La filière viticole française se porte mal. Certes, ce n’est pas la première fois, ni sans doute la dernière. Néanmoins, les facteurs de crise paraissent particulièrement nombreux et durables. Ils touchent aussi bien l’offre que la demande. Le mal semble profond. Sans doute que l’heure des conservatismes doit céder la place à une approche plus innovante et pragmatique dans la gestion de cette filière.
Une offre volatile en perte de vitesse
L’Agreste (ministère de l’Agriculture) prédit cette année une diminution de 12 % des volumes récoltés. Cette baisse s’inscrit dans une tendance globale de réduction des rendements du vignoble. L’origine en est multiple : augmentation des maladies de la vigne, pratiques viticoles peu soucieuses de l’environnement global de la plante, évolutions climatiques. Le climat joue en effet un rôle clé dans la quantité produite comme dans la qualité des vins et pose un défi considérable aux vignerons.
À court terme, les évènements extrêmes (gel tardif, grêle, sécheresse) affectent les quantités et amènent une grande incertitude sur les récoltes. Cela impose de lisser les stocks et les ventes dans le temps et donc induit une hausse du besoin en fonds de roulement. Les petites exploitations, la norme dans notre pays, paraissent bien fragiles et démunies pour gérer cette incertitude. À long terme, le réchauffement pourrait affecter la typicité des vins, mais surtout condamner la récolte des zones les plus affectées. Le modèle productif français semble donc menacé.
Un consommateur qui a profondément changé
Les difficultés ne s’arrêtent cependant pas là. La demande de vin a fortement évolué depuis une vingtaine d’années. En France, elle a baissé de moitié depuis les années 1960, selon FranceAgriMer.
Mais cette tendance s’accélère avec la désaffection croissante des Français pour le premier canal de distribution de vin : la grande distribution (70 % des ventes).
Les foires au vin ne font plus autant recette que naguère. L’exportation est également devenue plus difficile. Il y a 20 ans, les principaux marchés d’export, Allemagne, Belgique et Royaume-Uni, étaient tous dans l’Union européenne, accessibles sans droits de douane et avec des consommateurs comprenant les spécificités des appellations d’origine. La concurrence venait essentiellement de l’Italie et de l’Espagne.
Les principaux marchés sont maintenant les États-Unis et la Chine. Leurs marchés sont protégés et leurs consommateurs sont plus difficiles à séduire car ils comprennent moins nos étiquettes et nos spécificités. De plus, la liste des concurrents s’est considérablement allongée avec les pays dits du nouveau monde : Australie, Afrique du Sud, Chili, Argentine, Nouvelle-Zélande, États-Unis. Pour certains, le taux de croissance de leurs exportations est exceptionnel.
Ces pays fonctionnent avec des marques fortes qui s’émancipent des règles propres aux appellations d’origine et ils maîtrisent les codes marketing modernes. L’espace disponible, des coûts moindres et la taille plus élevée de leurs exploitations leur confèrent un avantage compétitif. Sans même parler de la concurrence croissante des autres boissons ou du cannabis, vendre du vin est ainsi devenu nettement plus difficile pour les vignerons français.