L’Assemblée Nationale supprime l’avantage majeur du « contrat de vendanges »

Adopté à l’unanimité par le Parlement, le contrat vendanges avait été mis en place en 2002 pour faire face à une grave pénurie de main d’œuvre. Il a permis de lever des freins à l’embauche en autorisant le cumul d’emploi pour les salariés en congés, du secteur privé comme du secteur public et surtout l’augmentation du salaire du vendangeur de près de 8%, grâce à l’exonération partielle des cotisations d’assurance sociale.

Aujourd’hui, 300 000 contrats vendanges sont signés chaque année, ce qui représente deux tiers des contrats à durée déterminée saisonniers. Pour citer quelques chiffres, en Champagne, il s’agit de plus de 128 000 contrats, en Aquitaine 84 000, plus de 66 000 dans la région Rhône-Alpes, 60 000 en Bourgogne, 40 000 en région PACA et plus de 26 000 en Alsace.

Malheureusement, le gouvernement, a proposé dans le projet de loi finances pour 2015, de supprimer l’exonération partielle des cotisations salariales. C’est pourtant l’un des avantages majeurs du contrat vendanges.

Le gouvernement oppose « l’inconstitutionnalité du contrat vendanges », en raison de l’inégalité de traitement entre les assurés au sein du régime agricole de protection sociale. Pourtant, le conseil constitutionnel rappelle régulièrement dans ses décisions que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».

Le contrat vendanges est un contrat saisonnier bien particulier, qui se distingue par sa durée très courte. Il n’excède jamais 3 semaines, un mois sur toute une année. De plus, son démarrage dépend de la bonne maturité des raisins et peut être interrompu par une mauvaise météo. Ces facteurs propres à cette production sont renforcés par d’autres facteurs d’ordre socio-économiques ou réglementaires. Ainsi, les étudiants réalisent de plus en plus de stages avant la reprise des cours, reprennent les cours de plus en plus tôt, et sont donc moins disponibles qu’il y a quelques décennies au moment des vendanges. Par ailleurs, la difficulté de loger les vendangeurs dans des conditions réglementaires; lesquelles sont plus sévères que l’hôtellerie premier prix a conduit les vignerons à renoncer à cet hébergement financièrement insoutenable pour une si courte durée. Tous ces facteurs rendent le recrutement des vendangeurs plus compliqué que pour tout autre contrat saisonnier agricole.

Face à ce constat, le contrat vendanges proposait une solution globale portant sur l’exonération partielle des charges sociales d’une part et la possibilité de recruter des personnes en congés qu’ils soient dans le secteur privé ou public d’autre part. On relève d’ailleurs que pour ces personnes, comme pour les étudiants, ils ne viennent pas chercher de prestations auprès du régime social agricole. Ce qui là encore permettait d’affirmer que le contrat vendanges relève d’une situation particulière appelant un traitement particulier.

Ces arguments témoignent de ce que l’exigence du Conseil constitutionnel rappelée plus haut est bien remplie. Le contrat vendanges n’a d’ailleurs jamais été censuré par le Conseil Constitutionnel. L’article créant le contrat vendanges, voté à l’unanimité à l’occasion de la loi de finances pour 2002, ne fut pas censuré par le Conseil Constitutionnel. Quelle meilleure réponse peut-on apporter ?Depuis, le Conseil constitutionnel n’a pas non plus été amené à trancher une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet. Cela montre que ni les travailleurs saisonniers, ni leurs organisations syndicales ne se sentent lésées ou discriminées par le contrat vendanges.

Les conséquences de la suppression

→ Augmentation du coût du travail. Selon le gouvernement, la suppression de cet avantage majeur sera aussi compensée par le crédit d’impôt compétitivité emploi. Or, cette économie d’impôt ne bénéficie pas au salarié comme le contrat vendanges, mais à l’employeur. Il ne peut donc y voir aucune compensation. Pour maintenir la rémunération nette des vendangeurs, les vignerons devront en augmenter la rémunération brute, ce qui fera évidemment augmenter le coût du travail.

