La question tranchée par le Conseil constitutionnel est quelque peu technique, mais derrière elle se profile le traitement politique de l’affaire pendant la campagne présidentielle de 2017. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il y avait une violation des droits de la défense et du droit à un recours effectif, garantis par la Déclaration des droits de l’homme de 1789, par l’article 385 du code de procédure pénale qui interdit d’invoquer devant le tribunal correctionnel des moyens de nullité antérieurs à la clôture de l’instruction., même si le prévenu ne pouvait en avoir connaissance.
Cela fait référence à la découverte, au cours des dépositions devant une commission d’enquête parlementaire, des instructions que le procureur national financier avait reçues pour ouvrir en urgence une instruction, seul moyen d’obtenir une mise en examen du candidat de la droite, favori dans les sondages, juste avant l’élection présidentielle de 2017, ce qui a changé le cours de l’Histoire de France.
Calmement, au cours d’une séance filmée et publiée en juin 2020, Eliane Houlette avait exposé pendant plus d’une heure, notes à l’appui, les pressions dont elle avait fait l’objet pendant l’affaire Fillon : «La subordination au garde des Sceaux des magistrats du parquet nuit au traitement pacifié des affaires, en particulier celles qui concernent le monde politique». Elle avait expliqué qu’existait chez les magistrats du parquet, «une culture de soumission ou, je préfère, une culture de dépendance».
Puis, après avoir raconté qu’elle avait fait l’objet de demandes de notes incessantes et pressantes sur le dossier Fillon de la part du parquet général, jusqu’à des notes sur les avocats des mis en cause, elle avait révélé le secret de la décision d’ouvrir une information, : «J’ai été convoquée par le parquet général avec trois de mes collègues parce que le choix de procédure que j’avais adopté ne convenait pas. On m’engageait à changer de voie procédurale, c’est-à-dire à ouvrir une information ; j’ai d’ailleurs reçu une dépêche du procureur général en ce sens (…) Pour moi, rien ne justifiait l’ouverture d’une information judiciaire.» C’était, avait-elle conclu, «un contrôle très étroit et une pression très lourde.»