Pour la banane (1) , l’Europe a besoin de 3 frontières : une frontière économique, une frontière sociale et une frontière écologique !

J’étais la semaine dernière en déplacement en Guadeloupe où j’ai rencontré des producteurs de banane à Capesterre-Belle-Eau, notamment mon ami Guy Adolphe (2) , Vice-Président de l’association des producteurs de bananes de la Guadeloupe.

Les producteurs de bananes de Guadeloupe, de Martinique et d’Europe, bénéficient à travers une OCM spécifique de ce que nous appelons de nos vœux pour le reste des produits agricoles.

En effet, les bananes produites en dehors de l’Europe payent à l’entrée sur le marché européen une taxe. Cette taxe permet de subventionner les producteurs européens et de rétablir ainsi une concurrence loyale avec des pays producteurs qui n’ont pas les mêmes contraintes de production que nous.

Malheureusement, au lieu de renforcer cette règle de bon sens, la commission n’a de cesse de baisser cette taxe à l’importation. Ainsi les droits de douane à l’entrée au marché européen sont passés de 176 euros/tonne en 2009 à 75 euros/tonne en 2020. Cela a provoqué un approvisionnement toujours croissant du marché européen, qui atteint aujourd’hui plus de 6 millions de tonnes de bananes par an.

Cet approvisionnement peut encore augmenter et cette hausse de l’offre risque de provoquer un effondrement des prix sur le marché européen de la banane, dont il est déjà possible d’observer les prémices depuis 2015 (passage de 14,1 à 11,9 euros par carton de bananes).

Une baisse de prix serait fatale aux productions européennes, qui supportent des coûts plus importants que leurs concurrents de pays tiers car elles respectent les normes européennes sociales, environnementales, sanitaires et phytosanitaires, et elles mettent en œuvre des engagements qualitatifs et agroécologiques comme par exemple les Plans « Banane Durable » aux Antilles (incluant la réduction des pesticides de plus de 70% depuis 1996), ou encore l’obtention d’une IGP aux Canaries.

Nous devons appeler de nos vœux le renforcement des frontières européennes par la mise en place de 3 frontières : une frontière économique assortie d’une taxe à l’importation, une frontière écologique assortie de contraintes de production et une frontière sociale pour lutter contre le dumping social et le non-respect de la dignité humaine.

  • Créer une « frontière économique » à l’entrée sur le marché européen en stoppant la baisse du tarif douanier sur les bananes d’importation pour le sanctuariser à 75 euros/tonne ; La taxe sur les bananes d’importation a vocation à être versée, via un système vertueux, aux producteurs de bananes européens ;
  • Créer une « frontière écologique » entre l’Europe et le reste du monde, pour cela, il convient d’établir une liste de substances actives autorisées ou interdites, sur la base de la règlementation européenne, que les bananes importées devront obligatoirement respecter ; Les pays producteurs des pays tiers exportateurs ne respectent pas les mêmes normes dans les domaines de la protection de la biodiversité, de l’environnement, de la santé, des produits phytosanitaires, des pratiques culturales, des normes sur la production biologique, etc. Par exemple, de nombreux pesticides et certaines méthodes d’application sont interdits pour les bananes européennes mais utilisés sur les bananes importées, comme par exemple le carbofuran, le carbaril, le traitement aérien, etc…
  • Créer une « frontière sociale et humanitaire » car la politique commerciale de l’UE n’a pas permis d’améliorer les conditions de travail et la protection sociale dans ces pays latino-américains (travail forcé, emploi d’enfants, répression du syndicalisme, travail informel, etc.), où les salaires sont nettement inférieurs qu’en Europe ; L’entrée sur la marché européen doit être assorti de critères de respect de la dignité humaine ; C’est le cas notamment en Equateur, 1er exportateur mondial de bananes, dont l’UE est le 1er acheteur, où le sujet de l’impact de la politique commerciale de l’UE sur les conditions de travail dans les pays tiers signataires d’accords bilatéraux de libre-échange fait débat(3) ! Malheureusement, la clause de l’accord interdisant l’entrée du marché communautaire aux produits provenant de pays ne respectant pas les droits de l’Homme n’est pas appliquée !

L’Europe doit profiter de sa position de 1ère zone de consommation du monde pour protéger ses producteurs, à court terme, et, à moyen terme, entrainer dans son sillage l’ensemble des pays producteurs pour une meilleur protection sociale et environnementale des populations.

L’Europe est une civilisation, c’est aussi un message !

Yves d’Amécourt – Membre du bureau politique de Force Républicaine – 12 avril 2019


(1) Pour la banane comme pour toutes les productions agricoles européennes !
(2) Nous nous connaissons avec Guy depuis les années 90 et mes travaux avec Henri Vanier (PLASTIBANA) sur la gaine KATRYX.
(3) Une plainte a été déposée devant la cour Constitutionnelle d’Équateur. Elle porte spécifiquement sur une série de décrets pris par le Gouvernement équatorien en 2017, année de signature de l’accord UE/Équateur, et qui permet de flexibiliser et précariser le droit du travail dans le secteur agricole bananier.

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