Bruno Retailleau au JDD : « Ce qui a fait le succès de François Fillon à la primaire, c’est d’avoir proposé un projet qui soit au point de rencontre des droites françaises »

7787546907_bruno-retailleau-et-francois-fillon-le-30-novembre-2015.jpg

Vous prenez aujourd’hui la direction de Force républicaine. C’était jusque-là le mouvement de François Fillon. Que voulez-vous en faire demain ?

Je ne veux pas en faire une fondation in memoriam. L’objet de Force républicaine n’est pas de porter des reliques. Je veux que Force républicaine, en s’appuyant sur le projet qu’avait défini François Fillon pendant la primaire, contribue à renouveler la droite. Je veux en faire à la fois un laboratoire d’idées et une pépinière de talents. Pour cela, nous allons dans les prochains mois nous structurer avec un responsable dans chaque région, y compris pour la société civile. Je souhaite aussi que nous créions un parcours de formation, qui permette de découvrir des talents et de leur donner les outils pour entrer dans la vie politique. Beaucoup de Français sont très rétifs vis-à-vis des partis politiques, et des mouvements civiques comme Force républicaine peuvent leur permettre de participer, autrement, à la vie de la cité.

Le fillonisme sans Fillon, c’est possible ?

Il faut définitivement se libérer de ces étiquettes. Le sarkozysme, le juppéisme comme le fillonisme sont des catégories anciennes. Je ne cherche pas une revanche sur le passé, ni à regarder l’avenir avec un rétroviseur, mais au contraire à saisir les défis de demain. Je suis fier d’avoir participé à cette campagne aux côtés de François Fillon et je ne renie rien, parce que c’est un ami, mais aussi parce que je pense qu’il portait le bon projet pour relever la France. Maintenant, le sujet n’est plus le fillonisme. Il faut se projeter dans l’avenir. Quand François Fillon dit qu’il veut tourner la page, il rend service à sa famille politique.

En avez-vous parlé avec lui ?

Bien sûr. Très sereinement. Vous savez, il n’a qu’une hantise : laisser penser un seul instant qu’il cherche à revenir. Il considère qu’il a fait sa part, et que le temps est désormais venu que d’autres reprennent le flambeau.

Comment définiriez-vous votre droite ?

C’est une droite qui n’est pas soumise à la gauche et à l’air du temps, et qui réfléchit par elle-même. Car la maladie chronique de la droite, c’est l’apathie intellectuelle : elle a subi pendant des décennies une hégémonie idéologique et culturelle de la gauche. Ma droite n’est pas non plus nostalgique. Elle veut au contraire entrer de plain-pied dans le 21e siècle. C’est aussi une droite qui n’est pas unijambiste et qui répond aux deux symptômes du mal français : la peur du déclassement économique et la dépossession culturelle et identitaire. Ceux qui réduisent la politique à l’économie se trompent : les peuples aujourd’hui ont besoin d’autre chose qu’une réponse uniquement matérielle. Face au retour du tragique dans notre histoire, il y a un défi civilisationnel. On luttera contre la barbarie islamiste en rehaussant notre arsenal judiciaire, policier et militaire, bien sûr, mais aussi en reconstruisant nos défenses immunitaires. Il faut passer d’une culture de répudiation de ce que nous sommes à une culture de réaffirmation de notre idéal républicain.

Diriez-vous que votre droite est libérale et identitaire ?

Ce qui a fait le succès de François Fillon à la primaire, c’est d’avoir proposé un projet qui soit au point de rencontre des droites françaises : la liberté pour la droite orléaniste, l’autorité et le sens de l’Etat pour la droite bonapartiste et une adhésion à des valeurs – fierté française, famille- pour la droite légitimiste. Pas question de lâcher cet équilibre. Je veux peser pour le faire vivre.

On parle pourtant aujourd’hui de deux droites irréconciliables

C’est faux. Il y a sans doute des chapeaux à plume irréconciliables, mais ce n’est pas le problème de la France. L’électorat de droite est beaucoup plus uni qu’on ne le pense, pour peu qu’on l’écoute.

Est-ce que Force républicaine sera le mouvement de la France du Trocadero ?

Non.
Non ?

(il sourit) Je ne suis pas dupe : le terme est piégé. Il y a eu une entreprise extraordinaire de diabolisation du Trocadero. Que la gauche manifeste place de la République, nuit debout et jour couché, là, il n’y a pas de problème. Mais dès qu’un mouvement de droite s’annonce, on accuse des hordes fascistes de vouloir déferler sur la capitale ! Je sais bien ce qu’est devenue la consonance du Trocadéro. Je le redis : je souhaite une droite moderne, qui ne soit pas nostalgique et fière de ses valeurs.

Pour qui allez-vous voter lors de l’élection pour la présidence des Républicains?

Je suis président du groupe LR du Sénat, et je considère que le meilleur service que je peux rendre à ma famille est d’essayer de contribuer garder l’unité de notre groupe parlementaire. Mais je voterai, et je travaillerai avec celui ou celle qui l’emportera.

Que pensez-vous de Laurent Wauquiez ?

Lui aussi a fait l’objet d’une tentative de diabolisation. Nous avons des personnalités différentes mais il sait que pour répondre à l’angoisse française, il faut apporter des réponses à la fois économiques mais aussi régaliennes et identitaires. S’il l’emporte, je travaillerai avec lui, loyalement. Sa responsabilité, ce sera le rassemblement. Je n’ai pas de doute qu’il en ait la volonté.

Craignez-vous que d’autres claquent la porte du parti après son élection ?

Je trouve étrange de ne pas concourir à une élection pour en refuser ensuite le résultat… Nous avons subi deux défaites. Macron a une tentation hégémonique et la France a besoin d’une possibilité d’alternance, d’une opposition qui ne soit pas servile. Notre responsabilité, à nous la droite et le centre, c’est de bâtir des propositions utiles aux Français et à la France.

L’ancien directeur de campagne de Fillon, Patrick Stefanini publie un livre, intitulé « Déflagration ». C’était cela la campagne de Fillon : une déflagration ?

C’était un moment extrêmement violent, y compris à titre personnel, un pilonnage quotidien pendant deux mois et demi. Si j’ai accompagné François Fillon, ce n’est pas par jusqu’au-boutisme, c’est parce que à mes yeux son projet était le seul à même de relever la France et parce que j’ai constaté très vite qu’il n’y avait de toute façon pas de plan B : les rivalités se neutralisaient. Pour le reste, je me suis toujours interdit la moindre petite phrase sur les allers et retours des uns et des autres. Dans cette violence-là, je comprends que d’autres aient pu faire d’autres choix que les miens.

Comment va François Fillon ?

Il s’investit à fond dans sa reconversion professionnelle. Il a à coeur de la réussir, ce qui est très exigeant. J’ai le sentiment qu’il veut prouver –au moins à lui-même- qu’il peut faire autre chose et qu’il y a une autre vie après la politique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *