Sénatoriales 2014 en Gironde à « qui perd gagne ! »

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Sincères félicitations à nos 3 sénateurs réélus ce week-end en Gironde ! Malheureusement, par le jeu d’un mode de scrutin abscond, cette victoire nette et sans bavure ne s’est pas transformée en un siège supplémentaire !

Hier, toute la journée, les « grand électeurs » de la Gironde se sont déplacés à la Préfecture pour voter. 3298 étaient inscrits sur les listes électorales. 42 ne se sont pas rendus aux urnes, ils paieront une amende de 100€ chacun. Le vote est obligatoire.

Les grands électeurs sont élus par les Conseils Municipaux. Dans les communes les plus petites il s’agit le plus souvent du Maire. Dans les communes de moins de 1000 habitants ils sont élus à la majorité. A partir de 1000 habitants ils sont élus à la proportionnelle intégrale. Dans les villes plus importantes, le conseil municipal élit à la « proportionnelle intégrale » (comprenez la « règle de 3 ») 1 grand électeur pour 800 habitants (avant 2014 il y avait 1 grand électeur pour 1000 habitant).

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Chacun savait, tant à droite qu’à gauche, que le résultat des dernières municipales donnait un avantage certain à la liste « Unis pour la Gironde » emmenée par Xavier Pintat, Marie-Hélène des Esgaulx et Gérard César. L’enjeu de cette élection était de faire élire Nathalie Delattre, adjointe au Maire de Bordeaux.

C’est ce qui s’est passé : avec 1524 voix et 47,8% des suffrages, la liste « Unis pour la Gironde » progresse de 8% par rapport au score réalisé par les 3 listes de la droite et du centre présentes aux élections sénatoriales de 2008. La liste de Philippe Madrelle, 1146 voix (35,95%), elle, régresse…

Mais au final, c’est « qui perd gagne » ! La liste arrivée derrière conserve ses élus ! Grâce à un mode de calcul pour le moins curieux : « la proportionnelle à la plus forte moyenne ».
Comment ça marche ?

Dans cette méthode, on fait le rapport entre le nombre de voix et le nombre de sièges et on prend les meilleures moyennes. Pour cela, pour attribuer le premier siège restant, on calcule le rapport entre le nombre de voix attribué à chaque liste et le nombre de sièges de cette liste augmenté d’une unité (cette unité servant à simuler le fait qu’on attribuerait le premier siège restant à la liste en question). Le premier siège restant est attribué à la liste pour laquelle ce rapport est le plus élevé. On recommence ensuite à calculer ces mêmes rapports pour l’attribution du deuxième siège, en prenant en compte le fait que le premier siège a été attribué, et ainsi de suite jusqu’à attribuer tous les sièges.

1ère répartition : Il y a 3188 bulletins exprimés, et 6 sièges disponibles. Cela fait donc 1 siège pour 531,33 bulletins exprimés.

  • Liste Pintat obtient 1524 voix / 531,33 bulletins = 2.87 = 2 sièges
  • Liste Madrelle obtient 1146 voix / 531,33 = 2,16 = 2 sièges
  • Les autres listes dont le score est inférieur à 531,33 n’obtiennent pas de siège.

2ème répartition :

  • Si j’ajoute 1 siège à la liste Pintat la moyenne de sa liste est de 1524/3 = 508
  • Si j’ajoute 1 siège à la liste Madrelle la moyenne de sa liste des de 1146/3 = 382

Le 5ème siège est attribué à la liste Pintat qui a la « plus forte moyenne »…

3ème répartition :

  • Si j’ajoute 1 siège à la liste Pintat la moyenne de sa liste est de 1524/4 = 381
  • Si j’ajoute 1 siège à la liste Madrelle la moyenne de sa liste des de 1146/3 = 382

Le 6ème siège est attribué à la liste Madrelle qui a la « plus forte moyenne »…

Curieuse « proportionnelle » !

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Dans quelle démocratie vivons-nous ? Quand 30% d’écart entre deux listes aboutissent au même nombre d’élus ? Dans quelle démocratie vivons-nous, quand 378 grands électeurs se sont déplacés pour rien ! Car si la liste Pintat avait obtenu 1146 sièges elle aurait obtenu le même nombre de sénateurs ! Ni simple, ni juste, telles sont les caractéristiques de ce mode de scrutin !

A cette complexité « mathématique » vient s’en ajouter une autre « constitutionnelle », car le vote d’un grand électeur n’a pas la même valeur selon qu’il habite dans un « petit » département (scrutin uninominal à deux tour) ou dans un grand (scrutin à la proportionnelle à la plus forte moyenne)… Complexité aggravée car parmi ces grands électeurs, certains ont été élu par des conseils municipaux élus au scrutin de liste avec panachage (commune de moins de 1000 habitants) et d’autre au scrutin de liste à la « proportionnelle avec prime majoritaire »…
Proportionnelle intégrale pour une partie du scrutin, proportionnelle à la plus forte moyenne pour une autre, scrutin uninominal pour une troisième, proportionnelle avec prime majoritaire, … et au final une majorité au sénat … Mais comment peut-on envisager une démocratie sereine si l’on ne sait pas expliquer simplement le mode de scrutin au peuple ? Comment peut-on envisager une démocratie sereine si l’on a le sentiment que le résultat n’est pas juste ?

