Pour sauver l’agriculture on n’a pas tout essayé ! Loin s’en faut !

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Hier après-midi j’étais à Pineuilh avec nos collègues agriculteurs, viticulteurs, éleveurs, producteurs de lait, pour manifester le désarroi de toute une profession.

Sur place les discours des uns et des autres interviewés par France BLEU GIRONDE, puis débattant avec le Directeur, puis le propriétaire d’une grande surface locale, me rappelèrent l’édito de Christian Fourcade, Président de FDSEA 65, publié le 17 décembre 2015 dans le Bulletin Agricole n°1514 au lendemain des élections Régionales.

Cet édito avait pour titre : « ONT-ILS COMPRIS ? »

Comme à chaque fois, au lendemain d’une consultation électorale, nos hommes politiques continuent à ne penser qu’à une chose : le scrutin suivant. Sur les plateaux de télévision, à part critiquer leurs opposants, peu ont compris le cri d’alarme poussé par une majorité des électeurs du monde rural au premier tour des Elections Régionales. Parmi eux des agriculteurs essentiellement ceux des zones céréalières et polyculture-élevages. Malgré le maquillage honteux, par le ministère de l’Agriculture, des chiffres des revenus des agriculteurs en 2015, ces zones rurales n’arrêtent pas de souffrir de la déliquescence de notre société majoritairement citadine.

Quelle profession supporterait autant de mépris de la part de leurs contemporains ?

Se faire traiter de pollueurs, d’empoisonneurs, de destructeurs de la nature, de responsables du réchauffement climatique par l’intermédiaire de nos ruminants. Le tout basé sur des mensonges ou des interprétations fallacieuses de statistiques elles mêmes passées à la moulinette des informaticiens verdâtres. Le mieux disant environnemental français vis-à-vis des normes est destructeur d’emploi.

On nous interdit de nous agrandir pour affronter un marché européen hyper concurrentiel mais on laisse la concentration des centrales d’achat de la grande distribution, qui représentent 85% de la vente des produits alimentaires, sans que cela fasse une ligne dans les médias majeurs. Peut-être qu’ils ont peur pour leur recette publicitaire ? Mr Macron a fait une enquête à ce sujet et nous a dit que ce monopole n’était pas dangereux pour la libre concurrence.

Alors que faire pour demain : se battre pour des prix décents, des contraintes de productions égales à nos concurrents européens, un accès à l’eau correct. Obliger notre Etat et nos hommes politiques à appliquer les lois qu’ils votent et laissent réaliser les projets portés par les acteurs locaux. Responsabiliser financièrement la moindre des plus petites associations lorsqu’elles bloquent les projets de développement économique de nos territoires ruraux. »

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En France, dans ce contexte, que proposer ?

Il faut mettre fin à la baisse infinie des prix, notamment dans la grande distribution. La baisse des prix tue le petit commerce, la baisse des prix tue les agriculteurs !

« la guerre des prix bas » , toujours plus bas, menée par les grands distributeurs, … dont toute la communication est basée sur « le moins cher c’est toujours moi », « le pays où la vie moins chère… », etc … produit une descente de marge et un appauvrissement des filières et des exploitations agricoles. Elle produit aussi une baisse de la valeur ajoutée et donc une baisse du PIB ! On ne fait pas de la croissance en vendant toujours moins cher ! On n’entraine pas le marché en vendant demain moins cher qu’aujourd’hui.

Le système des « produits d’appel » est dévastateur lui aussi. Quand la Grande Distribution se sert de certains produits, notamment des produits frais, pour attirer le chaland afin de lui vendre d’autres produits (textile, électronique, produits blancs …) sur les quels elle marge plus ; Cela produit un déplacement des marges des produits agricoles vers les produits de consommation ; Cela produit aussi la fermeture des petits commerces qui vendent les produits concernés…

Dans un autre domaine que l’agriculture, on se souvient comme l’ouverture de DECATHLON a provoqué la fermeture de toutes les armureries de proximité. Puis DECATHLON a cessé de vendre des armes, et aujourd’hui, pour les chasseurs, il n’y a plus ni armurerie, ni DECATHLON…

Sans doute s’agit-il d’un bon sens qui n’est plus partagé par le plus grand nombre, mais on ne peut pas augmenter les prix payé aux agriculteurs si le prix de vente au consommateur baisse continuellement !

En 2010 le gouvernement de François Fillon a créé l’OBSERVATOIRE DE FORMATION DES PRIX ET DES MARGES qui est présidé par Philippe CHALMIN.

Cet observatoire met en évidence que les marge dans les filières, ne sont pas redistribuée équitablement, notamment au producteur !

Dialogue de sourd

Les transformateurs répondent à cela que c’est le prix du marché qui défini le prix d’achat aux producteur !

Le gouvernement répond qu’on ne peut pas agir sur le prix de vente au consommateur et sur la répartition des marges dans la filière … que l’on le peut pas augmenter les prix de vente au GD et faire retomber les marges à la production!

TVA Sociale

Pourtant c’est possible ! En augmentant la TVA d’un coté et en baissant les charges dans les exploitations de l’autre. Cela s’appelle la TVA Sociale. Créée –trop tard, j’en conviens- par le gouvernement Fillon en 2011 elle a été supprimée par le gouvernement Ayrault en 2012… En 2015, le Président Hollande avoue regretter de l’avoir supprimée…

On peut aussi limiter l’impact des « produits d’appel » en GD en appliquant plus strictement le droit concernant l’interdiction de la « vente à perte ».
Aujourd’hui la loi oblige à revendre le produit plus cher que son prix d’achat. Il suffit d’intégrer dans le prix d’achat la logistique, la mise en rayon, la communication faite autour du produit ; Les produits d’appel seront alors bien moins « appelants » !

