En assemblée pénière du Conseil Général de la Gironde, hier, nous avons débattu au sujet de la lettre de la Chambre régionale des comptes à propos de la gestion du Conseil Général de la gironde entre 2001 et 2005. Voici mon intervention.
Monsieur le Président, Mes Chers Collègues,
Nous avons lu avec grand intérêt cette lettre d’observation de la Chambre Régionale des Comptes. Et puisqu’il faut en débattre, voici les éléments que nous voulons aujourd’hui apporter au débat.
Au sujet de la situation financière du Département: la Chambre Régionale des Comptes conforte les analyses que nous avons souvent faites ici dans cet hémicycle
Elle rappelle l’impact du transfert des compétences et des charges, ce que nous ne nions pas. Puisque nous avons demandé la création d’un observatoire de la décentralisation et que nous y siégeons.
Nous constatons simplement que les charges liées à la décentralisation :
- Ne sont pas toujours des charges transférées, comme l’APA, puisqu’il s’agit de charges nouvelles. On ne peut transférer que ce qui n’existait pas,
- Que les charges liées à la décentralisation prennent leur origine dans des décisions imputables à des lois votées par vous, Monsieur le Président, comme la loi sur la démocratie de proximité (27 février 2002) ou celle des 35 heures qui ont eu pour impact de voir s’envoler les charges du SDIS et la participation du Conseil Général au financement.
- Enfin et c’est bien le plus important, que les charges nouvelles ou transférées -c’est une spécificité Girondine- sont très largement compensées par l’augmentation de la taxe sur les droits de mutations. 178 M€ en cumulé depuis 2004 contre 108 M€ en cumulé pour les charges nouvelles !
La Chambre Régionale des Comptes confirme ces chiffres puisqu’elle pointe tout à la fois que les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 59% entre 2001 et 2005, mais que dans le même temps le Département a conservé une capacité d’autofinancement, significativement supérieure à celle de départements français de la même strate.
Nous regrettons que le département ait choisi, nous l’avons dit souvent ici, une augmentation des produits de la fiscalité directe de 26% entre 2001 et 2005 dans la même proportion que la moyenne nationale. Nous le regrettons car dans les autres départements la situation n’est pas aussi rose qu’en Gironde puisqu’en Gironde, nous l’avons dit depuis la mise en route de l’observatoire, la taxe sur les droits de mutation compense très largement les coûts des décentralisations. Ce n’est pas le cas dans les autres départements, loin s’en faut.
Fort de toutes ces observations il s’avère, et la Chambre Régionale des Comptes le note aussi, que le Conseil Général de la Gironde pourrait mettre en place un programme d’investissement beaucoup plus ambitieux. Alors que tout cela sert à diminuer l’endettement qui a diminué de moitié depuis 1998. La Chambre Régionale des Comptes pointe du doigt le faible recours à l’emprunt.
En bref, Monsieur le Président, Mes Chers Collègues, la Gironde a toutes les caractéristiques d’un département très riche, qui pourrait investir beaucoup plus mais qui ne le fait pas, et qui pourrait se passer de l’augmentation de la fiscalité direct, ce qu’en temps normal, il ne fait pas non plus.
Au sujet de la gestion des finances départementales: les analyses de la Chambre Régionale des Comptes portent surtout sur des aspects techniques sur la gestion budgétaire et comptable : notons le souci du rattachement des charges et l’inventaire peu précis des biens départementaux. Sur ces sujets des actions de progrès peuvent être entreprises.
Notons au passage que pour ce qui est de la comptabilité d’engagement: « le système informatique permettait d’engager des dépenses après le mandatement! »
Au sujet des dépenses de communication, la Chambre Régionale des Comptes a éprouvé la même difficulté que nous. Elle pointe du doigt l’absence de suivi et de transparence que nous avons dénoncés à plusieurs séances plénières. Il est très difficile de suivre les dépenses de communication puisqu’elles sont imputées sous divers chapitres budgétaires… Pour faire simple, les dépenses de communication sont semble-t-il très importantes, pas toujours faites à bon escient, et très difficile à mettre en évidence.
Il serait intéressant de faire en terme de communication la part des choses entre :
- la communication que le Conseil Général fait sur et pour le département de la Gironde.
- la communication que le Conseil Général fait sur ses propres actions.
- la communication que le Conseil Général fait sur ses propres élus… Cette troisième communication pose des problèmes de déontologie.
Dans la gestion proprement dite de ces dépenses de communication, la Chambre Régionale des Comptes relève :
- Que pour sa campagne institutionnelle de 2004, le Département ne s’est pas assuré de la pleine réalisation des prestations commandées (vente d’espaces publicitaires).
- Que concernant la réalisation de la plaquette des Scènes d’Eté, des différences sont apparues entre les factures de la société retenue par appel d’offres et les bordereaux de prix contractuel.
- Que le Montant de travaux d’imprimerie payés sur mémoire et factures en 2004 à un fournisseur, dépassait significativement le montant des travaux d’impression réglés à cette même société dans le cadre d’un marché à bons de commandes (insuffisance dans l’évaluation des besoins…).
