La ruralité est leur passé. Elle est notre avenir !

Yves_et_Virginie.jpgLa nouvelle région Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes compte 5,8 millions d’habitants et s’étend sur 84000 km². Si un habitant sur cinq vit dans la grande aire urbaine de Bordeaux, avec 69 habitants au km2, l’ALPC se place en avant-dernière position pour la densité de la population devant la Corse et bien en deçà de la densité moyenne en France métropolitaine (116 habitants au km2). Le caractère rural de la nouvelle région est manifeste. La grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes doit être pour le monde rural un modèle du genre.
Depuis trop longtemps la nation tourne le dos à ses territoires. Elle ne les écoute plus. Elle ne les comprend plus. Le clivage entre le monde « urbain » et le « monde rural » grandit. La grande Région doit être l’occasion de restaurer les liens séculaires qui existent entre les aires urbaines et les aires rurales, de multiplier les partenariats gagnant-gagnant, et d’engager le co-développement.

Le monde rural ne se résume pas à «l’endroit où les urbains viennent passer le week-end». Il n’est pas non plus « le terrain à un prix accessible qui attire ceux qui n’ont pas les moyens de se loger en ville ». Le monde rural n’est pas qu’une « carte postale », une image de la France qu’on aime envoyer, mais où on ne vit pas. Le monde rural n’est pas une partie de la France « qui couterait » tandis que les zones urbaines « rapporteraient »… Les zones rurales ne sont pas non-plus des « déserts culturels » comme je l’ai entendu une fois dans la bouche d’un principal de Collège… Ce jour là j’ai retenu mon plexus, et j’ai pensé à Henri Vincenot, puis j’ai expliqué que les zones rurales étaient différemment culturelles, plus proches des « arts premiers » … Ces arts dont on aime se souvenir à la fin de sa vie, quand on souhaite se remémorer l’essentiel.

L’essentiel. Voilà bien un mot qui caractérise le monde rural.

L’essentiel c’est pour nous de disposer de routes en bon état qui nous permettent de nous déplacer en toute sécurité.

Ceux qui prônent les transports en commun dans les zones rurales se trompent. Notre avenir, c’est l’automobile, pas le transport en commun. La Région doit participer au désenclavement des zones rurales par l’amélioration des réseaux routiers. Elle doit participer à améliorer la fluidité entre les zones urbaines et les zones rurales. Supprimer les bouchons qui sont facteurs de stress, de perte de temps, d’émission de GES.

L’essentiel pour nous c’est de disposer des infrastructures qui permettent à nos entreprises rurales de se développer : l’agriculture et l’agro-alimentaire, la forêt et l’industrie du bois, les accueils touristiques, les artisans, les commerçants, les PME, les TPE. L’essentiel pour nous c’est de disposer des infrastructures qui permettent l’accès des touristes dans les zones les plus rurales de notre grande région afin de profiter des retombées de notre attractivité.

L’essentiel c’est pour nous de disposer de Transport Express Régionaux qui fonctionnent pour permettre à ceux qui travaillent en ville de rejoindre leur lieu de travail, aux touristes de venir nous voir, à nos enfants d’aller étudier en ville, à nos conjoints d’aller travailler, … C’est tout le contraire qui se passe aujourd’hui. Des zones pourtant desservies par le TER sont laissées à l’abandon car les trains sont le plus souvent en retard, quand ils ne sont pas tout simplement annulés ! Des poches de précarité et de chômage se créer faute de TER réguliers, faute de routes appropriées. La capacité de se déplacer est aussi une réponse au chômage car elle permet le lien entre les bassins de vie et les bassins d’emplois.

Dans quelques mois un habitant de Bordeaux pourra se rendre à Paris en 2 heures… Mais il faudra toujours plus de deux heures à un habitant de Soulac pour se rendre à Bordeaux ! Certes Bordeaux est notre connexion à Paris et au Monde. C’est important. Mais dans le même temps, Bordeaux est la capitale de la grande Région et doit être accessible pour tous, en train, en voiture, en bus…

Les trajets entre nos villes principales doivent être eux aussi facilités. Quelques exemples :

  • Lancer les études relatives à la mise en 2×2 voies de la RN 21 entre Limoges et Agen ;
  • Financer une 2×2 voies sur le tracé de l’A 831 entre Rochefort et Fontenay-le-Comte et inscrire cet itinéraire indispensable au désenclavement de la Charente Maritime au CPER 2015-2020 ;
  • Réaliser le projet de mise en 2×2 voies de la RN 147 entre Limoges et Poitiers, un axe structurant abandonné sans raison par le président sortant du Poitou-Charentes ;
  • Finir la rocade de Marmande ;
  • Réaliser les aménagements de la RN 134 entre Oloron et Pau.
  • Lancer un projet sur l’itinéraire Langon-Libourne (et par extension Périgueux-Pau) ;
  • Améliorer la circulation sur l’axe Bordeaux-Bergerac, via Libourne, Castillon et Sainte-Foy-la-Grande ;
  • Améliorer la circulation sur l’axe Bordeaux-le-Verdon et lancer les études d’un Pont à péage sur l’Estuaire de la Gironde ;

L’essentiel pour nous c’est la connexion internet ! Internet n’est pas un outil réservé aux zones urbaines.

