Réforme des rythmes scolaires : sans compensation financière de l’Etat vers les communes, la loi ne respecterait pas la Constitution !

On parle beaucoup, ces jours-ci de la réforme dite « des rythmes scolaires ». Cependant, le véritable changement que propose le Gouvernement n’est pas celui des rythmes scolaires. Chacun a bien compris que d’ajouter une demi-journée de cours, dans la semaine, n’allait révolutionner ni l’enseignement, si la vie de famille, ni l’agenda des enseignants…

Le véritable changement, celui dont on ne parle pas, c’est la nouvelle compétence que l’Etat entend donner aux communes.

Cette réforme est, sans le dire, le début de la décentralisation, vers les communes, de l’enseignement primaire (maternelle et élémentaire). Qui dit transfert de compétences, dit, financement à l’€ près… Et de cela, on ne parle pas !

Jusqu’ici, l’Etat assumait l’enseignement et les communes assumaient le « gîte, le couvert et la surveillance ». Avec le projet de loi Peillon, l’Etat demande aux communes de mettre un second pied dans l’école :

  • en élaborant un projet éducatif territorial avec les acteurs locaux : associations de parents d’élèves, associations locales, société civile, accueils périscolaires et extra-scolaires, communauté des communes, départements ;
  • en assumant des heures d’enseignement devant les élèves : l’enseignement magistral restant le rôle des maîtres et des maîtresses, les communes assumeront l’organisation d’un enseignement artistique, culturel, sportif, …

Cette réforme est, sans le dire, le début de la décentralisation, vers les communes, de l’enseignement primaire (maternelle et élémentaire), que depuis quelques semaines les DASEN (Directeurs Académiques des Services de l’Education Nationale) et les Recteurs, se plaisent à renommer: « Ecole Communale ».

Mais qui dit « transfert de compétences », dit, « financement à l’€ près »… Et de cela, on ne parle pas ! Pourtant, l’obligation pour l’Etat, de financer les compétences que l’on transfert ou les nouvelles compétences, est désormais inscrite dans la Constitution.

Ainsi, le 30 juin 2011, saisi par les Départements de France, le Conseil Constitutionnel a-t-il rappelé qu’en cas de transfert de charges ou de nouvelles charges, « il appartient au pouvoir réglementaire de fixer une compensation qui permette, compte tenu de l’ensemble des ressources des collectivités, que la libre administration des collectivités territoriales ne soit pas entravée » et demandait au « législateur de prendre des mesures correctrices appropriées », concernant l’APA une charge nouvelle, non compensée, confiée aux Départements en 2001 par le Gouvernement Jospin.

Concernant la « réforme des rythmes scolaires » que j’appelle, pour ma part, « la décentralisation d’une partie de l’enseignement primaire vers les communes », la loi n’est pas encore votée, que l’on demande déjà aux Maires de se prononcer !

Sur la forme, le processus est bien curieux :

Habituellement, le Parlement vote une loi, puis suivent les décrets d’application, enfin on diffuse les guides d’accompagnement pour les acteurs locaux et les dossiers de presse pour informer la population.

C’est aujourd’hui tout le contraire qui se passe : nous avons reçu en 1er lieu, un « dossier de presse », une lettre du 1er Ministre, puis un « décret du Ministre » , … alors que la loi n’est toujours pas votée ! Les députés de la majorité vont exposer la réforme sur les territoires, tout comme les fonctionnaires.

On demande aux Maires de se prononcer avant le Parlement !!!

Après tout, peu importe la forme, mais sur le fond, j’y vois deux soucis majeurs :

  • Comment peut-on décentraliser ainsi une compétence régalienne de l’Etat, sans passer devant le Parlement ?
  • Lorsque la loi passera devant le Parlement, comment sera-t-elle financée ?

Le Gouvernement a-t-il prévu de faire aux communes, ce que le Gouvernement Jospin fit aux Départements en 2011, avec l’APA : créer une nouvelle charge, sans la financer ? C’est aujourd’hui le sentiment de bon nombre de Maires, de droite, comme de gauche, dont les frais de scolarité vont augmenter de 100 à 200 € par enfant, selon les écoles (soit en 10 et 25%).