Au sujet de la gestion du personnel.
Nous avons, lors de la dernière plénière, pointé le manque d’outil de Gestion Prévisionnel des emplois. Il nous semble pourtant, et la Chambre Régionale des Comptes le confirme que cet outil est indispensable :
- Pour mettre en place une gestion efficace des emplois fruit des décentralisations successives.
- Pour gérer le départ à la retraite des fonctionnaires de notre collectivité et pourvoir à leur remplacement. Ce sont la moitié des fonctionnaires de notre collectivité qui prendront leur retraite dans les 10 années qui viennent.
Il semblerait qu’un agent ait été affecté à cette tâche en 2006. Pour autant, la Chambre Régionale des Comptes note une « démarche embryonnaire ». Il y a urgence !
Au sujet de la gestion du personnel, la justification de l’intégration du chef de cabinet au grade d’administrateur territorial hors classe (grade hiérarchique le plus élevé dans la fonction publique territoriale) par la « résorption de l’emploi précaire » est pour le moins cocasse! Mis en parallèle avec l’habitude prise d’un recrutement majoritairement de personnel catégorie A non titulaire…. cela parle de soi même !
Dans le même ordre d’idée, les frais de déplacement de 6 789 € d’un collaborateur de cabinet, recruté à mi-temps sur une période de 10 mois (emploi cumulé avec une pension de retraite) participent-ils à la relance du pouvoir d’achat des fonctionnaires territoriaux ! Pendant ce temps, d’autres militent sur la revalorisation du point d’indice … Je ne parle pas du « bilan carbone » du recrutement de ce collaborateur voyageur !
La cour des comptes ne pointe pas du doigt l’obligation qui est désormais faite aux collectivités locales d’intégrer dans leur personnel 6% de personnels handicapés… Pourtant sur ce registre-là le Conseil Général a des progrès à faire. Tout comme dans la « diversité » des recrutements. Nous souhaitons attirer votre attention sur ce point.
Nous avons bien noté, Monsieur le Président, que vous aviez pris, à la demande de la Chambre Régionale des Comptes, les arrêtés de délégation de fonction, permettant la majoration de 40% de l’indemnité des vice-présidents.
Concernant le RMI, la Chambre Régionale des comptes souhaite la mise en place de mesures de contrôle et d’évaluation. Or, bien qu’une convention tripartite ait été signée entre la CAF, la MSA et le Conseil Général prévoyant l’évaluation et le contrôle du versement du RMI, les dispositions de cette convention n’ont jamais été mises en œuvre.
Cette absence de contrôle sur les prestations financées a souvent été pointée du doigt par notre groupe en commission et en assemblée plénière. Elle aboutit, comme nous le verrons dans la suite de notre assemblée à des propositions d’admission en non valeur d’un montant total de 873142 € cette année (page 212). Ces admissions en non-valeur sont essentiellement dues au RMI.
Nous accueillons donc favorablement la proposition du Département de formaliser le rôle de contrôle du comité directeur réunissant les représentants du Département, de la Caf et de la MSA et nous vous demandons dès aujourd’hui qu’un représentant de notre groupe puisse y siéger à l’image de l’observatoire du transfert des charges et des compétences, afin d’établir une méthodologie de suivi des Rmistes (entrée et sortie dans le dispositif, procédures d’alerte,…).
Les citoyens attendent de nous que ce processus de suivi et de contrôle soit mis en place. C’est une question de volonté politique. Le Département de la Dordogne l’a fait. L’enjeu est de taille, tout à la fois pour l’équité dans le versement du RMI et l’impact de cette compétence sur notre budget.
Il en va de même pour l’APA où nous avons besoin de mettre en place des outils de suivi. Lorsque notre groupe s’adresse aux services départementaux pour obtenir des données chiffrées sur certains de nos domaines de compétences, notamment l’APA, ils se heurtent régulièrement à un refus.
Nous avions mis cela sur le compte de la rétention d’information … Mais on se rend compte aujourd’hui, fort de l’éclairage de la Chambre Régionale des Comptes que ce qui manque ce sont des outils de gestion de l’information.
En conclusion, le manque d’outils de gestion et d’évaluation des politiques mises en oeuvre par le Conseil Général est un problème criant qu’il nous faut résoudre rapidement. Nous voyons aujourd’hui combien est utile l’observatoire de transferts de compétences et des charges. Il nous faut avancer ensemble vers la création d’observatoires, de tableaux de bord, de méthode de suivi… Pour gérer, il faut prévoir, pour prévoir il faut connaître et analyser.
Notre collectivité est un grand paquebot. Mettons en place ensemble les outils de gestion adaptés à la conduite de ce grand paquebot. Force est de reconnaître qu’aujourd’hui et la lecture de la lettre de la Chambre Régionale des Comptes le confirme, dans de nombreux domaine, on navigue à vue !
C’est en ne regardant pas ses instruments et en naviguant à vue, que le Titanic a heurté un iceberg !
A lire aussi deux articles dans le journal Sud Ouest: