« La forêt est-elle encore un puits de carbone? » Antoine d’Amécourt – Les Echos

En France métropolitaine, le puits de carbone de la forêt, c’est-à-dire sa capacité d’absorption du CO2 chaque année, a été divisé par deux en dix ans. Cette triste réalité nous rappelle une fois de plus les effets dévastateurs du changement climatique. Face à ce phénomène, la résilience et la capacité d’adaptation naturelles de nos forêts ne suffiront pas. Seule une gestion forestière active, durable et responsable permettra de relever le défi qui est devant nous.

Grâce à la photosynthèse, responsable de la croissance de l’arbre, la forêt agit naturellement comme une pompe à carbone capable de stocker le CO2, dans le tronc, les branches, les feuilles mais aussi les racines, le sol et la litière. Cependant, cette pompe à carbone, dont nous avons tant besoin, est aujourd’hui mise à mal par le changement climatique : nos forêts captent annuellement environ deux fois moins de CO2 qu’en 2010.

Face à ce constat, trois facteurs d’explication peuvent être mis en avant. Tout d’abord, le ralentissement de la croissance naturelle des arbres, dû principalement à un manque d’eau à certaines saisons. Ensuite, une hausse sensible des dépérissements d’arbres frappés par les sécheresses, des maladies comme la chalarose du frêne, des « ravageurs » (scolytes des épicéas et des sapins pectinés…) et bien sûr les incendies entraînant une mort prématurée des peuplements et un relâchement massif de CO2 dans l’atmosphère. Ces deux facteurs directement liés au changement climatique sont majeurs.

Enfin, la hausse de la récolte de bois reste aujourd’hui limitée car les volumes de bois d’oeuvre récoltés augmentent peu et le bois énergie, se substituant aux énergies fossiles non renouvelables, permet d’utiliser avant tout des bois malades et condamnés ou des coproduits de la sylviculture (branchages, chutes de bois, sciures).

Ainsi, ne nous méprenons pas sur le véritable coupable de la diminution du puits de carbone. C’est bien le changement climatique qui affecte durement et durablement nos forêts.

Dans ce contexte, il serait destructeur et irresponsable de mettre la forêt sous cloche et de la laisser, livrée à elle-même, affronter les difficultés à venir. A l’inverse, une gestion forestière durable doit être favorisée car elle constitue la seule voie permettant la survie et la pérennité de nos forêts.

En effet, le changement climatique est trop brutal, trop rapide et ses conséquences sont trop importantes pour ignorer le problème ou pour compter sur les seules capacités naturelles d’adaptation et de résilience de nos forêts. Nous, les forestiers, sommes les premiers à avoir observé ses manifestations et alerté sur l’urgence d’agir.

Une gestion durable et vertueuse impose également recherche et expérimentations afin d’assister les peuplements existants et créer des conditions les plus favorables possible à leur régénération ou à leur remplacement progressif. Avec prudence et sans brûler les étapes, il s’agit d’identifier, de favoriser et de mettre en place les peuplements diversifiés les plus résistants aux conditions climatiques envisagées dans les 50 à 80 années à venir. Le pire serait l’inaction, car sans renouvellement forestier aujourd’hui, pas de régénération du puits forestier demain.

Si nous ne pouvons agir sur la violence de certains phénomènes climatiques, nous pouvons participer à l’atténuation de ce changement et préserver l’avenir grâce à la régénération de nos forêts et la recherche des meilleures solutions pour les aider à s’adapter, à renforcer leur biodiversité et ce puits de carbone si précieux. Pour relever tous ces défis, les forestiers ont besoin du soutien de la société comme des pouvoirs publics.

Antoine d’Amécourt est président de Fransylva, la Fédération des syndicats de forestiers privés de France.

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