L’hiver, je roulais dans ma petite voiture sur une route inconnue. Tout autour, jusqu’à l’horizon, une multitude de croix, remplissaient le paysage… Il me semblait revoir ici les plages de Normandie… Quelle tristesse, quelle espérance aussi … J’aurais tant aimé être un brin d’herbe dans un cimetière de Normandie. Intrigué, je m’arrêtais sur le bord de la route et je m’approchais un peu. Ce que je prenais pour des croix, étaient bien des morceaux de bois, ils étaient alignés. Au dessus couraient des fils de fer tendus. De loin en loin, étaient plantés là, des échalas de bois fendus…

Au Printemps, je suis revenu voir ce pays, j’ai repris la même route. Je voulais revoir toutes ces croix alignées, m’ôter d’un doute. Mais en m’approchant du lieu, plus de croix, plus de morceaux de bois… Les cotés de la route n’étaient plus que des jardins faits de haies interminables, au feuilles vertes découpées toutes de la même façon comme à l’emporte pièce… Une multitude d’allées, pour aller je ne sais où ? A pieds, j’en empruntais une. Elle menait à une autre, qui débouchait sur une multitude d’autre, toutes identiques… Des tas d’allées qui n’allaient nulle part… A part, vers d’autres allées. Dans toutes ces allées des tracteurs s’affairaient, pour les tondre ou les labourer.

Très intrigué parce que j’avais vu, dès les vacances d’Eté venues…Je revins visité ce pays si curieux, pour essayer de comprendre le sens de ces allées ! J’ai repris la même route. Elles étaient toujours là, les allées, pas les croix… Et les hommes s’affairaient à tailler les kilomètres de haies avec des engins futuristes faits de lames tournant à vive allure… Tous leurs regards se portaient vers la base des feuillages… Les hommes entre deux haies échangeaient des paroles surréalistes : « Alors, cette année, qu’est ce que ça va donner ? », « C’est bien parti, très bien parti ! », « Avec toi, c’est toujours « bien parti », et puis plus tard… ». Mais de quoi parlaient-ils donc ? Ces allées mèneraient-elles quelque part ? N’avais-je pas marché assez loin ? Où avaient-ils caché les croix que j’avais vues cet hiver ? Qu’était-ce donc que ces petites baies qui venaient orner le bas des feuillages et vers lesquelles tous les regards se dirigeaient ?

Puis je revins à l’automne… tous étaient dans les allées, occupés à remplir des paniers. D’autres étaient hissés sur des destrier jaune, rouge ou bleu et chevauchaient les haies, tantôt allant dans un sens, tantôt revenant sur leurs pas. Puis tous convergeaient vers les tombereaux pour y déverser leur récolte…Les tombereaux allaient vers les maisons et on remplissait des cuves en inox, en bois, en résine, en béton… De ces récipients sortaient des parfums enivrant : « Ce sera un grand millésime », « il est coloré », « c’est mûr, c’est bien mûr »…

C’est ainsi qu’à l’automne je compris, que les croix pouvaient donner des fruits, qu’une allée pouvait n’aller nulle part, que les baies s’appelaient « raisins » , que le but de tout cela était de faire le vin… qui réjouis le cœur et adouci les âmes !

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