Hier, 19 juillet, notre ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a fait une visite dans notre vignoble pour venir se rendre compte des dégâts du mildiou. Sa venue faisait suite à son interpellation par les représentants la profession et nos parlementaires.
Le mildiou est le nom d’une maladie des plantes provoquée par plusieurs espèces de micro-organismes parasites proches des champignons. Plusieurs de nos plantes cultivées ont leur propre mildiou telles que la tomate, la pomme de terre, le fraisier et la vigne. Les anciens appelait le mildiou « la peste ». C’est pour cette raison que les fongicides qui traitent le mildiou se nomment « pesticides ». Les plus utilisés tant en agriculture biologique qu’en agriculture biologique sont des pesticides biologiques : bouillie bordelaise (sulfate de cuivre, chaux) et sel.
Originaire d’Amérique du Nord, le mildiou de la vigne s’est installé en Europe dès 1878. Il s’est introduit en profitant de l’importation de plants américains, résistants à l’oïdium et au phylloxera, deux autres maladies qui sévissaient déjà en Europe.
Le mildiou de la vigne parasite les parties vertes de la plante. Si les conditions lui sont favorables, avec de l’humidité en particulier, l’infection devient rapidement exponentielle sur une parcelle. A minima, les feuilles atteintes se nécrosent et se dessèchent. Cette année, le mildiou est descendu sur les grappes, notamment de merlot, entrainant des pertes de récoltes très importantes. Certaines parcelles de merlot ne seront pas récoltés car les raisins ont séché et auront disparu (photo).
L’importance des dégâts causés par ce champignon dépasse le périmètre des exploitations, pour s’étendre à l’ensemble du département (9 parcelles sur 10 sont touchées selon les observation de la chambre d’agriculture) et plus largement à tout le Sud-Ouest. Cette très forte propagation de mildiou est lié à un excès inédit d’humidité (la pluviométrie du mois de juin dépasse les 100 mm) et n’est pas imputable à la compétence du vigneron. Sans doute que les vignes abandonnées (environ 2000 hectares recensés en Gironde) suite à la crise viticole sont devenues des foyers de propagation.
Nos élus ont donc demandé au ministre que cette maladie soit indemnisable au titre des calamités agricoles et, pour les cas les plus graves, que la solidarité nationale prenne le pas (comme cela a été prévu dans le nouveau dispositif d’assurance récolte récemment mis en place).
Nos élus ont, une nouvelle fois, interpellé sur l’impasse de la « moyenne olympique » lors d’une succession d’aléas climatiques. Nos parents tablaient sur une année avec aléas climatiques tous les dix ans (grêle, gel, excès d’eau entrainant la coulure et le millerandage, …). Depuis 10 ans, sur notre exploitation, nous avons subi des aléas climatiques 7 fois : 2013 (excès d’eau), 2014 (grêle), 2015, 2016, 2017 (gel), 2018, 2019 (gel), 2020 (gel), 2021 (gel), 2022 (gel), 2023 (grêle et mildiou) ! Comte-tenu de notre « moyenne olympique » très basse, nous ne sommes plus assurés.
Autrefois, la baisse de la production entrainait une augmentation des prix. Aujourd’hui, dans un contexte de baisse de la consommation en France, et de mondialisation des échanges, ce n’est plus le cas. Les récoltes sont faibles, et les prix sont bas. Le modèle économique ne fonctionne plus. D’où la volonté des vignerons de Bordeaux de mettre en place un plan d’arrachage volontaire collectif : un plan social.
Un bilan sur la pré candidature à l’arrachage sanitaire a été partagé avec le ministre à l’occasion de sa venue : + de 1000 dossiers ont été déposés (soit 20% des exploitations viticoles de la Gironde) pour 9 300 hectares de vigne. Le besoin d’arrachage est confirmé, l’enveloppe prévue pour 2 campagnes devrait être consommée dans sa quasi-totalité dès la première année. Mon sentiment est que ce plan ne sera pas suffisant et qu’il faudra en construire un second.
Sans quoi l’accroissement des friches (vignes abandonnées, non cultivées) créera des ravages sur des vignes saines. De même qu’un maire peut prendre un « arrêté de péril » lorsqu’une construction abandonnée met en danger la vie d’autrui, il convient d’ouvrir la possibilité de prendre des arrêtés de périls lorsqu’une parcelle de vigne à l’abandon met en danger les parcelles voisines. L’arrêté de péril permet d’engager les travaux d’arrachage en lieu et place du propriétaire.
Nos responsable ont rappeler au ministre la nécessité qu’il défende la réhomologation des matières actives qui arrive en fin de vie (conventionnel et bio), pour ne pas laisser les viticulteurs dans des impasses techniques.
La France doit aussi prendre ses responsabilités au sujet de la réhomologation du glyphosate. Dans son étude remise le 6 juillet 2023 à la Comission Européenne, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a conclu que le glyphosate ne présentait pas « de domaine critique de préoccupation ».
Enfin, les élus de gironde ont alerté le ministre au sujet de la distillation. Les engagements pour la distillation ont été souscrits du 22 juin au 5 juillet 2023. D’après un bilan national provisoire des souscriptions auprès des distilleries, 4398188 hl ont été engagés par 3 547 demandeurs :
- 2298970 hl en AOP pour une enveloppe correspondant à 1,3 Mhl ;
- 1833000 hl en IGP pour une enveloppe correspondant à 1,3 Mhl ;
- 266076 hl en VSIG pour une enveloppe correspondant à 0,4 Mhl.
Il y aura donc une réfaction au prorata des volumes souscrits (environ 40%). Sur le solde (environ 60%), 20% pourra être enlevé et distillé avant vendanges et 40% se fera ultérieurement.
A titre personnel j’aurai trouvé plus judicieux d’investir ces sommes importantes dans un plan d’arrachage à l’échelle national. Il semble que les autres régions n’étaient pas prêtes pour cela. Le rôle du ministre n’est-il pas d’anticiper sur la conjoncture ?
La situation en Gironde est terrible. Faite de détresse et de difficultés économiques. Comment accepter d’être celui ou celle qui mettra fin à une transmission de plusieurs générations ? Comment garder la foi dans ce métier que nous pratiquons, tous les jours, avec beaucoup de dévouement, de courage et qui ne nous permet plus d’en vivre. Nous redoublons tous d’efforts pour finalement accumuler des dettes… La récolte 2023 risque d’être plus faible encore que celle de 2017…
Comment ferons nous pour rembourser nos PGE souscrits pendant la crise sanitaire du COVID pour remplacer le chiffre d’affaire perdu ? Des « Prêt Garanti par l’Etat » ? Vraiment ? De quelle garantie parle-t-on ?
Le ministre n’a fait aucune annonce, mais se dit prêt à étudier nos demandes (chiffres à l’appui) afin d’entamer les démarches nécessaires, notamment auprès des assureurs et de l’Europe …