→ En matière d’emploi : Dans le contexte économique actuel, la suppression de l’exonération partielle des charges salariales constituera un grave retour en arrière avec des conséquences lourdes en matière d’emploi. Une partie des viticulteurs risque d’abandonner les vendanges manuelles au profit de la récolte mécanique. Cela signifie non seulement la suppression d’une pratique culturale appartenant à notre patrimoine, mais aussi la suppression des emplois qui y sont liés. D’autres, se retourneront vers des entreprises intermédiaires face à la pénurie de main d’œuvre. Ces dernières feront travailler des saisonniers d’origine plus ou moins lointaine qui ne viendront que pour les vendanges et retourneront ensuite chez eux et ne participeront donc pas à la consommation en France. Cette rupture aura un impact sur l’augmentation du « travail au noir » déjà en forte expansion en France depuis la baisse des avantages fiscaux liés aux emplois familiaux.

Pour toutes ces raisons, les vignerons d’appellation ont appelé au maintien des exonérations partielles de charges sociales liées au contrat vendanges.L’amendement relatif au contrat vendanges a été examiné en séance publique à l’Assemblée nationale ce matin. Il a malheureusement été rejeté.

Plusieurs députés sont intervenus pour défendre l’amendement des professionnels face au ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll qui était plutôt très directif à l’endroit des députés de la majorité : il a mis en avant « la situation de la France », « le déficit public » et la nécessité pour la viticulture de « contribuer aussi à l’effort ».

L’UMP a appelé à un scrutin public, ce qui signifie un vote nominatif. En conséquence, le groupe socialiste s’est immédiatement organisé pour faire venir en séance d’autres députés afin de soutenir le gouvernement. Au final, l’amendement de la Commission des finances a donc été rejeté a une courte majorité. Les résultats sont les suivants : 40 participants, 40 votants, 22 contre, 18 pour.

Du côté de la majorité, Gilles SAVARY, député de la Gironde est le seul député à avoir pris la parole pour apporter son soutien à notre amendement. Toutefois, pour ne pas aller contre le gouvernement il a préféré s’abstenir.

Les discussions vont se poursuivre au Sénat, il nous faut garder toute notre mobilisation. Nous comptons sur le sénateur Gérard CESAR (Gironde) qui est aussi rapporteur du projet de loi de finances.

Résultat du vote de l’amendement proposé par la profession

1 commentaire pour “L’Assemblée Nationale supprime l’avantage majeur du « contrat de vendanges »”

  1. Contrat vendanges : Le débat relancé par le Sénat

    Contrat vendanges : Le débat relancé par le Sénat

    Le contrat vendanges n’est pas encore enterré. La Commission des finances du Sénat a rétabli le contrat vendanges lors du vote en première lecture du Projet de Loi de Finances (PLF) 2015.

    Une bonne nouvelle avant l’examen en séance plénière au Palais du Luxembourg, qui se déroulera le 4 décembre.

    L’espoir, pour les viticulteurs, vient du Sénat. Alors que les députés se sont opposés à une très courte majorité au maintien du contrat vendanges lors du vote en séance plénière le 6 novembre dernier, les sénateurs viennent de rétablir l’exonération des charges sociales salariales, dispositif central du contrat vendanges. L’amendement de maintien des exonérations des charges sociales salariales, proposé par la CNAOC, a été adopté par les sénateurs de la commission des finances lors de l’examen du PLF 2015 en commission le 19 novembre. Une bonne nouvelle qui va dans le sens d’un maintien.

    « Après la déception du vote à l’Assemblée Nationale en séance plénière, c’est clairement une bonne nouvelle pour la viticulture française. Nous nous réjouissons que cet amendement ait été soutenu par des sénateurs de la majorité et de l’opposition. Nous remercions notamment François Patriat et Gérard César pour leur rôle actif. » réagit Bernard Farges, président de la Confédération Nationale des producteurs de vin et eaux-de- vie de vin à Appellation d’Origine Contrôlée (CNAOC). «Cette décision redonne de l’espoir aux viticulteurs et aux vendangeurs, les premiers concernés. Maintenant, le combat n’est pas fini. Il faut maintenir la mobilisation et rappeler à tous les élus que la suppression du contrat vendanges serait très mal comprise par les viticulteurs. Nous serons satisfaits lorsqu’il sera définitivement maintenu ! » a-t-il ajouté.

    Les chiffres du contrat vendanges :

    – Plus de 300 000 contrats vendanges signés chaque année

    – Un salaire plus élevé en moyenne de 8% pour les vendangeurs

    – Dans la viticulture, 64% des contrats saisonniers sont des contrats vendanges

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