeurs, des principes, des fondements, …
Ce débat doit avoir lieu !
Reconnaissons ensemble que toutes les civilisations ne sont pas construites autour des mêmes valeurs, mais cela ne veut pas dire qu’elles ne se valent pas !
Serge Letchimy, que l’on présente comme un héritier d’Aimé Césaire, n’a pas grandit la « civilisation universelle », chère à son mentor.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément »…ou pas !!!
Les propos de Claude Guéant, à la sortie d’une réunion publique :
« Or, il y a des comportements, qui n’ont pas leur place dans notre pays, non pas parce qu’ils sont étrangers, mais parce que nous ne les jugeons pas conformes à notre vision du monde, à celle, en particulier de la dignité de la femme et de l’homme. Contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas.Celles qui défendent l’humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique.En tout état de cause, nous devons protéger notre civilisation. »
L’intervention de Serge Letchimy à l’Assemblée :
«Nous savions que pour M. Guéant la distance entre immigration et invasion est totalement inexistante et qu’il peut savamment entretenir la confusion entre civilisation et régime politique. Ca n’est pas un dérapage, c’est une constante parfaitement volontaire. En clair, c’est un état d’esprit et c’est presque une croisade. M. Guéant vous déclarez du fond de votre abîme, sans remord ni regret, que toutes les civilisations ne se valent pas. Que certaines seraient plus avancées voire supérieures.
Non M. Guéant, ce n’est pas « du bon sens », c’est simplement une injure qui est faite à l’Homme. C’est une négation de la richesse des aventures humaines. C’est un attentat contre le concert des peuples, des cultures et des civilisations. Aucune civilisation ne détient l’apanage des ténèbres ou de l’auguste éclat. Aucun peuple n’a le monopole de la beauté, de la science du progrès ou de l’intelligence.
Montaigne disait « chaque homme porte la forme entière d’une humaine condition ». J’y souscris. Mais vous, monsieur Guéant, vous privilégiez l’ombre. Vous nous ramenez jour après jour à des idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration au bout du long chapelet esclavagiste et coloniale.
Le régime nazi, si soucieux de purification, était-ce une civilisation ? La barbarie de l’esclavage et de la colonisation, était-ce une mission civilisatrice ? Il existe, M. le Premier ministre, une France obscure qui cultive la nostalgie de cette époque, que vous tentez de récupérer sur les terres du FN. (NDLR : Fillon se lève et part, suivi du gouvernement)
C’est un jeu dangereux et démagogique qui est inacceptable. Il existe une autre (NDLR : France), celle de Montaigne, de Condorcet, de Voltaire, de Césaire ou d’autres encore. Une France qui nous invite à la reconnaissance, que chaque homme…»
(NDLR : M. Letchimy est coupé par le président de l’Assembolée, Bernard Accoyer. Le Gouvernement quitte l’hémicycle)
Je passais. Passant ordinaire.
Contrairement à ce que dit M. D’Amecourt, qui manie le rapide comme personne (il est à bonne Ecole, on prend, on colle, on croît qu’on a compris…) voilà ce que dit Monsieur Edgar Morin – dans un article du Monde repris le 2 Janvier 2008 par le Nouvel Observateur.
« Que connaissent-ils de mes thèses ? », s’interroge le sociologue et philosophe Edgar Morin, mercredi 2 janvier, au sujet de la « politique de civilisation » prônée par Nicolas Sarkozy dans ses vœux télévisés, lundi soir.
Avec cette expression, le président de la République s’est approprié un concept développé dans un livre d’Edgar Morin, « Pour une politique de civilisation » (éd. Arléa, 2002). « M. Sarkozy a repris le mot, mais que connaissent-ils de mes thèses, lui ou Henri Guaino ? Est-ce une expression reprise au vol ou une référence à mes idées ? Rien dans le contexte dans lequel il l’emploie ne l’indique », commente d’Edgar Morin dans Le Monde. »
et non ce que vous en écrivez:
» Quel tolé ! Ce faisant, le Président s’inspirait ouvertement du concept de « politique de civilisation » développé par Edgar Morin.. »
Qu’un mécréant comme moi puisse travestir la vérité ( j’en suis taxé tout de suite) mais des personnes de bonne foi…
Quant à l’épisode de M. Guéant, il eut été plus utile pour vous de le taire que d’en faire une banderole
Voilà un beau « copié-colé » GP Marcel !
Mais je pense que vous n’avez pas lu mon article…
« Quel tolé » n’est pas une citation , ni même une réaction, attribuée à Edgard Morin, mais fait référence au bruit que la proposition du Président a fait dans le petit monde mediatico-politique, à l’époque.
Quant aux mots de Claude Guéant, je n’en fais pas une « banderole », je les trouve « malheureux ».
Comme « banderole », je préfère rappeler tout ce que Jacques Chirac a fait pendant 12 ans, pour réhabiliter les civilisations anciennes et que les arts premiers soient jugés à leur juste valeur. Ce qu’il a fait aussi, en reconnaissant le rôle de la République , collaborant avec l’ennemi, pendant la seconde guerre mondiale, en reconnaissant la responsabilité de la France dans le commerce triangulaire et la traite des esclaves, et en rendant hommage aux harkis. Même si, sur ce dernier sujet, nous pouvons aller plus loin encore.