Certaines communes ne pourront pas assumer cette charge, leur administration en sera « entravée », ce qu’interdit formellement la constitution de la République. D’autant que, par ailleurs l’Etat annonce une baisse des dotations.

Il est temps d’écrire à nos Députés et Sénateurs afin de leur rappeler cet article de la Constitution, avant qu’ils ne légifèrent… Il en va de l’avenir de la libre administration des communes !

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1 commentaire pour “Réforme des rythmes scolaires : sans compensation financière de l’Etat vers les communes, la loi ne respecterait pas la Constitution !”

  1. Gros doute sur les rythmes scolaires

    Depuis plusieurs semaines, notre Ministre occupe tout le monde, professeurs, éducateurs, parents d’élèves avec la réforme des rythmes scolaires. Il n’en finit pas de sortir des scoops, et le dernier en date remonte à ce week-end avec des vacances d’été qui seraient ramenées à 6 semaines.

    Sauf que l’on est train d’oublier l’essentiel, à l’heure où le projet de loi sur la refondation de l’école est en train d’être examiné à l’Assemblée.

    Rien ne sert de changer les emplois du temps des enfants si l’on ne modifie pas profondément les méthodes d’enseignement.

    La France a l’un des plus importants taux d’échec des pays de l’OCDE en matière d’apprentissage de la lecture et de l’écriture. 40% des enfants arrivent en sixième sans maîtriser la lecture et l’écriture. Il faut bien comprendre ce que cela veut dire. Plus du tiers des enfants âgés de 11 ans n’ont pas le niveau de lecture d’un enfant de 7 ans.

    La chute de notre école n’est plus un secret

    Même le journal Le Monde sonnait le tocsin le 20 février dernier. Voilà ce que l’on pouvait lire dans un article titré « Le niveau scolaire baisse, cette fois-ci, c’est vrai ! » :

    « Si le niveau est resté stable de 1987 à 1997, il a en revanche chuté de 1997 à 2007. Le niveau de lecture qui était celui des 10 % les plus faibles en 1997 est, dix ans plus tard celui de 21 % des élèves ».

    Cela fait dix ans que l’OCDE nous met en garde sur la chute de notre niveau. Et ses publications sont aujourd’hui devenues suffisamment alarmistes pour que tout le monde en parle, mais personne n’agit.

    Or quand on regarde les rapports officiels, quand on reprend les résultats des journées de défense et de citoyenneté, on s’aperçoit que l’Éducation nationale n’arrive pas à apprendre à lire et à écrire à tous les enfants. Pire, elle y arrive de moins en mois.

    Chaque année, un enfant sur quatre est en échec dès le CP. Jamais notre école n’a eu autant de mal à transmettre les fondamentaux à tous les enfants.

    Affronter les responsables du blocage

    Face à cet échec, le gouvernement ne prend aucune mesure. Pourtant des solutions, il en existe. Elles ne sont ni ruineuses, ni compliquées mais elles demandent d’affronter ceux qui sont responsables du blocage sur cette question. Ils sont surtout responsables de la non-information des professeurs, en entretenant le mythe que toutes les méthodes d’apprentissage se valent.

    Les études qui comparent le mixte et le syllabique

    Toutes les méthodes ne se valent pas. Les Anglais l’ont démontré sur des générations entières de jeunes élèves. Outre-Manche, des études comparatives ont été menées depuis 1997 sur l’efficacité comparée des méthodes d’apprentissage de la lecture. Elles ont démontré que les méthodes mixtes ne permettaient pas à tous les élèves d’apprendre correctement à lire.

    Pour réussir auprès de toutes les populations, anglophones, non anglophones, favorisées, défavorisées, il faut avoir recours à des méthodes exclusivement syllabiques. Elles passent d’abord par l’apprentissage systématique des sons et ne donnent jamais à lire des mots ou des phrases que les enfants ne peuvent pas déchiffrer.

