[Tribune] La transition écologique, oui, mais pas en zone rurale ! (Boulevard Voltaire)

Imprimer, enregistrer en PDF ou envoyer cet article

D’ici 2028, le gouvernement veut éradiquer toutes les « passoires thermiques ». Il s’agit des logements les plus énergivores, classés F et G sur le diagnostic de performance énergétique. La France en compte 4,8 millions, selon le ministère de la Transition écologique« 7 à 8 millions », selon la FNAIM. Parmi elles, la moitié sont en location, la plupart dans le parc privé.

Pour accompagner cette volonté politique, les normes deviennent de plus en plus exigeantes et les coûts de rénovation et de construction augmentent. Ainsi, depuis le 1er juillet 2021, « les DPE[1] F, G et E sont en forte augmentation » suite à l’application d’un nouveau mode de calcul, comme le déplorait Jean-Marc Torrollion, président de la FNAIM, à l’occasion de la présentation du bilan de l’année 2021 et des perspectives pour 2022.

À partir du 1er janvier 2023, tous les logements dont la consommation énergétique excède les 450 kWh/m²/an (classés G sur le DPE) seront interdits à la location selon un décret publié au Journal officiel.

En toute logique, plus un logement est ancien, plus son efficacité énergétique est mauvaise. Ainsi, les passoires thermiques sont surreprésentées dans les logements datant d’avant 1945, qui pèsent plus d’un tiers du parc de logements français. Le taux de logements classés F ou G s’élève à 41,8 % lorsqu’ils ont été construits avant 1918, de 39,7 % pour ceux construits entre 1919 et 1945 et seulement de 0,4 % après 2013.

Les communes rurales comptent le plus de logements énergivores…

De plus, le problème des passoires thermiques ne se pose pas dans les mêmes proportions selon le type de territoire. Dans un article de novembre 2022, franceinfo a réparti les communes de l’Hexagone en six catégories. Selon cet article, les communes rurales comptent, en moyenne, le plus de logements énergivores, avec près de 30 % des habitations concernées.

… Mais elles ne sont pas éligibles aux aides à la pierre !

Pourtant, les habitations des communes rurales ne sont pas éligibles aux aides à la pierre qui permettent de réaliser les travaux demandés par le gouvernement. Or, sans les aides à la pierre, compte tenu du faible montant des revenus en zone rurale, les travaux de rénovation ne sont pas économiquement réalisables. Ainsi le préfet du Maine-et-Loire a-t-il répondu à un propriétaire de deux maisons[2] situées en zone rurale à une demi-heure d’Angers, qui souhaitait les rénover pour la location moyennant une convention[3] avec l’ANAH[4] :

« La politique de transition écologique et énergétique portée par l’ANAH conduit notamment à refuser l’étalement urbain (sic) et le mitage du territoire (re-sic) et cet établissement public demande à ses délégataires (en l’occurrence le département du Maine-et-Loire) d’établir un programme d’action territorial (PAT) conforme à cette orientation. Dans ce cadre, le PAT du département du Maine-et-Loire considère comme non prioritaires les financements de projets d’amélioration de logements hors enveloppe urbaine. »

On se souvient qu’au début de son mandat, Emmanuel Macron avait exclu les zones rurales du dispositif Borloo, avant de les rendre éligibles au dispositif Cosse… Mais ces dispositifs ne sont utilisables que dans le cadre d’un conventionnement avec l’ANAH, donc « dans les enveloppes urbaines ». Comme si les familles rurales n’avaient pas besoin de se loger.

Si je résume la situation : la transition écologique dans l’habitat, oui, mais pas en zone rurale !

Au moment où, après la crise du Covid, les familles cherchent à quitter les zones urbanisées pour profiter du charme de nos campagnes récemment connectées au monde grâce à la fibre optique, les fermettes du Maine-et-Loire, patrimoine rural du bocage angevin, cher à Joachim du Bellay, sont-elles condamnées à tomber en ruine au nom d’un prétendu « mitage du territoire » ?

Le département du Maine-et-Loire fut présidé, de 2004 à 2015, par un certain Christophe Béchu, actuel ministre de la Transition écologique.

[1] Diagnostic de performance énergétique

[2] Il s’agit de maisons situées en zone agricole à Jarzé-Villages dûment raccordées aux réseaux d’eau et d’électricité

[3] Les logements conventionnés sont des logements sociaux ou très sociaux dans le parc privé. Les subventions sont assorties d’une obligation de louer à des bénéficiaires de logements sociaux pendant douze ans.

[4] Agence nationale d’amélioration de l’habitat

Imprimer, enregistrer en PDF ou envoyer cet article

1 commentaire pour “[Tribune] La transition écologique, oui, mais pas en zone rurale ! (Boulevard Voltaire)”

  1. Vous avez été nombreux à réagir à cette tribune en évoquant les problèmes très concrets auxquels vous êtes confrontés. Tara, par exemple : « Oui, je me demande comment cela se fait, mais ma maison, double vitrage, plus isolation intérieure (mais datant de vingt ans) est donc en classe F. Nous avons demandé ce qu’il fallait faire. Les fenêtres ont plus de dix ans. Il faut donc les changer et refaire l’isolation… » F. Jacquel, lui, nous raconte aussi sa mésaventure : « Il y a deux ans, dans le même souci d’économie d’énergie, j’ai commencé une étude pour isoler par l’extérieur les murs en parpaings. Quand j’ai voulu concrétiser ce projet, j’ai découvert que je n’avais plus droit aux aides de l’État. Entre-temps, j’ai vendu mon chalet en viager occupé. N’étant plus propriétaire, je n’ai plus droit à rien. Seul l’acheteur pourrait effectuer des travaux subventionnés. Où est la logique ? » Bonne question, cher lecteur !

    https://www.bvoltaire.fr/dans-vos-commentaires-cette-semaine-macron-devrait-lire-bv-et-bien-dautres/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *