Par David Lisnard, Yves d’Amécourt et Viviane Chaine-Ribeiro*
Publié le 15/01/2024 à 11:51 dans l’EXPRESS
Tribune. Selon le maire de Cannes, David Lisnard, et deux de ses proches, investir des milliards dans la rénovation énergétique de logements en se fondant sur de mauvais diagnostics ne permettra pas d’agir efficacement contre le dérèglement climatique.
D’ici 2028, pour protéger le climat des émissions inutiles de CO2, le gouvernement veut faire économiser de l’énergie aux français. Pour accompagner cette « sobriété énergétique », les normes deviennent de plus en plus exigeantes. Depuis le 1er juillet 2021, du fait de l’application d’un nouveau mode de calcul régi par de nouveaux algorithmes, « les DPE E, F, G sont en forte augmentation ». Depuis le 1er janvier 2023, tous les logements dont la consommation énergétique excède les 450 kWh/m²/an (classés G+ sur le DPE) sont interdits à la location en application de la Loi climat et Résilience du mois d’août 2021. Paris est le département français avec le plus de logements classés en G+. Ce sont majoritairement des appartements de petite taille, 56 m² en moyenne, et chauffés à l’électricité.
Pour bien comprendre, nous nous sommes penchés sur le « DPE » d’un jeune actif nouveau propriétaire d’un 2 pièces de 25 m² dans le XVe arrondissement de Paris. Cet appartement, situé au quatrième et dernier étage d’un immeuble, est classé « G ». 450 000 ont d’ores et déjà été interdits à la location en France depuis le 1er janvier sur les quelque deux millions de logements classés G dans le pays.
Il faut bien être conscient du fait que rendre ces logements inéligibles à la location en 2025 va engendrer une grave crise sociale amplifiant celle, actuelle, du logement, qui exclut de plus en plus de personnes.
Un algorithme et un concept !
La consommation calculée par l’algorithme dans le DPE est de 808 kWh/m²/an d’ »énergie primaire ». C’est énorme ! Le concept « d’énergie primaire » affecte un coefficient à l’électricité de 2,3. Autrement dit, le même logement chauffé au gaz obtiendrait un score de 351 kWh/m²/ an et serait classé en F… Curieux pays où les voitures électriques bénéficient d’un bonus écologique, tandis que les appartements électriques, eux, sont soumis à un malus !
De plus, cet algorithme se révèle très défavorable aux logements de petite taille. Selon les statistiques de l’Ademe, près de 34 % des logements de moins de 30 m² ont une étiquette F ou G, contre seulement 13 % des logements de plus de 100 m². Selon Jean-Christophe Protais, le président de la fédération de diagnostiqueurs immobiliers, interrogé par Les Échos, « rapportée au nombre de mètres carrés, la surface déperditive d’un petit logement est supérieure à celle d’un grand logement ».
Le ministre de la Transition énergétique, Christophe Béchu, l’a reconnu à plusieurs reprises. Un diagnostiqueur avertit nous a fait cette remarque : « Dans un appartement de petite taille, le seul chauffe-eau vous amène en classe G. C’est ce qu’on appelle dans notre jargon l’effet ballon d’eau chaude. » Une personne qui travaille dans le milieu des logements sociaux (HLM) témoigne sur X (ex-Twitter): « L’hystérie de la ‘décarbonation’ du bâtiment conduit à des aberrations comme celle de changer tous les cumulus d’une résidence qui avait été réhabilitée en 2018 pour obtenir une étiquette ‘C’. Donc tous les cumulus de 2018 vont partir en déchetterie. »
La note pour les émissions de CO2 est « C » avec 26 kg de CO2/m²/ an, soit l’équivalent, est-il précisé, « de 3310 km parcourus en voiture »… On ne précise pas de quelle voiture il s’agit… car en l’occurrence, dans cet appartement, le chauffage est électrique ! Or, en France, l’électricité est décarbonée à 92 % grâce à nos centrales nucléaires et à nos barrages… En conclusion, rénover cet appartement ne changera rien au climat !
Investir des milliards dans la rénovation énergétique de logements avec de mauvais diagnostics ne permettra ni aux habitants concernés de faire des économies d’énergie, ni à la France d’agir efficacement pour le climat. Les principes régulateurs doivent impérativement s’ancrer dans la justice, l’efficacité et un équilibre mesuré, tout en générant des conséquences favorables. La transition énergétique ne doit pas être dépendante de règles absurdes, issues de l’hyper-bureaucratisation inhérente aux stratégies écologiques guidées par l’idéologie et la technocratie.
Voir 31 % des petits appartements quitter le parc locatif à cause d’un algorithme et d’un mauvais concept est une catastrophe pour le marché de l’immobilier, pour les étudiants, pour les jeunes actifs, pour les classes moyennes ! Mais personne ne semble pressé de modifier tout cela, et l’on finit par se demander si, dans notre pays, ce sont les ministres qui gouvernent, les administrations qui rédigent ou bien les algorithmes approximatifs et les concepts fumeux qui dirigent.
« Un jour j’irai vivre en Théorie, car en Théorie tout se passe bien. » disait Pierre Desproges. Il est plus qu’urgent de quitter la Théorie pour vivre dans la pratique !
* David Lisnard est maire de Cannes et Président de Nouvelle Énergie ; Yves d’Amécourt est ingénieur et ancien maire de Sauveterre-de-Guyenne ; Viviane Chaine-Ribeiro est vice-Présidente de Nouvelle-Énergie et ancienne Présidente d’Action Logement Immobilier
Bonjour,
Je suis très agréablement surpris de lire cet article et qui résume très bien la situation d’incohérence de la Loi attenante au DPE qui est en contradiction avec les objectifs de CO2, tout en engageant des Md€ pour les bailleurs sociaux, pour les communes, pour les propriétaires et en partie par l’Etat (même s’il rattrape avec un retour sur investissement très élevé, coefficient de 2 4, 6, 10 ? )
Je rédige une synthèse depuis février 2023 suivant ces mêmes arguments et d’autres que j’envoie à certains Sénateurs, ADEME, associations, diagnostiqueurs, …, toutefois les remarques se compte sur les doigts d’une main.
Le gouvernement de son côté est inerte, je me demande ce qu’il attend pour prendre en compte ces aberrations, la seule raison évidente que je soulèverais sur cette absence de réaction, C’EST QUE CELA L’ARRANGE …..
Merci beaucoup. Espérons que le prochain ministre du logement nous entendra !