Discours prononcé par François Fillon, hier soir à Paris (Parc de Expositions – Porte de Versailles) à l’occasion de l’Assemblée Générale de Force Républicaine devant 120 parlementaires (dont 68 déptutés), les 85 responsables départementaux de Force Républicaine, et environ 600 adhérents venus de toute la France.
Mes chers amis,
Force Républicaine a aujourd’hui un peu plus d’un an d’existence et je suis heureux de rassembler ses adhérents pour cette seconde assemblée générale de notre association. C’est dans un contexte particulièrement grave que nous nous retrouvons. Notre pays est enlisé dans une crise profonde qui s’accentue. Crise économique, avec notre modèle productif qui ne génère plus suffisamment de richesses et d’emplois. Crise existentielle d’un peuple qui doute de son identité et de ses forces. Crise politique et morale enfin avec un divorce entre les citoyens et leurs représentants. Tout cela ronge ce que la France a de plus noble : je veux parler de son énergie, de son goût du progrès, de sa fraternité.
Les résultats des élections européennes constituent un choc ! Et je tire avec vous l’alarme contre l’indifférence et la tentation du vide. 23 millions d’électeurs se sont abstenus et 4 millions d’autres ont voté pour le F.N. C’est, comme le diraient les astronomes, un gigantesque « trou noir » dans notre espace démocratique. Le diagnostic est hélas clair: c’est la faiblesse et l’impuissance des politiques qui tirent irrésistiblement vers ce vide. François Hollande a vidé de son sens la fonction présidentielle; les élites européennes ont vidé de son sens l’aventure européenne; et nous, qu’avons-nous opposé à ce vide ? Pour la première fois de notre histoire l’extrême-droite arrive en tête. Ce n’est plus un simple mouvement d’humeur. C’est le signe d’une défiance des Français qui désespèrent de solutions nouvelles et trouvent dans l’Europe un exutoire à leur exaspération. Ces Français doutent de la capacité de leurs dirigeants. A tort ou à raison, ils les jugent coupables de ne pas tout entreprendre pour redresser la situation. Dans ce contexte, la promesse illusoire et mensongère d’une France repliée sur elle-même s’étend. Notre pays est celui d’Europe où l’extrême droite a fait le score le plus élevé. Personne ne peut s’exempter de la responsabilité de ce résultat.
Le président de la République en est le premier responsable : sa déroute aux élections municipales s’est soldée par un changement de Premier ministre quand il aurait fallu changer de politique. La surenchère fiscale qui a marqué le début de son quinquennat a noyé les moteurs de la croissance. Le chômage progresse et paupérise des millions de famille, les classes moyennes ont des fins de mois de plus en plus difficiles, l’insécurité gagne les zones rurales, l’immigration n’est pas maîtrisée et le système d’intégration n’enraye plus la peur de l’étranger. De façon inconséquente, le Président a relancé il y a quelques semaines la question du droit de vote des étrangers qu’il sait pourtant explosive ; et il laisse maintenant le soin à Madame Taubira de riposter à la délinquance avec un projet de loi qui alimentera le sentiment d’impunité qui est à la source de la violence.
Même la nécessaire et légitime modernisation de la décentralisation est partie pour être gâchée par sa méthode précipitée et technocratique. Hier soir, dans son bureau, François Hollande a redécoupé la France en 14 régions, de façon arbitraire, illogique et politicienne. La cohérence aurait été de commencer avec les départements qu’il convenait de fusionner avec leurs régions… Mais la cohérence n’est pas le but recherché : le but c’est de lancer un leurre pour tenter de faire croire qu’il contrôle encore la situation.
Depuis deux ans, toutes les mesures qu’on nous sert et ressert sont à côté de l’urgence. Partout en France, des entrepreneurs, des inventeurs, des citoyens se démènent courageusement et intelligemment, mais pour quels résultats, pour quel but, vers quel cap ? François Hollande ne cesse de godiller, d’enfumer les faits, d’esquiver les obstacles, et sur l’Europe il est coupable d’avoir accrédité l’idée que Bruxelles était fautif de notre croissance zéro, de nos déficits à la dérive, de notre chômage en hausse… Je dénonce le discours lâche de ceux qui accusent nos voisins de nos propres turpitudes. Un pays qui se défausse sur des boucs émissaires et un pays qui se ment à lui-même : or la grandeur est la récompense de la lucidité et non de la duplicité.
Puisque le Président de la République a prétendu entendre le message de cette élection européenne, voici le mien : «Votre programme a mis la France au bord de la récession, et l’Europe n’y est pour rien. Si notre pays était mieux dirigé, s’il était plus productif, s’il était entrainé par des réformes audacieuses, il serait plus sûr de lui-même, et, ce faisant, il ne craindrait pas d’unir son destin à celui des européens. Ecoutez, Monsieur le Président, si les Français s’abstiennent ou votent pour les extrêmes, ça n’est pas tant pour faire tomber la République que pour exiger d’elle moins de discours et plus d’actes».
Mes amis, la déroute de la gauche aurait dû faire le succès de la droite républicaine. Mais voilà, l’UMP est aussi touchée de plein fouet par les résultats du 25 mai. Pourquoi cet échec ?
Parce que depuis la défaite présidentielle et législative de 2012, nous n’avons pas réussi à incarner une alternative solide et vraiment nouvelle. Notre période d’opposition n’a pas été mise à profit pour renouveler nos logiciels. Etre dans l’opposition, c’est se mettre corps et âme au service du pays; c’est mettre au clair de nouvelles convictions, de nouvelles idées; c’est construire une nouvelle majorité. Tout ça l’UMP ne l’a pas fait, ou mal fait et qui plus est, sur fond de disputes fratricides et de coups tordus. Problème de leadership, problème de projet politique, problème d’éthique : tout cela nos concitoyens l’ont ressenti, et ils nous l’ont fait savoir sans ménagement lors du scrutin européen. Certes nous avons gagné les municipales, mais nous le devons moins à l’étiquette de notre parti qu’au rejet de la gauche et au travail de terrain de nos candidats et militants qui ont été admirables de ténacité.
Pourquoi l’échec ? Parce qu’aussi nous n’avons pas su parvenir à une synthèse des lignes divergentes qui traversent notre mouvement sur la question européenne. Ca n’est pas nouveau, mais lorsque l’on commence une campagne aussi tardivement, lorsqu’on l’engage sans débat de fond préalable, lorsqu’on ne parle de l’Europe qu’une fois tous les cinq ans, alors les risques de divergences en sont renforcés.
Pourquoi l’échec ? Parce qu’également, l’UMP et l’UDI n’ont pas su se rassembler. A l’avenir, l’opposition devra y regarder à deux fois avant d’aller aux élections en ordre dispersé. La pression du Front national est désormais suffisamment évidente pour ne pas s’interroger, à chaque échéance à venir, sur nos alliances avec nos partenaires naturels. Que nous ayons des différences de sensibilité avec l’UDI est exact, mais nous en avons encore plus avec l’extrême-droite et avec la gauche. Alors il faudra choisir : soit la victoire ensemble, soit le risque de défaite !
Mais la question des alliances ne peut être posé tant que nous sommes en crise et en position de faiblesse. Nous devons ressaisir nos forces. Redéfinir notre ligne politique et ensuite seulement proposer une plate forme commune de gouvernement. Et puis, soyons clairs : dans cette campagne européenne, l’UMP n’était pas en capacité d’être respectée. Les soupçons et les affaires nous ont blessés. Des millions d’euros détournés… C’est cela la politique ? C’est pour cela que nous nous sommes engagés ? La fin justifie les moyens ?
On peut mentir, tricher, détourner l’argent des adhérents et des sympathisants et prétendre représenter la France et les Français ? Non ! Non ! Non !
Notre engagement – celui de tant d’élus et de militants – est fait de convictions, de sincérité, de volonté de servir. Rien à voir avec ces turpitudes. C’est pour eux, nos militants, nos élus, nos électeurs que je me suis, avec d’autres, dressé. Ce n’est pas la première fois que je me bats pour l’honneur de mon parti.
Certains parlent à tort de «guerre des chefs», mais peut-on, pour une fois, parler tout simplement d’un engagement élémentaire pour des principes qui fondent notre engagement. Maintenant, la Justice est en marche et nous allons malheureusement vivre au rythme des enquêtes, des perquisitions et des auditions. Sauver l’UMP d’une disparition désormais possible : Voilà l’enjeu des prochaines semaines.