Merci pour votre participation à ce blog. Ici, tous les commentaires sont les bienvenus.
Yves d’Amécourt
En accusant à l’Assemblée nationale le ministre de l’Intérieur de favoriser les idéologies qui ont entraîné les camps de concentration et le régime nazi, l’opposition, à travers son porte-parole, a dépassé toutes les limites.
Pour moi, il n’est pas question de l’accepter, de l’oublier et de passer à autre chose. C’est tout d’abord inadmissible car cette polémique a totalement été fabriquée afin de discréditer le ministre et, à travers lui, le président à moins de trois mois de la présidentielle. La ficelle est grosse, mais ça marche. C’est inadmissible ensuite et surtout parce que cette référence au nazisme est ignoble, totalement infondée et provoque la révulsion des républicains que nous sommes.
Bien que les propos de Claude Guéant, dans leur intégralité, soient de “bon sens” et que cette polémique soit « ridicule », selon les mots mêmes du président, le ministre en sort affaibli, nous aussi. Mais comment peut-on en arriver à une telle situation alors que nous n’avons rien à nous reprocher, que nous sommes injuriés et que, bien que victimes d’une telle machination, nous apparaissons comme devant nous justifier ? Pourquoi ne pas passer à une réelle offensive, dénoncer ce procès en sorcellerie, exiger des excuses publiques des responsables socialistes, soutenir à fond notre ministre ? Pourquoi ne le fait-on pas ? Redouterait-on de ne pas y parvenir ? Si tel était le cas, on arriverait alors à une troisième étape de l’inacceptable : face à l’injustice de la situation, l’État et ses représentants ne rétabliraient pas la vérité.
Il faut dire que malgré les demandes insistantes du premier ministre et des ténors de la majorité, ni l’intéressé ni les responsables socialistes n’envisagent de présenter la moindre excuse. Bien au contraire. Ils restent fermes sur leur position, ne font aucune concession et même en rajoutent. Ainsi, Serge Letchimy, fêté en héros à son retour à Fort-de-France, annonce qu’il ne fera aucune concession ; que bien que la Martinique soit « une terre d’accueil » (!), Claude Guéant n’était pas le bienvenu, qu’il ne le recevrait pas, tout comme ses amis politiques.
Il faut rétablir la situation car il s’agit d’une question d’honneur, rien de moins. Je refuse cet amalgame avec le nazisme et j’engage le gouvernement et l’Assemblée à réagir fermement. Avec l’honneur, on ne transige pas. D’autant plus que nous n’avons aucune leçon à recevoir de la part du Parti socialiste. Ils invoquent les nazis ? Parlons-en !
En 1936, les élections législatives donnent une large victoire à une coalition de gauche. Léon Blum devint président du Conseil. En juillet 1936, le gouvernement espagnol demande à la France d’intervenir face à la révolution menée par les franquistes soutenus notamment par Hitler qui rode ainsi son matériel militaire, avec le bombardement de civils, par exemple, à Guernica par la Légion Condor. Le gouvernement de gauche décide de la “non-intervention”. Adolf Hitler n’a pas expérimenté que ses armes, il sait maintenant qu’il se trouve face à des faibles. Le champ est libre.
Le 29 septembre 1938, le nouveau président du Conseil, Édouard Daladier, signe les accords de Munich avec Hitler, Mussolini et Chamberlain. La France abandonne ainsi la Tchécoslovaquie aux appétits nazis malgré notre traité d’alliance ! Léon Blum confiera qu’il était partagé entre « un lâche soulagement et la honte »… Alors que Churchill, deux mois plus tard, s’indignait : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre, ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre. » Le reste, on le connaît, l’invasion de la Pologne, le pacte germano-soviétique, la guerre mondiale… Et ce n’est pas tout.
Le 10 juillet 1940, les pleins pouvoirs sont donnés à Pétain, à près de 90 % des suffrages exprimés, par les députés à majorité de gauche du Front populaire élus en 1936… Et plus tard, les beaux esprits de gauche, “intellectuels” et politiques en tête, contestent pendant de trop longues années les ravages du goulag et de ses 14 millions de déportés morts dans les pires souffrances.
L’Histoire nous montre ainsi que le radical-socialisme a cédé face au national-socialisme et si le général de Gaulle ne s’était pas dressé, que ce serait-il passé ? Les va leurs du gaullisme, ce sont les nôtres. Fondées sur le courage, le refus du renoncement, la grandeur de la France, la fierté d’appartenir à une civilisation qui a montré la voie, par d’innombrables sacrifices, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité. C’est le sens de notre engagement.
Finalement, vos excuses, MM. Hollande, Ayrault, Letchimy et consorts, nous n’en avons rien à faire. Notre regard porte bien plus haut que vos basses injures, les Français vont bientôt vous le signifier.
Publié dans « Valeurs Actuelles »
Jean-Paul Garraud, député de la Gironde, secrétaire national de l’UMP à la Justice