Comme toujours, lorsqu’un objectif louable devient une mode, il arrive qu’on le dénature quelque peu… pour en faire, le plus souvent, un argument marketing. Dans notre société où la communication fait loi, le consommateur doit avaler quelques couleuvres. Alors comme le disait l’émission : « Méfions nous des contrefaçons ! »
Le développement durable c’est avant tout le bon sens et le contenu, gare aux étiquettes et aux raisonnements houleux… Voici quelques petites histoires glanées au fil du temps : le bio, le naturel, le bilan carbone, le commerce équitable, la « profitation »…
- Le naturel n’est pas toujours bio… Le chevreuil bio.
Il y quelques années, dans le train, je discutais avec le patron d’une entreprise de fabrication de produits « bio ». Comme il est chasseur, comme moi, je lui soumettais l’idée de vendre du gibier dans sa gamme de « produit bio ». Il me répondait tout le go : « le naturel n’est pas bio ». « Pour qu’un chevreuil puisse porter le label « bio », il faudrait qu’il soit élevé dans les conditions de la certification « bio ». Il faudrait qu’il soit en enclos, et que l’on soit bien sûr qu’il n’a consommé que des aliments « bio », or, dans la nature, ce n’est pas forcément le cas : imaginez que ce chevreuil ait brouté une herbe qui a reçu des engrais d’origine chimique !
- Le bio n’est pas forcément naturel : la tomate bio
Une autre fois, je visitais une culture de tomate «bio ». Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir des allées de plan de tomate sous « goutte à goutte » , façon « le Meilleur des Mondes ». Le « bio » n’est décidemment pas forcément toujours naturel !
- Le bio « égoïste », quand la consommation « bio » explose le bilan carbone.
Que penser de ce légume « bio » importé de je ne sais où ? Assurément l’aliment est « bio », mais qu’en est-il du transport de l’aliment de son lieu de production jusqu’à mon assiette ? Si je fais faire 7000 kms à une assiette « bio », elle reste bio pour moi, mais elle n’est pas « bio » pour la planète ! C’est en quelque sorte un plat bio « égoïste ».
- Le bio dépressif : sommes nous bio ?
Que penser de cette personne qui se nourri de plat « bio » certifiés, et qui se bourre de molécules médicamenteuses de synthèse ? Voilà un homme qui consomme du « bio » et qui n’est pas « bio » lui-même ! Bien souvent on a peur de la chimie pour les plantes, mais pas pour nous ! Aujourd’hui « chimie » est devenue un gros mot… Et pourtant que serions-nous sans la chimie ?
- Le pétrole : on ne peut pas faire plus « bio » !
En lisant la presse quotidienne régionale durant une semaine de vacances dans l’ouest, je découvrais un article au sujet d’un revêtement routier d’un nouveau genre. Quelques élus étaient pris en photo sur une route qu’ils regardaient avec grand intérêt : cette route était fabriquée à partir d’un substitut de pétrole émanant d’une culture de colza… C’est là que ça coince ! Il s’agissait selon l’article d’une démarche éco-responsable de construction d’une route à partir de bitume d’origine « agro biologique ». Selon moi le plus « bio » des revêtements routiers c’est le bitume de pétrole ! On ne peut pas faire plus « bio » que le pétrole ! Dans un monde où la grande majorité des habitants manque de tout, faire gober à une palanqué d’élus que le colza pourrait être une idée pour faire des routes est une ânerie.
- Commerce équitable : la banane dont ne parle pas Max Havelaar
J’ai vu une pub pour la banane équitable « Max Havelaar » en provenance d’Afrique ou du Costa Rica. Comment faire pour être sûr que la banane que je consomme est issue d’une bananeraie dont les ouvriers profitent bien de mesures de protections sociales, que le droit du travail est respecté, que les produits interdits n’y sont pas utilisés ? Aujourd’hui, si l’on veut mettre toutes les chances de son coté, le plus simple est de consommer une banane européenne : Guadeloupe, Martinique, Mader, Canaries, Crête… Max Havelaar ne la conseille pourtant pas !
- L’avion, la voiture, ou le train : tout dépend !
Conversation :
-Comment êtes vous venus jusqu’ici : en avion ? Vous auriez du prendre le train.
-Je sais mais j’ai compensé ! (retenez bien cette réponse, c’est la clef !)
Voilà une conversation « éco’responsable » que l’on peut entendre aujourd’hui dans les milieux très écolo bobo. Pourtant si l’avion était régulier, avec ou sans vous, il aurait émis le même taux de CO2… A part pour le Président de la République qui affrète des avions, prendre le train ou l’avion de change pas significativement les émissions de CO2 dans l’atmosphère !
Lu dans la presse : « Pour se rendre à Marseille, le Président du Conseil Général a préféré prendre sa voiture plutôt que l’avion pour épargner à la planète des émission de CO2 ». Si un avion régulier est inscrit au décollage et que vous refusiez de le prendre. Et si pour ne pas le prendre vous utilisez votre voiture. Pensez vous que la facture carbone adressée à la planète sera moindre ? Bien sûr que non ! L’avion décollera tout de même, et vous consommerez, en plus, votre propre carburant !
Par contre si vous devez affréter un avion, un train ou un convoi… la question peu se poser ! Elle peut se poser aussi, si a force de taper sur les voyages en avion, on finissait par supprimer des lignes régulières. Elle peut se poser enfin si vous hésitez entre la voiture, le vélo ou la marche à pied pour aller faire vos courses en ville !
