La technologie bouleverse la géographie. Elle nous fait passer d’un accès aux services en « mode concentré » à un accès en « mode distribué ». C’est une révolution en ce qu’elle nous permet progressivement d’accéder à tous les services quel que soit l’endroit où nous souhaitons vivre. Dans plusieurs domaines, les villes moyennes participent d’un équilibre entre qualité de service, relations sociales et bénéfices technologiques. Quatre niveaux de services parmi les plus essentiels permettent de comprendre le potentiel de cette révolution : l’éducation, la santé, la culture, la consommation et le travail. C’est autant de défi pour une innovation technologique dont le sens fait parfois défaut.
- L’éducation comme la formation se diffusent plus facilement. Pour les écoles, un système éducatif à taille humaine, riche d’activités d’éveil proches de la nature, sans renoncer aux ouvertures sur le monde qu’offrent les outils technologiques, permet d’accompagner les enfants et leurs parents dans un parcours pédagogique plus équilibré. Pour l’enseignement supérieur l’initiative « Campus connecté » relie les villes moyennes aux grandes universités. Les campus se redistribuent sur le territoire offrant aux étudiants des espaces d’enseignement mixant des cours en ligne, du travail en groupe et des intervenants extérieurs.
- Sur le même concept de redistribution, la santé se réinvente dans une relation de proximité à forte valeur ajoutée. Les villes moyennes permettent d’accueillir des hôpitaux de proximité, satellites des centres hospitalo-universitaires, permettant ainsi d’étendre les savoir-faire des structures référentes au maillage territorial. La médecine libérale, coordonnée dans les villes moyennes, se renforce par la télémédecine – pratiquée aujourd’hui par plus de 56 000 médecins – et sera enrichie demain par l’émergence des cabines de consultation permettant de diffuser autour des villes moyennes un réseau complémentaire de consultation et de diagnostic.
Les communautés professionnelles territoriales en santé (CPTS), au cœur du projet présidentiel, se basent sur la présence de professionnels de santé au sein d’un bassin de vie ou d’une ville moyenne et réintègre autrement les zones dites « sous-denses », en partant de la richesse et de la diversité de l’offre de soins du terrain et non du calcul statistique.
- La consommation change de paradigme. La vente en ligne ouvre l’accès à la plus grande gamme de produits et services, quelque-soit l’endroit où nous vivons. Ce processus est inéluctable. Cette évolution appelle néanmoins deux transformations : celle d’un système logistique dont les villes moyennes constituent la trame idéale ; celle d’un commerce nouveau, plus expérientiel, plus culturel, plus serviciel, dont les centres des villes moyennes deviendront le socle indispensable.
- Le travail. Beaucoup d’actualités viennent confirmer cette tendance lourde qui concerne plus particulièrement le secteur tertiaire. Le travail se redistribue offrant un meilleur compromis entre la qualité de vie et l’efficacité professionnelle. Les tiers-lieux sont un enjeu central dans cette métamorphose. Les villes moyennes offrent une taille critique pour accueillir ces plateformes de travail à fort potentiel d’échanges et d’avantages technologiques. Les entreprises intègrent progressivement à la fois cette liberté offerte comme un avantage comparatif pour le recrutement, mais aussi pour améliorer leur productivité. Les outils collaboratifs comme Slack, d’ores et déjà utilisé par 120 000 entreprises dans le monde, préfigurent cette évolution du travail en réseau.
Cette distribution des services est indispensable pour rééquilibrer équitablement l’aménagement du territoire. Dans sa note de Janvier 2020, le Conseil d’Analyse Economique alertait : « Le facteur géographique du mécontentement plongerait ainsi ses racines dans la concentration des activités au sein des métropoles et son corollaire, le déclin des communes alentour d’où disparaissent non seulement les emplois et le tissu de la vie sociale locale : les commerces, bureaux de poste, tribunaux, hôpitaux etc. (…) Et d’ajouter à propos du ratio coûts/ bénéfices d’un modèle concentré/ distribué : les travaux sur les données françaises de certains économistes ne concluent pas à la nécessaire concentration géographique des activités économiques »
Cette nouvelle distribution des services – y compris à forte valeur ajoutée – sur tous les territoires pose clairement l’urgence d’un maillage technologique à trois niveaux : la généralisation de la fibre optique (dont 40% du territoire est encore privé) ; le déploiement de la 5G au bénéfice des nouveaux services accessibles dans les villes moyennes et nécessitant des échanges de données à haute fréquence (santé, éducation, activités économiques) ; l’équipement des corridors de mobilité entre les zones rurales et les villes moyennes afin de déployer à terme des réseaux autonomes de transport à faible capacité.
La contractualisation entre l’Etat et les villes moyennes sera indispensable pour relancer la confiance. Elle se construira autour de projets qui permettront aux habitants d’un territoire d’avoir accès aux services dont ils ont besoin et aux entreprises d’assurer leur développement et celui de l’emploi qui seul pourra garantir au territoire de garder sa population
« La 5G nous permettra d’accéder demain dans les villes moyennes à des services que seules les grandes villes pouvaient nous fournir jusqu’à présent. C’est en cela qu’elles vont connaître une très forte expansion (…) L’internet est en train de devenir un outil de pouvoir, voire d’asservissement, il nous appartient d’en faire un outil de développement et de redistribution spatiale » Jean-Christophe Fromantin
« 30% des emplois de bureaux sont télétravaillables, jusqu’à 40% en Ile de France, selon l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière (IEIF) (…) 66% des entreprises interrogées vont généraliser le télétravail » Le Monde – 30 juin 2020