La filière viticole se rebelle…enfin!

Voici la « PRISE DE POSITION DU CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE BORDEAUX », envoyée à la presse et aux professionnels. Pourvu que cette demande « vraies réformes » inspire nos dirigeants professionnels et politiques. Pour ma part, c’est le sens de mon engagement depuis plusieurs années! Je suis prêt à préter la main à ceux qui veulent que ça bouge!

La récente visite du commissaire européen à l’agriculture à Bordeaux, Mme Fisher-Boel, a été l’occasion pour la filière bordelaise du secteur viticole, c’est-à-dire pour les représentants des syndicats d’AOC et de négociants de la Gironde d’engager un dialogue constructif sur le projet de réforme de la future OCM viticole.

Ce projet audacieux, qui devrait aboutir dans le courant de l’année 2007, se négocie dans un contexte français caractérisé, ces derniers mois, par une frénésie de réformes institutionnelles où l’innovation réelle et utile côtoie parfois l’improvisation.

  • Innovation réelle quand il s’agit de transformer les syndicats d’appellation en organismes de gestion, encore qu’il convienne de savoir comment s’exercera le pouvoir au sein de ces organismes; innovation quand il s’agit d’appeler à des regroupements régionaux par bassin ; innovation plus relative quand il s’agit de mettre en place des procédures d’agrément sélectives, ou de s’assurer du respect des conditions de production. En effet, la sélection accrue et le respect des décrets d’appellation ne font que répondre tardivement aux nécessités d’un marché.
  • Improvisation quand il s’agit d’alimenter la chronique viticole française en faux débats théologiques qui ont toujours constitué un atout pour nos concurrents à l’affût. De ce point de vue, les discours sur l’utilisation de copeaux ou sur la segmentation de l’offre passionnent encore et toujours les archéologues de la filière, mais beaucoup moins les opérateurs présents sur tous les marchés du monde.
  • Les viticulteurs et négociants qui s’obstinent, contre vents et marées, à maintenir à un haut niveau d’excédent ce poste de la balance commerciale française, ne peuvent que regretter ces pertes de temps inutiles. A la veille d’échéances électorales majeures pour notre pays, regardons enfin la réalité en face.

Tout d’abord, la meilleure façon de garantir la pérennité de la viticulture française, c’est à dire de maintenir concrètement en activité un maximum de viticulteurs, consiste à leur accorder les mêmes droits que leurs concurrents, notamment au regard des pratiques œnologiques internationales. Il suffit pour cela d’appliquer les règlements communautaires, ni plus, ni moins.
Avoir les mêmes droits que ses concurrents relève du bon sens dans un marché mondialisé. Avoir des droits, n’implique pas de les utiliser : les aoc et la plupart des entreprises pratiquent avec succès, et depuis longtemps, des stratégies de positionnement différencié. Donnons-leur la possibilité réglementaire d’en décider librement et non par le biais de cénacles parisiens largement déconsidérés.

Personne n’est dupe du fait que, la segmentation de l’offre, sert de paravent à la protection illusoire de quelques rentes de situation. Une utilisation de la réglementation offre quelques avantages concurrentiels aux uns pour mieux les refuser aux autres. Notre compétitivité viticole globale y trouvera-t-elle réellement son compte ?

Le second enjeu est de privilégier une véritable décentralisation de la gestion des filières en relation avec leurs collectivités territoriales régionales. Or, nous assistons, avec la création des comités de bassin et des organismes tutélaires du type CNVF et Viniflhor, à une évidente opération de déconcentration administrative. Elle ne vise qu’à accroître la mainmise de l’appareil d’état et à renforcer le syndicalisme agricole au détriment du syndicalisme d’AOC. Subsidiairement, cette opération vise aussi à s’assurer le contrôle des ressources financières des filières dans le domaine de la recherche et sans doute de la promotion. Au prétexte de coordination et de cohérence, il s’agit ni plus ni moins que d’aller prélever une nouvelle dîme dans les régions pour quelques structures nationales déficitaires.

La question se pose donc de savoir si en ce début de XXIème siècle, les opérateurs français trouveront leur oxygène dans un cadre hexagonal, déconcentré certes, mais en réalité toujours plus centralisé et réglementé. En quelques mois, un système viticole déjà passablement complexe s’est enrichi de nouvelles structures régionales et nationales, sans disparition d’aucune autre, sans clarification de leurs missions et de leurs pouvoirs réels. Ce mille-feuille passablement indigeste fleure bon le colbertisme d’antan. Les filières viticoles françaises risquent de regarder l’avenir, les yeux dans le rétroviseur.

Pour compléter le tableau, le projet de réforme de l’OCM viticole est naturellement caricaturé. Les partisans de l’immobilisme se livrent à un petit jeu auquel les élus, accaparés par de multiples préoccupations, sont sensibles. Chaque mesure, sortie de son contexte est habilement décortiquée, sans que la cohérence globale du projet soit présentée au regard de préoccupations économiques et sociales et de développement de l’activité viticole mondiale.

Ainsi, entendons-nous que la Communauté veut arracher 400 000 hectares, sans préciser son caractère volontaire et les contreparties proposées : davantage de libertés et de dynamisme pour les entreprises viticoles performantes ; davantage de responsabilités aussi, en restreignant l’usage abusif, déloyal et constant de certaines formes de distillation.
Ces propositions mériteraient une attention plus soutenue, que le simple rejet ou la dénaturation ; les régions exportatrices européennes, et la notre en particulier, seraient bien inspirées de le soutenir plutôt que de se retrouver, dans un front fédéré autour du refus et fondamentalement d’accord sur rien.

Là comme ailleurs, le maintien des avantages acquis, n’offre pas la meilleure perspective de développement aux régions viticoles européennes ?

De même force est de reconnaître que la réorganisation du secteur viticole français se traduit par une étatisation de ses centres de décision, à l’inverse même de ce qui se passe dans toutes les pays viticoles européens, où les régions et les filières s’émancipent progressivement de la tutelle de l’état nation.

Il serait temps de mettre un terme à la véritable exception française : celle qui consiste à toujours aller à contre-courant.

Allan Sichel
Président de la fédération du négoce de Bordeaux

Jacques Bertrand
Président de la fédération des Grands vins de Bordeaux

Alain Vironneau
Président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux

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