Sortir du prix de marché chaque fois que c’est possible

On peut sortir du prix de marché et imposer les prix de vente à la GD. Mais pour cela il faut avoir une taille critique –individuelle ou par le biais de la coopération, des organismes de gestion (ODG) des interprofessions, d’associations – et sa propre politique de marketing et de communication.

Le développement des filières avec signe de qualité permet d’imposer à la GD les prix de vente au consommateur. A cet égard l’exemple des « volailles de Loué », des producteurs de Reblochon, de comté, … doivent être promu !

Pendant quelques mois on entendait tous les matins sur France INTER, le Président des volailles de Loué Alain Allinant, agriculteur à Noyen-sur-Sarthe : « A Loué on ne vous dira jamais qu’on est moins chers que les autres, car la qualité a un prix ! ». A chaque crise, la filière des volailles de Loué se renforce. Après la crise du « poulet à la dioxine » ils ont pris le parti de produire eux-mêmes les céréales qui nourrissent leurs volailles. Au sein de la filière on développe une filière « bio » notamment pour les œufs.

Un politique de filière, derrière un signe de qualité, c’est aussi construire une agriculture durable.

C’est exemple parmi d’autres. Mais la politique de filière avec signe de qualité permet de mettre en place une répartition des marges, non-plus selon le marché brut international, mais en fonction de l’observation de l’évolution des produits finis (comme par exemple la filière Reblochon en Savoie qui répartit la marge en fonction du prix observé du Reblochon, et non plus en fonction du prix international de la poudre de lait).

Cela permet de mettre en place le « Commerce équitable » un concept que l’on utilise pour les produits en provenance des pays ACP et que l’on pourrait parfois étendre au produit Français !!! Un label « équitable » qui certifie au consommateur que l’agriculteur, au bout de la chaine, se paye un salaire !

Interprofessions

Là ou il n’y a pas de politique de filière les INTERPROFESSIONS doivent prendre le relais, et accueillir la GD dans ses groupes de travail.

En 2006, en pleine crise viticole à Bordeaux, l’AOC Bordeaux a proposé de mettre en place un groupe de travail sur le marché du « vin en vrac ». Aussi curieux que cela puisse paraître, cet outil n’existait pas avant. Aujourd’hui cela fonctionne et permet aux opérateurs, négociants et producteurs, de se rencontrer et de travailler ensemble pour gérer l’offre et la demande sur ce marché spécifique en B to B. Le besoin se fait sentir aujourd’hui, d’accueillir dans ce tour de table, les représentants de la Distribution.

S’organiser autour des sites de transformation

Autour des sites industriels, quand la concurrence a totalement disparue –je pense aux laiteries, comme celle en Dordogne de Saint-Antoine-de-Breuil – les producteurs doivent se regrouper en Association pour organiser l’approvisionnement et négocier au mieux de leurs intérêts ; Aujourd’hui c’est d’un coté du « chacun pour soi » et l’autre «diviser pour mieux régner » … Le résultat c’est la précarité des approvisionnements et le manque de vision à long terme.

Aider les professionnels à créer des associations, des coopératives d’approvisionnement, autour des laiteries pour rétablir le « rapport de force » sans lequel rien n’est possible. Voilà un projet qui semble réalisable, mais qui ne trouve pas preneur, sans que l’on comprenne véritablement pourquoi…

Concurrence Européenne

Savez-vous qui est notre 1er concurrent en Europe désormais ? L’Allemagne !

L’Allemagne qui en 2007 a baissé les charges sur les salaires en préférant une augmentation de la TVA. La France ne l’a pas fait.

Le résultat est le suivant :

  • la « double peine » pour les agriculteurs et les groupes agroalimentaires français exportateurs qui payent les charges sociales en France et la TVA sociale en Allemagne.
  • La « double grâce » pour les agriculteurs et groupes agroalimentaires allemands qui sont exonérés de charges en Allemagne et exonérés de TVA à l’exportation ! Aujourd’hui les exportations de l’Allemagne vers la France se sont beaucoup développer (viande, lait,…). On importe même du fromage !!!

La convergence sociale et fiscale en Europe, et en 1er lieu, entre la France et l’Allemagne est une nécessité !

La TVA Sociale permet de taxer les importations et de baisser les charges dans les entreprises de production pour rétablie une « concurrence libre et non faussée » !

Embargo Russe

Pour finir disons que la politique étrangère de la France a toujours eu des répercutions importantes sur nos exportations… Ainsi lorsque Jacques Chirac a repris les essais nucléaires en 1995 Bordeaux se souvient avoir perdu certains marchés… Certains marchés, comme le DANEMARK, ne sont jamais revenus… Plus récemment, la politique étrangère désastreuse de François Hollande vis-à-vis de la Russie, a été un désastre pour nos agriculteurs, notamment la filière porcine. Tout ça pour ça ! Quel gachis.

TVA Sociale, organisation des filières, convergence sociale et fiscale en Europe, commerce équitable, politique étrangère … Pour l’agriculture française, on a pas tout essayé, loin de là !

Pierre Dac disait : « Dans un monde en évolution, il vaut mieux penser le changement, que changer les pansements ».

En Agriculture, depuis trop longtemps on change les pansements ! Il est urgent de penser le changement !


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