Trop de zones blanches ou grises émaillent notre monde rural. Comment voulez-vous que les entreprises se développent dans notre grande région sans la connexion au haut-débit, voire au très haut débit. Comment imaginer que nos agriculteurs, nos commerçants, nos artisans, nos services publics fonctionnent normalement, sans le Haut-Débit, voire le très haut-débit ? L’accès à la culture aujourd’hui, c’est le « triple-play ». Notre projet pour la grande Région c’est 100% des habitants connectés au Haut-Débit en 2020, dont 75% au très haut-débit. Cet objectif représente un investissement d’1,7 milliards. Cela passe par un partenariat solide entre les zones urbaines, qui intéressent les opérateurs, et les zones rurales, entre la région et les 12 départements, selon leur configuration actuelle et à venir, pour négocier ensemble, au mieux, l’équipement des territoires. La région doit être « une et indivisible » dans ce processus d’aménagement du territoire.

L’essentiel pour nous c’est la téléphonie mobile ! Les technologies avancent à grands pas, le 3 G sera bientôt supplémentée par la 4G… mais trop de zones rurales sont encore en zone blanches ! Les diagnostics de l’Etat n’en font même pas état ! Car les méthodes de diagnostic ne sont pas appropriées. Il faut reprendre les cartes à la base pour faire l’état des lieux précis des zones blanches. Voir comment les « fréquences en or » que l’Etat vient d’attribuer aux opérateurs vont améliorer la desserte et ensuite, trouver des solutions pour chaque zone. Le développement de la fibre optique permettra aussi de connecter les antennes de téléphonie mobile.

L’essentiel pour nous c’est la présence des services publics en milieu rural, notamment de la Région. La Région doit aider à la multiplication des « Maisons de Service Public » pluridisciplinaires qui sont autant de chance de déployer sur le territoire le service public de l’emploi (pole emploi, missions locales), de l’aide sociale (Départements), du commerce et de l’artisanat (Chambres Consulaires), de l’agriculture (DDTM, Chambre d’Agriculture) … Ces maisons doivent être un lieu d’entrée en contact avec la grande Région. Une grande Région qui ne saurait se satisfaire d’être présente dans les seuls pôles urbains comme c’est le cas actuellement. La grande Région doit s’intéresser aux plus petits ! Sur les 8000 agents de la future grande Région, il doit bien y en avoir 350 (un par communauté de communes) pour assurer ce lien ! Elle doit le faire en partenariat direct avec les communautés des communes et les chambres consulaires qui sont présentes sur le territoire. Qui mieux que les acteurs locaux peuvent être les partenaires de la Grande Région ? A l’heure où l’Etat re-centralise les Régions, ils convient que les Régions décentralisent –enfin- leurs actions !

L’essentiel pour nous c’est l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle sur les territoires. La crainte des zones rurales, avec cette grande Région, c’est qu’on ne fasse toujours et encore que la promotion des « grandes structures ». Les gros sont puissants, mais les petits sont beaux. Et nous, nous voulons que la Grande Région protège les petits. Nous avons besoin de petits lycées mieux repartis sur le territoire, nous avons besoin de développer l’enseignement professionnel en relation avec les talents de nos territoires, nous souhaitons la promotion et la reconnaissance de l’apprentissage comme un mode de formation à part entière. Nous voulons doubler le nombre des apprentis dans la grande Région (passer de 36000 à 72000) ! Nous souhaitons que soient reconnues et développer les Maison Familiales Rurales qui permettent de former nos jeunes au cœur de nos zones rurales avec des méthodes proches de nos valeurs. Nous n’avons pas de préférence entre l’enseignement privé et l’enseignement public. Nous avons une préférence pour l’enseignement de proximité comme outil de développement de nos territoires.

L’essentiel pour nous c’est l’accès aux soins ! Nous souhaitons développer les Maisons de Santé sur les territoires, structures adaptées au mode de travail des nouvelles générations de médecins. Mais ces maisons de santé doivent rester à taille humaine et ne pas être autant d’occasion de concentrer localement l’offre médicale au détriment des zones rurales, des pharmacies de proximité, des cabinets d’infirmiers, des professions paramédicales … Nous souhaitons développer l’économie autour du maintien à domicile des personnes âgées en cohérence avec l’offre médicale de proximité, l’offre des hôpitaux et des cliniques privées, l’offre des Maisons de Retraites. C’est tout un réseau qu’il convient de promouvoir en s’appuyant sur les territoires. Nous n’avons pas de préférence entre l’offre de soin privée et l’offre de soins publique. Nous avons une préférence pour l’offre de soin de proximité !

L’essentiel pour nous c’est le respect de nos traditions ! Oui nous aimons la chasse, la pêche. Oui nous aimons la tauromachie. Oui nous pratiquons l’ablation des testicules des veaux pour en faire des bœufs gras. Oui nous aimons les abas. Oui, nous gavons les canards pour faire grossir leur foie. Oui, nous mangeons des escargots baveux et des grenouilles vertes ! Oui nous passons nos vacances dans des cabanes dans les arbres à surveiller les passages de l’oiseau bleu ou dans d’autres cabanes, au bord des étangs, à attendre que les canards se posent. Oui nous pouvons passer des heures à table à manger et à boire des vins et alcools de nos terroirs… Oui il y a toujours chez nous des bouilleurs de cru, des paysans qui font fermenter les prunes et des poires … Tout cela est vrai ! Et alors ? Nous demandons juste à ceux qui ne nous connaissent pas, de ne pas nous juger. Et à ceux qui veulent nous connaître de venir nous voir. Nous les accueillerons avec plaisir.

L’essentiel pour nous c’est le développement de l’économie et de l’emploi dans les zones rurales pour le confort du plus grand nombre ! Plus d’emploi local c’est moins de déplacement, c’est plus de temps pour la vie de famille. La Région s’intéressera plus qu’elle ne le fait aujourd’hui aux agriculteurs, aux artisans, aux commerçants, aux TPE et aux PME, à la filière agro-alimentaire, à la filière bois, autant d’entreprise de petites tailles qui sont les grandes oubliées de la politique actuelle des Régions Aquitaine, Poitou-charentes et Limousin. Les moyens qui sont mis actuellement pour aider les grands groupes à maintenir leur activité et l’emploi dans une économie mondialisée, sont louables. Nous mettrons des moyens équivalents pour permettre la naissance et la croissance de petites structures, un peu partout sur le territoire. Car les grands groupes de demain naissent aujourd’hui ! On ne peut récolter demain que ce qu’on a semé hier.

Il y a du travail dans nos zones rurales. Ce qui manque aujourd’hui ce sont les moyens de recruter ! Nous devons mettre le poids politique de la grande Région dans l’augmentation de la valeur ajoutée produite sur nos territoires ! Sans valeur ajoutée, pas de création de richesses, pas de création d’emploi ! Nos entrepreneurs ont besoins de liberté. Ils sont fatigués, ils croulent sous le poids des normes et des charges. Ils ont besoin de voir l’avenir ! Ils ont besoin de retrouver la confiance pour recruter et investir.

L’essentiel pour nous c’est la bonne gestion des deniers publics, le respect de l’impôt et de ceux qui le paye. Le bon sens paysan, la gestion au plus près, sont dans nos gênes. Nous aimerions que la grande Région gère notre argent –car c’est aussi le notre- avec raison et discernement. Nous ne comprenons pas qu’en Aquitaine les agents travaillent 32h, alors que la durée légale du travail est de 35h. Nous ne comprenons pas que l’absentéisme soit aussi haut (35 jours par agent et par an)… Quand on est dans la fonction publique on a des droits, on a aussi des devoirs. Dans une France où le chômage est au plus haut, dans une France où trouver un travail est si compliqué, notamment dans les zones rurales, dans une France où sont nombreuses les familles qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, où les fins de mois sont difficiles, ces chiffres donnent l’impression que l’argent public n’est pas utilisé à son optimum. Que les impôts qui augmentent pour ceux qui les payent, ont perdu leur valeur pour ceux qui les reçoivent. Que la motivation n’est pas là. Que notre Région n’est pas dirigée comme il serait souhaitable qu’elle le soit. Que nous n’avons plus le même logiciel !

Le monde rural souhaite se reconnaître dans l’action de la Région. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.

Pour certains, la ruralité est leur passé, c’est là qu’ils disent avoir leurs racines, c’est là qu’ils aiment se ressourcer, passer des vacances. C’est une espèce de « musée des familles » …
Pour nous, la ruralité est notre avenir, notre environnement, celui de nos enfants.

Cette tribune est parue en partie sur le site AQUI.FR le 2 décembre 2015

Photo : avec Virginie Calmels au bord du Ciron, une rivière dont le fonctionnement est menacé par le tracé de GPSO (LGV)

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