J’ai pris mes responsabilités en décidant de défendre devant le Bureau politique de l’UMP l’installation d’une direction collégiale provisoire. J’ai été rejoint par de nombreux élus de notre mouvement, et ensemble, nous n’avons fait que notre devoir. Dans un récent sondage, 80% des français disent qu’ils ont une mauvaise opinion de l’UMP. 80% !
Avec Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin nous avons accepté une mission d’urgence. Il s’agit :
- De restaurer la confiance des militants et des Français en contribuant à faire toute la lumière sur ce qui s’est passé ;
- De garantir l’unité de notre mouvement dont Alain, Jean-Pierre et moi-même sommes parmi les fondateurs;
- D’assurer les conditions exemplaires et transparentes d’un Congrès au mois d’octobre, un Congrès qui permettra de donner toute la parole aux adhérents de l’UMP, car seule la démocratie peut nous sortir d’un tel chaos.
L’année dernière, je vous disais que Force Républicaine est au cœur de l’UMP. Cette formule prend aujourd’hui tout son sens. Tous les adhérents de notre association, je le sais, ne sont pas membres de l’UMP, mais les circonstances nous obligent à donner le maximum pour ce mouvement sans lequel l’opposition républicaine serait inexistante et les chances du redressement national compromises. Pour cela, il faut tirer les leçons du passé avec sincérité car les Français ne supportent plus la morgue de ceux qui pensent avoir toujours raison ; il faut nous repenser, nous refonder.
La ligne politique de l’UMP doit être débattue car un parti qui ne s’interroge plus finit au cimetière… mais du moins, nous savons d’où nous venons ! Nous sommes, pour beaucoup d’entre nous, les héritiers du général de Gaulle, pour d’autres les héritiers de Valéry Giscard d’Estaing. Nous sommes la droite républicaine et le centre, avec ses valeurs qui ont pour noms le travail, le civisme, la famille, la dignité humaine qui ne doit pas être l’otage des idéologies. Nous croyons dans la liberté, l’indépendance nationale, la République.
Pour nous qu’importe les origines sociales, la couleur de la peau, les religions, une seule chose compte : la vaillance qui inspire chaque être humain et le respect qu’il porte à son pays. La France repliée derrière ses frontières, la petite France ressassant ses aigreurs n’est pas la nôtre. Nous sommes patriotes et européens, et c’est à nous de convaincre que l’intérêt national se confond avec l’intérêt européen. A nous de relancer l’Europe sur des bases plus efficaces et moins technocratiques ; à nous de redonner du sens à la vieille civilisation européenne qui doit se défendre dans la mondialisation.
Nous ne sommes pas dans une situation politique ordinaire, dans l’attente d’une alternance classique, pour mener une politique classique… Face à la crise, face aux changements du monde qui défient notre pays, la question n’est pas tellement de savoir où nous sommes sur l’échiquier électoral… Non, la question centrale, celle qui importe aux Français, est : qu’est-ce que nous proposons et qu’est-ce que nous ferons pour redresser la France. Pour moi, ce redressement n’est ni de droite, ni du centre, ni de gauche: il est national !
Ma conviction est que notre pays est mûr pour des changements profonds. Plus que ses élites, mieux que ses dirigeants, le peuple sent que le temps des choix est venu. Près de 6 millions de français sont au chômage ou en activité partielle… On continue comme avant ou on change ?
Chaque français porte près de 20.000 euros de dette publique qu’il faudra un jour rembourser… On continue comme avant ou on change ?
Dans bien des quartiers de France, des petits caïds ont plus d’autorité que les parents, que les enseignants, que la police quand des fanatiques ne poussent pas au Jihad… On continue comme avant ou on change ?
L’année dernière 60.000 entreprises ont déposé leur bilan… On continue comme avant ou on change ?
L’année prochaine, la puissance économique de la Chine dépassera celle des Etats-Unis… On continue comme avant où on change ?
Depuis des mois je parcours la France. J’ai rencontré des milliers de français ! J’en suis sur : Ils sont prêts à prendre des risques.
Pour eux et avec eux, il nous faut bâtir un projet de rupture, un projet précis, crédible, un projet d’intérêt national qui ne se limite pas à satisfaire une partie de l’opinion, mais un projet qui invite tout un pays, qu’il vote à droite, au centre, à gauche ou à l’extrême droite, à se rassembler, à se retrousser les manches pour retrouver l’espoir.
Ce projet nous avons commencé à le bâtir. Nous avons commencé par l’éducation parce que c’est le point de départ de toute entreprise de redressement. Après des mois de travail, nous avons proposé une réforme radicale de l’école. Nous voulons recentrer l’école sur les apprentissages fondamentaux. Nous voulons des établissements scolaires autonomes, avec de vrais patrons, des conseils d’administration ouverts sur la société et l’économie. Nous voulons des professeurs mieux payés, moins nombreux et plus présents dans les établissements. Nous voulons une filière de l’apprentissage moderne, organisée avec les entreprises et la formation professionnelle et totalement décentralisée dans les régions. Nous n’acceptons plus de fermer les yeux sur l’immense gâchis que représente les dizaines de milliers de jeunes français qui quittent l’école sans qualification.
Nous allons poursuivre notre travail dès la fin du mois de juin en présentant nos propositions pour redresser la compétitivité de l’économie française, puis à la rentrée, pour réduire sérieusement les dépenses publiques.
Force Républicaine doit être le creuset d’un projet national pour relancer la France loin des débats sur le centre, le centre droit, la droite, la droite dure, loin des postures idéologiques infantilisantes de la gauche et des cris de guerre contre la raison de l’extrême droite et de l’extrême gauche.
Face à l’avenir, deux voies politiques s’affrontent : celle de ceux qui pensent que le pays a peur de tout, qu’il est fichu, que le meilleur moyen de calmer son angoisse est de tout bloquer, tout verrouiller : de l’extrême droite à l’extrême gauche, j’entends cette musique qui consiste à dire «arrière-toute», «aux abris» ; mais de l’autre côté, existe aussi dans le cœur des Français une colère salvatrice, une colère saine qui nous dit «allons-y, tranchons, réformons, osons construire une autre France».
Entre ces deux voies, la bataille ne fait que commencer. La première voie à la partie facile car la démagogie est en terrain favorable avec une crise économique qui n’en finit pas, et un pouvoir socialiste en dessous de tout. La seconde voie – celle de la rupture et de la modernisation – est aujourd’hui en jachère. L’UMP doit s’y engouffrer de toutes ses forces et il doit l’incarner, mais, pour cela, l’UMP a des devoirs à remplir.
Le devoir de se réconcilier avec les Français en se comportant avec probité et rigueur.
Le devoir de comprendre l’état de notre pays, sans céder au politiquement correct qui bride notre clairvoyance, sans céder aussi au prétendu politiquement incorrect de ceux qui se targuent de parler de tout n’importe comment.
Le devoir aussi de dire la vérité en renonçant aux facilités électorales qui se retournent toujours contre les bonimenteurs.
Le devoir enfin et – j’y reviens ! – de bâtir un projet d’alternance autour duquel nos concitoyens pourront se dire : «là, quelque chose va vraiment changer !»
C’est à tout cela, mes amis, que je nous invite. Il ne faut pas se mentir: la droite démocratique n’a jamais connue un tel niveau d’alerte. Bien sûr, on peut toujours espérer que la gauche s’effondrera d’elle-même, que les extrêmes s’épuiseront, que l’appoint d’autres formations politiques nous sera accordé… Mais ce n’est pas avec des si et des mais qu’on gagne les grands combats. Il faut gagner la bataille intellectuelle contre la gauche. Il faut gagner celle des valeurs et du bon sens contre le FN.
Le nihilisme, le sectarisme poussent là où la pensée a déclaré forfait, là où le compromis a remplacé la conviction, là où l’anxiété a brisé la force vitale de la jeunesse. Aujourd’hui, la France tourne, tourne, comme une vieille locomotivee sur un chantier d’exposition universelle. Elle doit retrouver le goût et le risque de l’avenir. C’est pour cela que j’ai créé avec vous Force Républicaine. Je vous ai toujours dit que nous étions au service de notre pays. Aujourd’hui, soyons aussi au service de l’UMP qui a besoin de nous tous.
Mes Amis, je ne vous remercierai jamais assez pour votre fidélité et votre soutien à notre association. Beaucoup d’entre vous font des efforts pour financer notre action, d’autres n’hésitent pas à donner de leur temps… Je vous en suis reconnaissant, je vous en suis redevable car c’est grâce à vous que nous sommes mobilisés pour la plus urgente des causes : celle de la France et celle de la République.
A l’occasion de cette assemblée générale, le bureau politique de Force Républicaine a été élu :