Energie, climat : quand le « en même temps » devient « tout et son contraire ». La tribune de David Lisnard et Yves d’Amécourt dans l’Opinion.

«  Financer les énergies renouvelables coûte très cher aux consommateurs et c’est le plus souvent de l’argent jeté par les fenêtres. Alors, si le Président pense réellement, comme nous, que “le nucléaire est une chance”, il doit changer sa politique, devenir cohérent dans les mots et dans les actes et stopper tout de suite le plan pluriannuel de démantèlement de nos centrales nucléaires  »

David Lisnard et Yves d’Amécourt
David Lisnard et Yves d’Amécourt © Sipa Press

Décidément, rien n’est clair dans la politique énergétique de la France.

Le 21 avril 2020, la feuille de route énergétique à l’horizon 2028 était adoptée par décret gouvernemental. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2019-2028 affichait une volonté de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité, et de développer sur notre territoire les énergies renouvelables, tout particulièrement l’éolien.PUBLICITÉclosevolume_off

La France compte actuellement 8 000 éoliennes sur son territoire. En 2028, selon cette feuille de route, elles seraient près de 20 000, la PPE prévoyant la multiplication par 2,25 de la puissance installée de l’éolien terrestre. Pour accélérer l’installation des éoliennes, l’Etat a nationalisé le processus de décision de l’implantation de champs d’éoliennes, retirant aux communes l’instruction des permis de construire pour les confier aux Préfets.

C’est dire à quel point l’État a manifesté son volontarisme pour les éoliennes ces derniers mois. C’était sans compter sur le « en même temps » présidentiel.

En effet, ce jeudi, dans un entretien à France Info depuis la Polynésie française, après avoir expliqué qu’il « fallait un cap clair », Emmanuel Macron a pris le contre-pied de sa propre politique énergétique et défendu le nucléaire, en parlant de notre « chance » et prônant le « cas par cas » pour l’éolien !

Ce matin, sur BFM Business, le ministre Jean-Baptiste Djebarri expliquait qu’en 2035 « on aura besoin de 4 fois plus d’énergie qu’aujourd’hui, 18 fois en 2050 » …

Du Président de la République au dernier des ministres, rien n’est décidément très sérieux. Si quelque chose est de plus en plus clair, c’est que « rien n’est clair » … Il s’agit pourtant de l’avenir de la France.

Oui, le demande en électricité va augmenter. En 2019, l’électricité représentait 25% de l’énergie consommée en France. Si l’on remplace les énergies fossiles par de l’électricité à chaque fois que c’est possible (chauffage, véhicules, …) la demande va augmenter. Il est fort probable qu’elle soit de 900 TWh en 2050, contre 470 TWh aujourd’hui. C’est-à-dire qu’elle va doubler. Il convient de s’y préparer.

On ne pourra pas fournir cette énergie en 2050 en fermant des réacteurs nucléaires aujourd’hui. C’est pourtant le projet du gouvernement qui a déjà fermé Fessenheim et confirmait en 2020 l’objectif de fermer 14 réacteurs d’ici à 2035. Cette politique du « en même temps » devient la politique du « tout et son contraire » !

Si le Président de la République veut que l’installation d’éoliennes fasse l’objet de plus concertation locale il y a une solution très simple : soumettre l’installation d’éoliennes au code de l’urbanisme comme n’importe quelle autre installation industrielle.

Si le Président veut des projets éoliens qui participent réellement à la production d’énergie décarbonée, il y a un chemin très simple : cesser de racheter l’électricité que produisent les éoliennes au dessus des conditions du marché. Ainsi ne verront le jour que les projets qui ont un réel intérêt énergétique, ceux qui répondent à un réel besoin de consommation : en quantité, en qualité, au bon moment et au bon endroit. Aujourd’hui, la bonne moitié des projets éoliens produisent surtout des subventions ! L’autre moitié produit effectivement de l’électricité mais pas forcément au bon moment, et pas forcément au bon endroit… Or l’électricité ne se stocke pas.

Financer les énergies « renouvelables »[1] coute très cher aux consommateurs et c’est le plus souvent de l’argent jeté par les fenêtres.

Si comme le Président pense réellement, comme nous, que « le nucléaire est une chance », alors il faut stopper tout de suite le plan pluriannuel de démantèlement de nos centrales nucléaires :

• Prolonger la durée de vie des réacteurs jusqu’à 60 ans grâce à des investissements de maintenance et de sûreté, et engager une première série de construction de six EPR (réacteur pressurisé européen) de nouvelle génération

• Déployer les mini réacteurs nucléaires (small modular reactor – SMR) pour le renouvellement du parc de 1ere génération

• Accélérer la R&D sur la 4eme génération de réacteur nucléaire et de la fusion nucléaire pour anticiper les futurs renouvellements à moyen et long terme.

• Continuer la R&D sur le sujet du traitement des déchets, notamment grâce au laser, un savoir faire Français (cf.  La transmutation de déchets radioactifs par laser de haute puissance : le défi de Gérard Mourou )

La production d’électricité en en France est notre dernière source de compétitivité, il convient de la protéger !

L’énergie nucélaire une une histoire Française de la récouverte de la radioactivité par Henri Becquerel, celle du radium et du polonium par Pierre et Marie Curie, à la création du commissariat à l’énergie atomique en 1945 avec à sa tête Frédéric Joliot et Raoul Dautry, la définition du 1er programme Français de centrales nucléaires à uranium naturel par Pierre Ailleret , la décision du Général de Gaulle en 1958 de construire à Pierrelatte une usine d’enrichissement d’uranium, … et puis La Hague, Marcoule, Chinon, Saint Laurent, Bugey, Cadarache, … la décision en 1969 par le Président Georges Pompidou d’investir dans des réacteurs à eau lègère pressurisée à Fessenheim, la 1ère centrale à eau légère de Chooz en 1970, … la création à l’initiative d ela France de la Société européenne EURODIF, le plan Messmer (1974-1986) … la création d’AREVA en 2001 … etc.

Oui, Emmanuel Macron a raison, le nucléaire est une chance !

Grâce à l’énergie nucléaire les émissions de CO2 en France[2] sont de 4,56 tonnes / habitant / an, devant le Royaume Unis (5,43), bien loin de la Chine (6.68), de l’Allemagne (8,70), du Japon (8,94), des Etats-Unis (14,61) ou du Canada (14,99), de l’Arabie Saoudite (16,16) …

Le secteur de l’électricité en France est aussi un contributeur à l’équilibre de la balance commercial. La France était le dixième producteur mondial d’électricité en 2018 et le premier pays exportateur au monde ; En 2020, sa production nette s’est élevée à 500,1 TWh, elle était le premier pays exportateur d’Europe, avec un solde exportateur de 43,2 TWh.


[1] Prévisionnel de la CRE pour 2022 : 1278 millions d’€ pour l’éolien et 3958 millions d’€ pour le photovoltaïque

[2] Agence Internationale de l’Energie – 2017

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