4. Faire du réseau des villes moyennes l’armature culturelle et sociale de l’aménagement du territoire

Tout système économique ou social n’est stable et n’inspire confiance que s’il est fort d’une armature pérenne. Or, cette armature fait défaut en France ; elle est trop mouvante ; elle est soumise à de nombreux aléas législatifs, économiques, d’arbitrages budgétaires ou liés à la complexité de la gouvernance publique, pour être en mesure de rassurer l’ensemble des agents économiques sur sa solidité.

Pour cette raison, au-delà du potentiel qu’elles représentent, les villes moyennes gagneraient à ce que leur maillage soit stabilisé, pour deux raisons majeures :

  • Construire l’échelle pertinente entre les métropoles et les territoires ruraux.

C’est un enjeu stratégique si l’on veut développer équitablement nos territoires et ouvrir cette liberté de pouvoir vivre là où chacun le souhaite. Cette construction appelle une doctrine moderne et stable en termes d’aménagement du territoire et de mobilités : mettre chaque zone rurale à moins de 20’ d’une ville moyenne ; et chaque ville moyenne à moins de 1h30 des 8 à 10 métropoles régionales. Dans sa récente analyse sur les Gilets jaunes, le CAE a démontré la forte corrélation entre l’éloignement et le mécontentement. Dans les 30% des communes les plus éloignées des équipements nécessaires, la mobilisation des GJ a dépassé la moyenne nationale. Dans ses conclusions, le CAE préconise que « toutes les communes soient reliées à une ville disposant des commerces et des services essentiels, en minimisant le temps de trajet nécessaire à cet accès »

Cela implique en particulier le renforcement des liaisons ferroviaires entre les villes moyennes et les métropoles, mais également la promotion de mobilités douces et de réseaux autonomes entre les territoires ruraux et les villes moyennes. Cela implique également le renforcement des pivots métropolitains dans les liaisons internationales via le maintien de plateformes aéroportuaires.

Dans cette armature, le rôle central des villes moyennes tient beaucoup au fait qu’elles sont plébiscitées par les Français comme étant à la fois l’espace de vie référentiel et l’échelle d’équilibre qui propose le meilleur compromis entre les avantages de la ville et ceux de la nature.

La question patrimoniale est centrale dans la revitalisation des centres villes. Les bâtiments remarquables procurent fierté et sentiment d’appartenance, leur adaptation aux usages actuels permettra le retour des CSP+. Pour cela, les normes devront se desserrer.

Les villes doivent réinventer des « tiers-lieux de convivialité » à forte connotation culturelle et multi-usages (épicerie, café, restauration, concert, cinéma, spectacle, coworking) Les pratiques artistiques en amateur, incluant des traditions artisanales permettraient aux habitants d’exercer des loisirs créatifs. L’opération Maisons de services au public ou les bibliothèques pourraient évoluer et les accueillir.

  • Assurer une bonne lisibilité du développement par une approche isochrone des activités, des services et du développement.

Cette mise en cohérence des cartes et des réseaux régissant les principales politiques publiques est indispensable. Et urgente. Les avantages d’une armature de référence organisée autour de 300 villes moyennes, mais aussi de 8 à 10 métropoles, des mobilités qui les relient et d’une gouvernance clarifiée sont nombreux. On peut en retenir trois principaux : i) mobiliser à nouveau les investissements privés de la part de tous ceux qui doutent aujourd’hui de l’avenir des villes moyennes et des territoires alentour (acheteurs immobiliers, entrepreneurs, élus locaux, investisseurs institutionnels, gestionnaires d’actifs) ; ii) faire des villes moyennes des hubs de services publics – dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’emploi, de la justice, de la culture et de la dépendance – avec un effet d’entrainement sur les activités et services privés ; iii) stimuler les synergies entre les acteurs au bénéfice des usagers et des clients.

Ces politiques de concentration que les spécialistes appellent les « monopoles de localité » favorisent le développement des activités et une meilleure distribution de la démographie. En Allemagne, en Grande Bretagne ou en Italie, la part de population dans les villes moyennes est respectivement de 30, 26 et 20% vs 12% en France.

Un effort stratégique sur les infrastructures d’aménagement est fondamental. Selon le think tank Infrastructure France, la remise à niveau des infrastructures nationales françaises coûterait 50 Mds d’Euros. Ce constat est fondé sur l’observation de la dégradation de l’attractivité et de la compétitivité de la France. Parmi les priorités l’accès aux grands ports maritimes se révèle indispensable dans une connexion de nos territoires au reste du monde.

Ce maillage à la fois « stabilisé » et « coordonné » du territoire serait un puissant levier de développement à la fois pour toutes les strates de collectivités, pour les entreprises, mais aussi pour les particuliers : Pouvoir imaginer une perspective de développement à l’aune d’une armature territoriale, solide, pérenne, durable, et clairement définie permettrait de reconstruire sereinement autant de projets que les acteurs économiques aspirent à le faire.

En ce qui concerne la santé et le médicosocial, il n’aura échappé à personne l’immense difficulté qu’ont les élus locaux à pouvoir créer des politiques cohérentes et en continuité avec les parcours des malades. Le simple fait des financements (le sanitaire étant entre les mains des CPAM et de l’Agence Régionale de Santé, le médicosocial entre les mains des départements) montre qu’il faut trouver une juste place à cette cohérence : ce ne peut être qu’au niveau des bassins de vie comme les villes moyennes.

« C’est sur les lignes régionales que les efforts devront être portés pour créer un réseau ferroviaire rapide entre nos villes moyennes (…) Ce réseau devra être décarboné, via l’hydrogène par exemple, et permettre une irrigation entre les villes et leurs capitales régionales » Pascal Coste

« Le jalon métropolitain est insuffisant pour nourrir et embrasser le dynamisme de notre pays (…) L’insertion de la ville moyenne dans une logique de corridors lui offre des systèmes d’accès unifiés à l’emploi, aux infrastructures et de connectivité » Fabrice Le Saché

« En Allemagne, en Grande Bretagne comme en Italie, la plupart des villes moyennes fonctionnent en grappe ou en réseau et entretiennent des relations étroites avec les grandes villes (…) Les trois pays partagent une lecture régionalisée des dynamiques spatiales bien plus affirmés qu’en France » Xavier Desjardins, Philippe Estèbe (Villes petites et moyennes et aménagement territorial)

« Nous devons aller vers la création de véritables écosystèmes économiques qui permettent de rapprocher les entreprises, les universités, les centres de recherche et de lier le développement de l’activité, des infrastructures et celui des bassins de vie » Philippe Vigier

« Les gares, la fibre optique et les aéroports sont au cœur d’un maillage stratégique de nos territoires (…) Les liaisons de ville à ville ont un impact fort sur le PIB de nos régions ; les aéroports régionaux sont un facteur essentiel d’aménagement et d’attractivité » Entretien de Jean-Christophe Fromantin avec Augustin de Romanet

« La ville moyenne est la bonne échelle pour articuler des politiques de santé en partant des patients et des malades (…) Il faut inverser le cycle de décisions à partir du domicile et des territoires » Olivier Mariotte

Un rempart contre la désertification de la France et un enjeu de confiance …

Les études démontrent l’assèchement de la France et le risque de disqualification d’une majeure partie de nos territoires. Il est urgent de stopper cette évolution en reconsidérant un puissant maillage de villes moyennes équitablement réparties. Leur ambition et leur rayonnement permettront de revitaliser l’ensemble de notre territoire.

« Le maillage des villes moyennes doit par son importance assurer cette considération portée aux habitants qui seule garantira la stabilité du pays face aux mouvements de contestations qui peuvent encore jaillir ici ou là au gré des décisions nationales quelques fois déconnectées du vécu quotidien et assimilé au minimum à une incompréhension de ce que vivent les gens au pire à un mépris de la population » Gil Avérous

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