Je propose au prochain Président du Sénat de se pencher sur cette question ! Comme il serait souhaitable aussi, qu’il se penche sur la représentativité démographique des départements… Car la Gironde, avec 1450000 habitants devrait disposer de 8 sénateurs et non de 6 !

Le prochain Président du Sénat…

Le Sénat depuis dimanche soir dispose d’une nouvelle majorité… On peut même dire qu’il dispose d’une majorité tout simplement ! Car depuis 3 ans il n’y en avait plus. Une majorité éclectique, hétéroclite, plurielle ou singulière, avait bien été constituée pour porter au pouvoir un Président Socialiste, mais depuis, plus rien… Conquérir le pouvoir est une chose, mais l’exercer en est une autre. A de très nombreuses reprises le Sénat avec construit des majorités « contre », mais jamais aucune majorité de travail… Si bien que les textes, pour la plupart, repartaient sans changement profond pour être adoptés par l’assemblée. Depuis 3 ans le Sénat ne jouait plus son rôle. Il était devenu un « retardateur » pour les uns et une « perte de temps » pour les autres… On montait à Paris, au Palais du Luxembourg pour « dire son opposition » à la politique du gouvernement ! Et on revenait dans son département pour dire combien on avait eu raison de monter à Paris.

En Gironde, la liste Socialiste conduite par Philippe Madrelle s’est auto-baptisée « Liste Ensemble, Proche de nos Territoires » ! On croit rêver ! Comme pour faire oublier que les 3 sénateurs socialistes, tous les 3 élus dans la CUB, avaient voté au Sénat le redécoupage des cantons qui noie les territoires ruraux et éloigne définitivement l’élu du citoyen !
Toute sa campagne, Philippe Madrelle l’a organisée autour de deux axes : lutter contre la « réforme territoriale » imaginée par la majorité et faire oublier qu’il appartient à ladite majorité… Faire la promotion des aides financières du Conseil Général pour les Communes… Un élu PS de l’Entre-Deux-Mers m’a même confié : « Moi j’étais contre une nouvelle candidature de Philippe Madrelle. Mais les aides du Conseil Général on ne peut pas s’en passer »…

Ainsi va la vie politique, la confusion des genres, la confusion des scrutins … Si en Gironde et en Dordogne les 2 présidents de Conseil Généraux ont réussi à protéger les positions du PS avec leurs « arguments locaux », la majorité a tout de même bougé au niveau national. Les nouveaux modes d’élections ont fait perdre et gagner les élus à tous les camps. Mais au final, la gauche perd la majorité au profit de l’UMP et de l’UDI.

Reste maintenant à élire le nouveau Président du Sénat. 3 candidats sont en lice : Jean-Pierre Raffarin (ancien 1er Ministre), Gérard Larcher (ancien Président du Sénat) et Philippe Marini (Sénateur de l’Oise). Vu de l’extérieur tout semble indiqué que Jean-Pierre Raffarin est le mieux placé… Mais le Sénat vu de l’extérieur n’est pas le Sénat vu de l’intérieur. Aussi, il semble que les chances de Gérard Larcher soient grandes … A l’intérieur, chacun se souvient que c’est lorsque Jean-Pierre Raffarin était 1er Ministre que le mandat de Sénateur a été raccourci de 9 à 6 ans… Au palais du Luxembourg les murs n’ont pas d’oreille, mais ils ont de la mémoire. Tout cela se fera en douceur, sans éclat de voix perceptible, à fleuret moucheté … Au Sénat on ne perçoit même pas le bruit feutré d’une veste qui se retourne.

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3 commentaires sur “Sénatoriales 2014 en Gironde à « qui perd gagne ! »”

  1. Bonjour

    Soyez un peu démocrate et honnète même si pour vous c’est difficile.
    La plus forte moyenne est une règle qui existe depuis longtemps. Elle joue en notre défaveur (la droite) cette fois ci mais statistiquement parlant l’exact contraire peut se produire. Et dans ce dernier cas de figure le vicomte DINDON de la BASSE COUR ne dira rien ou nous dira que la démocratie a .gagné

  2. Pour le 4/2 ce n’est pas passé loin quand même…

    En 2008, le PS a manqué le 4ème siège à moins de 50 voix et, en plus, Philippe Madrelle avait donné des consignes de vote à des proches pour que Gérard César soit élu contre Hugues Martin.

    Autrement dit si le PS avait « blindé » en 2008 il y avait le potentiel pour 4 sénateurs, cette fois-ci ils ont gagné le 3ème siège de 5 voix à la répartition à la plus forte moyenne… Autrement dit la dégringolade est quand même sévère…

    Et en plus ils y a eu entre les abstentions, les blancs et les nuls 110 absents sur 3298 (pour un vote obligatoire : 42 abstentions…)… Bref : si la droite girondine n’avait pas déconné comme d’habitude, Nathalie Delattre passait…

  3. Jacques C,

    Je ne conteste pas les résultats. A aucun moment.

    Se moquer de mon patronyme, de mes origines familiales, révèle un grand sens de la démocratie et de l’honnêteté !

    Vous me faites penser à mon opposant d’ici qui pendant la campagne des municipales disait à propos de notre liste « un aristocrate ça va, mais deux, ça commence à faire beaucoup »… Brice Hortefeux a été condamné pour des propos équivalents.

    Tout cela n’a rien à faire dans le débat.

    Yves d’Amécourt

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