- Profitation : tout et relatif…
« C’est scandaleux se qui se passe en France. On est exploité par les patrons, Nou ka êt Kont profitation la». Après avoir crié cela lors du défilé du 1er mai, Francebert alla faire ses courses, samedi, sur la darse de Pointe à Pitre : il acheta des poissons à un pêcheur Haïtien (ils sont moins chers) et au marché Saint Antoine il prit des épices et une main de banane. «Maman où fait tu pousser tes épices en Guadeloupe» – « Awa Papa, des épices il n’y en a plus en Guadeloupe, jodi la, tout vient d’ailleurs, et puis c’est du travail de féconder la vanille, plus personne ne fait cela sur l’île ». Puis Francebert alla chez Caraïbe Import pour acheter un cadeau à sa femme. Il y trouva un bibelot chinois « fabriqué à la main » pour à peine quelques euros et un coupon de Madras fabriqué en Inde. A Carrefour Destreland, il a trouvé un vélo à 50 € pour son fils… made in Taiwan. Ainsi va notre société qui est contre la « profitation », mais qui en profite, en l’insu de son plein gré !
- Emission de CO2 : la voiture hybride qui émet plus que la voiture à explosion… Sans commentaire ! On en parle dans toutes les bonnes revues spécialisées !
- Les agro-carburants devenus « bio »: relire à ce sujet sur ce blog : « Tous les ethanols ne sont pas bio »
à suivre : l’arbre qui cache la forêt et autres histoires de Développement Durable… Ce qui est important dans tout cela ce n’est pas de donner des leçons, mais de savoir les recevoir, et de réfléchir ensemble à l’avènement d’un monde meilleur.
je crois que le fait de parler de « bio » pour tout et n’importe quoi participe aussi aux paradoxes que tu dénonces.
Rappelons simplement que la bio (et non pas le bio), est le diminutif d’agriculture biologique, c’est à dire qui privilégie les êtres vivants pour cultiver (microfaune du sol, auxiliaires, utilisation et choix raisonnés des plantes cultivées, etc…). Point.
Personne n’a dit que l’agriculture biologique était la panacée.
Mais le mieux étant l’ennemi du bien, la tomate bio avec le goutte à goutte sera toujours préférable à la tomate non bio avec le goutte à goutte.
Aucun système n’est parfait, en fonction des différentes aspirations des populations (manger à sa faim et /ou manger sain et/ou manger varié et/ou manger local…), certains répondent mieux aux exigences demandées.
J’aimerai aussi qu’on arrête de parler d’écologie quand on parle d’écologisme. L’une est une science qui étudie les interdépendances entre les êtres vivants et leur habitat, l’autre est une doctrine qui vise à privilégier, dans le développement des populations humaines, la préservation des équilibres naturels, lesquels nous sont connus grâce à l’écologie.
L’histoire du train et de l’avion me fait penser à une conversation que j’ai surpris entre plusieurs enfants de 6ème (oui, oui, de 6ème)
Le sujet en était le blouson (Kway pour ne pas le nommer) d’un des enfants.
Certains disaient que le blouson en plastique venant de Chine et fabriqué par de pauvres ouvriers était à proscrire et qu’il n’aurait pas du l’acheter. Ce à quoi l’enfant a répondu que de toute façon, le blouson étant déjà fabriqué, expédié et mis en rayon, le mal était déjà fait. (on retrouve ton raisonnement)
Un enfant qui écoutait de loin s’est alors approché et a conclu en ces termes : quand tu prends un article en rayon, aussitôt il en manque un du stock et le supermarché en recommande pour le remplacer. Donc quand on achète quelque chose, c’est comme si on signait un bon de commande.
Si tout le monde arrête d’en acheter, ils arrêteront d’en fabriquer.
moi je trouve qu’un débat comme ça à 11 ans, ça donne de l’espoir pour l’avenir.
Après je suis d’accord avec toi sur le fait que les médias embrouillent les citoyens en galvaudant le vocabulaire. En appelant, écolo, vert, naturel, tout ce que tu voudras, des choses qui n’en sont pas (simple argument marketing) les messages véhiculés (mais compensés lol…) discréditent totalement la promotion de la prise en compte des enjeux environnementaux.
Si au final tout est écolo, pourquoi s’inquiéter, pourquoi changer ?
Un an après ton article, le bio/vert/écolo.équitable est toujours à la mode. Le marketing continue, de plus en plus insistant…. Pourtant nos élus continuent d’affrêter des avions à tort et à travers (même pour aller à Copenhague, un comble), les emballages des industriels ne sont pas tous biodégradables loin de là et le marché des machines à café à capsules continue d’exploser…. Et moi ? Je continue à marcher quand je peux éviter de prendre la voiture, à acheter ma nourriture sur les marchés et/ou dans les supermarchés du moment qu’elle vient de France mais j’achète toujours de la lessive, des chewing gums ou des jouets en plastique, le tout non bio/naturel/dégradable…. Il faut savoir raison garder: je ne saurai pas me passer d’un certain confort (celui de l’électricité par exemple), et je ne sauverai pas la planète à moi toute seule, MAIS j’essaie de vivre en « intelligence » en éteignant les lumières quand je quitte une pièce, en jettant mes détritus dans une poubelle plutôt que par terre, en fermant le robinet pour ne pas gaspiller l’eau, en cultivant quelques fruits et légumes le plus naturellement possible. Mais surtout j’essaie au maximum d’inculquer à mes enfants le respect d’autrui et de la nature, le non gaspillage et/ou le recyvlage autant que possible, ET la réflexion/l’attention, les « vérités » d’aujourd’hui seront peut être ridicules demain…. Souvenons nous qu’il n’y a pas si longtemps, l’amiante c’était génial et la radioactivité bon pour la santé… 😉