
La France a parfois besoin d’un miroir extérieur pour se redécouvrir. Aujourd’hui, ce miroir s’appelle Philippe Aghion, prix Nobel 2025 d’économie. Avec Joel Mokyr et Peter Howitt, ils viennent d’être récompensé pour leurs travaux sur la « destruction créatrice », ce moteur de la croissance par l’innovation qui renouvelle sans cesse les sociétés humaines. Loin d’être un concept abstrait, cette idée est un message : le progrès n’est pas un héritage, c’est un effort ; il ne tombe pas du ciel, il se cultive.
Ce Nobel n’honore pas seulement trois chercheurs, il rappelle à la France une vérité que nous avons trop oubliée : notre avenir dépend moins de ce que nous avons à partager que de ce qu’il nous reste à créer.
L’article officiel du gouvernement le souligne : Aghion a permis de comprendre comment l’innovation détruit les rentes, remplace l’ancien par le neuf, et transforme le risque en énergie de croissance. En un mot, le mouvement, et non la redistribution, est le secret de la prospérité. Puissent nos députés lire cet article !
Aghion n’est pas seulement un théoricien ; il est aussi un passeur d’espérance. Ses travaux, longtemps considérés comme trop audacieux, montrent qu’une nation qui n’accepte plus le changement se condamne à la stagnation.
La « destruction créatrice » n’est pas une fatalité brutale, mais un processus vivant : pour qu’une idée naisse, une autre doit parfois s’effacer ; pour qu’un emploi apparaisse, un autre doit se transformer, ou disparaître.
C’est ce cycle d’invention et de renouvellement qui a permis à la France d’être grande — et qui peut la relever à nouveau.
Il y a quelques jours, Jean Tirole, autre Nobel français, écrivait dans La Tribune : « La France n’est pas condamnée à la faillite. ». Mais il ajoutait que notre pays est condamné à choisir : continuer à se quereller sur le partage d’un gâteau qui ne lève plus, ou retrouver le goût de la pâte qu’on fait monter. Il dénonçait la « pensée à somme nulle », celle qui réduit l’économie à un affrontement entre gagnants et perdants, au lieu d’unir les forces pour créer de la valeur.
Ces deux voix — Aghion et Tirole — disent au fond la même chose : il faut remettre l’innovation, l’éducation et la liberté d’entreprendre au centre du projet français. Car la dette, le déclin, la désindustrialisation ne sont pas des fatalités ; ils sont les symptômes d’un pays qui doute de lui-même. Le remède existe : la confiance dans l’intelligence, la recherche, le travail, la création.
C’est aussi ce que nous portons avec David Lisnard dans son “Manifeste Libéral”, à la rédaction duquel j’ai eu l’honneur de contribuer. Ce livre trace un chemin de redressement, lucide et joyeux à la fois : un État recentré sur ses missions essentielles ; une société civile libérée de la paperasse et de la peur ; une économie où l’effort est reconnu, l’initiative encouragée, la réussite respectée. David Lisnard y rappelle qu’on n’émancipe pas les citoyens en les infantilisant, mais en leur redonnant les moyens d’agir, de comprendre et d’espérer. Ce n’est pas un programme de technocrate, c’est un appel à la responsabilité, au courage, à la liberté créatrice. Une France libérale, au sens noble du terme : une France qui fait confiance.
Le Nobel d’Aghion, la tribune de Tirole, le manifeste de Lisnard : trois signaux, une même direction. Tous nous disent qu’il est temps de consacrer notre énergie à innover, produire, éduquer, plutôt qu’à débattre sans fin du partage d’une richesse qui n’existe plus. Ils nous montrent un autre chemin : celui de la responsabilité, de la transmission, du courage créatif.
La France n’est pas condamnée ; elle est en attente d’un réveil.
Nous avons les chercheurs, les ingénieurs, les entrepreneurs, les professeurs, les agriculteurs, les artistes. Nous avons la matière première : l’intelligence.
Ce qui nous manque, c’est la confiance dans notre propre capacité à rebâtir.
Ce nouveau Nobel devrait être un électrochoc moral autant qu’économique.
Car il nous rappelle que le progrès ne se décrète pas, il s’invente ; que la vraie justice ne consiste pas à tout égaliser, mais à permettre à chacun d’avancer, de progresser ; et que la solidarité la plus durable est celle qui rend libre.
Oui, la France peut retrouver le goût de la croissance — non pas celle des chiffres, mais celle des idées qui precède celle des chiffres. Elle le fera si elle renoue avec son génie : celui d’un peuple capable de créer, d’éduquer, de transmettre.
Alors, à l’exemple de Philippe Aghion, de Jean Tirole et de David Lisnard, faisons ce choix : cesser de nous diviser sur ce qui reste, et recommencer à bâtir ce qui vient. Car le vrai partage, au fond, n’est pas celui des richesses d’hier, mais celui de l’espérance de demain.