    En France, ces études n’ont jamais été menées mais, pire encore, nos chercheurs n’ont pas diffusé les résultats des études menées en Angleterre, privant ainsi des générations de professeurs de l’information qui leur est nécessaire pour bien exercer leur métier. Quand vous êtes professeur aujourd’hui, que vous cherchez à vous former correctement, personne ne va vous dire que des méthodes sont plus efficaces que d’autres. On va simplement affirmer que l’important, c’est d’innover. C’est encore une fois ce que fait la loi de refondation de l’école.

    Une information à porter aux professeurs

    Pour réussir à enseigner correctement aux enfants, il est surtout nécessaire d’être informé et d’être informé sur ce qui marche avec tous les enfants. Aujourd’hui les écoles publiques anglaises des quartiers ultra-défavorisés où personne ne souhaitait, il y a encore dix ans, scolariser son enfant, rivalisent avec les meilleures écoles des quartiers chics. Voilà ce que l’on ne nous dit pas en France et voilà ce que SOS Éducation, à travers l’étude réalisée par Constance de Ayala, a mis sur le bureau de chaque parlementaire.

    Nos hommes politiques sont donc informés sur cette question, ils ont donc les moyens d’agir dans le bon sens. En effet, c’est grâce aux parlementaires que l’Angleterre est parvenue à faire savoir à toute sa population de professeurs que l’on pouvait réellement apprendre à tous les élèves à lire à une condition et une seule : appliquer des méthodes efficaces pour tous les enfants.

    Les parlementaires ont eu le courage d’affronter les blocages des différents idéologues sur la question pour permettre à la population dans son ensemble d’avoir accès à ces méthodes. Et les résultats sont là. Les progrès de l’Angleterre sont maintenant reconnus au niveau international.

    La dernière enquête menée par l’université de Boston auprès des enfants de 10 ans, l’enquête internationale PIRLS publiée en décembre dernier, atteste que l’Angleterre vient de gagner huit places en cinq ans.

    Les écoliers anglais n’ont pas atteint encore le peloton de tête mais ils sont déjà remontés à la 11e place. Dans ce même classement international, la France occupe la 23e position, elle est maintenant en-dessous de la moyenne européenne et elle a encore perdu six places en cinq ans.
    Qui va tirer la sonnette d’alarme, si ce n’est vous ?

    Un espoir pour tous les enfants

    Car il est fort à parier que nos syndicats n’ont pas vraiment fait la publicité de cette révolution anglaise auprès des professeurs. Pire, ils prétendent que l’on ne peut comparer l’anglais et le français. Les chercheurs classent l’anglais et le français au niveau des langues opaques, c’est-à-dire des langues qui vont écrire un même son de différentes manières : « o, ot, au, eau, etc. ».

    Les langues opaques sont plus difficiles à maîtriser que des langues où tous les sons s’entendent et où chaque son ne s’écrit que d’une seule et unique manière. Le français compte 35 phonèmes (la plus petite unité de son), qui peuvent se transcrire de 135 manières différentes. L’anglais compte 60 phonèmes, qui peuvent se transcrire de 1100 manières différentes !

    Si les Anglais ont réussi à apprendre à lire à tous les enfants y compris et surtout à ceux qui ne parlent pas anglais à la maison, nous devrions aussi y arriver. Évidemment, cela demanderait de revenir, non pas sur la liberté pédagogique comme on nous le fait croire, mais sur la liberté d’information.

    Qu’a fait la Grande-Bretagne sous l’impulsion des parlementaires pour permettre un changement de pratiques dans l’art d’enseigner la lecture et l’écriture aux plus jeunes ?

    Elle a fait connaître les résultats de ces études comparatives, elle a initié des formations auprès de ces professeurs qui avaient réussi à transformer leur école en école de la réussite, elle a encouragé les éditeurs à publier des méthodes stricto sensu syllabiques en élaborant un cahier des charges, elle n’a pas imposé cette méthode dans toutes les écoles mais elle a demandé aux écoles qui étaient en échec de l’essayer.

    Pourquoi tout cela ne serait-il pas possible en France ?

    Antoine Blondel
    Responsable des relations parents – professeurs
    SOS Éducation

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