Le « revenu de solidarité active » : qu’est-ce que c’est ? comment ça marche ?

Proposé par la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté » présidée par Martin Hirsch, le revenu de solidarité active (RSA) vise à faire en sorte que le produit de chaque heure travaillée puisse améliorer le revenu final de la famille en supprimant les effets de seuil. Il revient donc, comme l’allocation compensatrice de revenu, à créer une forme d’intéressement permanent à la reprise d’activité.

Extraits du rapport du Sénat concernant les travaux de Martin Hirsch.

« S’inspirant du dispositif de l’ACR, le revenu de solidarité active va plus loin, en intégrant toutes les sources de revenu qui pourraient avoir un effet sur le lien entre revenus du travail et revenus de la solidarité, à savoir non seulement les minima sociaux (RMI, ASS et API), mais aussi les aides fiscales, telle que la prime pour l’emploi, et les aides au logement. De cette manière, les revenus des familles seraient constitués de trois composantes : les revenus du travail, le RSA – dont le montant varierait en fonction du revenu mensuel travaillé, selon la configuration familiale – et les prestations familiales qui, comme actuellement, dépendraient du nombre d’enfants du foyer.

Tout comme l’ACR, le RSA serait dégressif : tout revenu tiré du travail déclencherait une diminution de celui-ci, mais sans que le taux marginal d’imposition puisse jamais dépasser 50 % des gains provenant du travail. Pour les salaires les plus faibles (jusqu’à 0,7 SMIC), le taux marginal serait encore plus réduit ; il serait en revanche accru au-delà de ce seuil. L’effet du RSA s’éteindrait pour un revenu d’activité équivalant à 1,4 SMIC pour une personne seule et à deux SMIC pour un couple.

Comparaison du RSA et de la situation actuelle dans le cas d’un couple avec deux enfants

Source : « Au possible, nous sommes tenus : la nouvelle équation sociale », rapport de la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch, avril 2005.

Les simulations effectuées par la DREES pour la commission Hirsch situent la création du RSA dans une fourchette de coût ex ante allant de 6 à 8 milliards d’euros. A ce coût brut, il conviendrait toutefois de retrancher les économies réalisées au titre de la suppression de l’intéressement (400 millions d’euros) et de la prime pour l’emploi (2,4 milliards d’euros).

Si elle ne saurait, à ce stade, apporter son soutien à l’une ou l’autre de ces propositions, celles-ci demandant encore à être affinées et évaluées tant du point de vue de leur faisabilité pratique que de leur impact budgétaire, votre rapporteur ne peut que constater qu’elles constituent des pistes constructives en vue d’une réforme plus profonde de notre système de minima sociaux.

La comparaison de ces dispositifs avec la prime pour l’emploi met en outre en lumière un défaut majeur de celle-ci : la courroie de transmission fiscale semble peu adaptée pour des bénéficiaires de minima sociaux car son effet sur le revenu se fait sentir avec plus d’un an de retard, ce qui atténue considérablement son impact en termes d’incitation à la reprise d’activité.

Votre rapporteur ne serait donc pas hostile à la transformation de ce dispositif fiscal en une allocation, qui s’apparenterait alors à l’ACR. Une telle réforme pourrait d’ailleurs être l’occasion de recentrer le bénéfice de ce dispositif sur les ménages à bas revenus car l’actuelle prime pour l’emploi diffuse aujourd’hui ses effets trop haut dans l’échelle des revenus pour être réellement efficace en termes de redistribution.

Le principal défaut, tant de l’ACR que du RSA, réside dans l’encouragement implicite au temps très partiel que ces mesures prodiguent. Le soutien très important apporté par ces dispositifs dès les premières heures d’activité fait en effet craindre des pressions à la baisse sur les salaires et un renforcement du recours par les entreprises à des emplois à temps partiel ou à des emplois temporaires.

Si ces formes d’emploi atypiques constituaient de façon habituelle une première étape vers des emplois stables et à temps complet, il pourrait être souhaitable d’encourager les bénéficiaires de minima sociaux à les occuper. Mais les études disponibles montrent qu’en réalité, les chances, pour un travailleur à temps partiel, de retrouver un emploi à temps plein sont faibles. Un intéressement permanent à occuper de tels emplois comporterait donc des effets pervers pour les intéressés eux-mêmes, en les faisant passer d’un piège dans un autre.

Dans ces conditions, votre rapporteur estime qu’il conviendrait de corriger les travers des dispositifs d’ACR ou de RSA. Il serait par exemple envisageable de retenir un seuil d’éligibilité à l’allocation à compter d’une durée minimum de travail (0,3 SMIC, comme pour la prime pour l’emploi). On pourrait également maintenir constante l’allocation entre le mi-temps et le temps plein, de façon à éviter les situations où le temps partiel reste préférable. Il serait également possible de jouer sur les taux d’intéressement, en les réduisant pour les premières heures de travail.

La complexité du dispositif français des minima sociaux est un produit de l’histoire de notre système de protection sociale. Si cette complexité engendre certains effets pervers, elle est aussi le signe d’une volonté d’adaptation aux besoins particuliers de chaque catégorie de la population. Dans ces conditions, il convient de rejeter l’idée de la simplification pour la simplification, qui risquerait de conduire davantage à l’injustice qu’à un réel allégement des contraintes pour les bénéficiaires.

Il est en revanche nécessaire de mettre fin, chaque fois que possible, aux trappes à inactivité : au-delà de la question de l’incitation à la reprise d’activité, il s’agit surtout de faire preuve d’équité vis-à-vis des travailleurs les plus modestes. De même, il est indispensable de supprimer les incohérences et les effets pervers provoqués par l’insertion des minima sociaux dans notre système socialo-fiscal.

Dans cette perspective, plus que d’une révolution, c’est d’un toilettage systématique dont notre protection sociale a besoin. Pour avancer dans cette tâche, les pouvoirs publics doivent pouvoir se référer à un état des lieux complet et fiable de la situation, afin de confronter les réformes – souvent nécessairement partielles – qu’ils envisagent de conduire à la complexité de l’ensemble du dispositif des minima sociaux et à son fragile équilibre.

En adoptant le présent rapport, votre commission espère que celui-ci pourra constituer un tel outil. Si tel est le cas, elle engage le Gouvernement à tenir à jour le panorama qu’il a tenté de dessiner, afin que les données ainsi rassemblées soient régulièrement actualisées et valorisées. »

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