Europe : vers un plan « Marshall » à crédit !

A Bruxelles, les couloirs bruissent d’informations sur l’éventualité d’un « plan de relance » … Comme de coutume, les ministres de l’économie se réunissent la nuit pour en parler ensemble et, au petit matin, les yeux engourdis, viennent témoigner sur les plateaux et dans les studios, de leurs succès nocturnes. Que disent ces bruits de couloir ?

Il s’agit de préparer « un programme de relance » qui aiderait l’Union Européenne à se remettre de la dramatique crise du Covid-19.

L’UE créerait un nouveau fonds de 320 milliards d’euros, en levant cet argent sur les marchés financiers en échange de garanties fournies par les États membres.

Cet argent serait ensuite utilisé par les bénéficiaires pour lever davantage de fonds sur les marchés, le total visé avec cet effet de levier pourrait atteindre selon Bruno Le Maire « 1 500 milliards d’euros ».

La Commission prévoit également pour alimenter la locomotive, de concentrer en début de période une partie du budget européen 2021-2027…

Mais tout cela reste un peu flou, et, quand c’est flou …

On ne sait pas, en effet, quelle partie du programme de relance sera affectée à des « prêts » et quelle partie à des « subventions » … Et cela change considérablement la donne !

Annoncé un peu partout que l’on a obtenu de Bruxelles « un plan de relance de 1500 milliards d’€uros » fait plaisir à son égo et provoque quelques « viva ! » parmi les observateurs. Ajouter que la plus grande part du plan sera constituée de prêts, assombrirait quelque peu la performance ! Pourtant, c’est bien ce qui se dessine …

Ajoutons à cela que la commission, qui ne donner jamais rien sans rien, assortirait l’octroi des prêts et des subventions de quelques obligations : ma lise en œuvre de réformes et de mesures d’investissement visant à soutenir la croissance !

  • Le programme de relance sera axé sur la relance des investissements.
  • Une petite partie pourrait être utilisée pour restaurer le capital d’entreprises « en difficulté » mais « viables » ! Merci Docteur.

Un plan de relance de l’économie, mais pas pour l’agriculture !

Dans ce « plan de relance » selon l’expression consacrée, la proposition quasi-actée de réduction du budget de la PAC e 12% serait inchangée ! Alors que l’agriculture est déjà confrontée à une crise de plus en plus grave dans de nombreux secteurs, ce serait particulièrement inacceptable !

Dans un tel contexte, bien au contraire, le budget de la PAC devrait rester au moins constant ! Et une réserve de crise devrait être financée en dehors du budget de la PAC actuel pour faire face à la crise de certains marchés, du fait de la pandémie.

La commission de l’agriculture a fait sienne cette orientation avec le vote d’un amendement sur le financement de la réserve de crise pour 2021 en dehors du budget de la PAC dans le cadre des négociations liées au règlement transitoire PAC.

Ajoutons à cela qu’avant la pandémie, des secteurs tels que les fromages et le vin, avait été touchés par la mise en place de taxes à l’entrée sur le marché des USA, en réponses aux taxes GAFA de la France, et aux aides financières apportées à AIRBUS … La filière viticole Française demandait avant le covid-19 une compensation financière aux partenaires européens d’AIRBUS de l’ordre de 300 millions d’€uros …

Le 18 avril dernier, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a annonçait d’ailleurs sur EUROPE 1 vouloir mettre en place un « plan spécifique » pour aider le secteur viticole, dont les exportations sont en chute libre en raison de la crise du coronavirus… Le 30 avril, il annonçait des « annonces prochaines » pour l’agriculture avec la ministre de l’économie Bruno Le Maire…

Un plan Marshall … Mais à crédit !

Le futur programme de relance a été présenté comme un « plan Marshall », mais il en semble très différent tel qu’il apparaît à ce jour.

Souvenons-nous que le véritable plan Marshall de l’après-guerre consistait essentiellement en des subventions (90%). Le programme de relance qui semble être l’opposé aujourd’hui, consiste essentiellement dans des prêts…

Prêter à des entreprises en manque de rentabilité, c’est reculer l’obstacle pour le retrouver demain …

Cela ressemble davantage au « plan Juncker », qui prévoyait des prêts avantageux pour les investissements. Mais le « Plan Juncker », selon la Cour des comptes européenne, a principalement financé des projets d’investissement qui auraient de toute façon été réalisés, et n’a atteint qu’un total de 315 milliards d’euros dans un environnement économique beaucoup plus favorable.

La crise du Covid-19 change profondément le paysage économique et d’investissement. Le capital productif n’a pas été détruit, il a été contraint à l’inaction. Dans le même temps, la demande dans l’UE s’est effondrée, les magasins ont fermé et les consommateurs, confinés, ont réduit leurs dépenses.

Certaines entreprises, notamment agricoles, ont perdu leur chiffre d’affaire et ne le retrouveront pas. Leur proposer un crédit pour compenser une perte n’arrangera pas leurs affaires à moyen terme. En France, l’Etat a lancé le PGE et tout le monde s’est lancé, faute d’autre solution. Il ne faudrait pas que le « plan de relance » de Bruxelles, serve, in fine, à cautionner les PGE de l’Etat Français !

Dans ce nouvel environnement, on peut se demander si le fait d’offrir de meilleures conditions de prêt incitera à l’investissement. On peut se demander aussi si la priorité est d’investir ! En effet, avec la baisse de la demande et le retard d’au moins deux ans dans la reprise économique, pourquoi investir maintenant ?

Les marchés financiers seront très précautionneux quant aux prêts qui seraient demandés par des investisseurs pour compléter le programme de l’UE, car de nombreuses entreprises seront demain, en plus mauvaise posture qu’aujourd’hui et les rendements futurs, faute de chiffre d’affaire, seront plutôt douteux…

« L’argent, c’est comme l’eau. Quand il n’y en a pas assez, c’est la sécheresse. Quand il y en a trop, c’est le déluge » disait mon Oncle Aymard de Courson[1]. Comme l’eau en agriculture, il faut l’apporter l’argent, au bon endroit, au bon moment. Aujourd’hui, l’urgence est de compenser les pertes de marge, pas d’investir !

Les investissements finiront par reprendre, mais cela prendra un certain temps.

Le plan de relance par l’investissement : un effet d’annonce ?

Par conséquent, le programme d’investissement de 1 500 milliards d’euros annoncé pourrait être plus ambitieux que réel, faute de candidat ! Peut-être est-ce là le véritable objectif de nos dirigeants ! Un effet d’annonce !

Les prêts assortis de taux d’intérêt plus bas, de durées plus longues et d’une certaine composante de subvention sont certainement les bienvenus. Personne ne dire le contraire ! Mais ils pourraient ne pas répondre aux besoins du moment pour contrer la crise. Son impact macroéconomique pourrait être plutôt limité. Bref, faire flop !

Un plan de relance repeint en vert ?

Si nous voulons la relance, il ne faut pas l’assortir de multiples critères. Il se susurre dans les alcôves du parlement européen, que priorité pour être donnée aux investissements « verts ». Pourquoi pas ? A condition que ce critère ne devienne pas prioritaire. Car la priorité pour relancer l’économie, reste de produire !

Il ne faudrait pas sous couvert de ce nouveau dispositif détourner des ressources vers des investissements improductifs quand on a cruellement besoin de produire !

Oui aux investissements « verts » à condition qu’ils génèrent de la croissance et de la richesse. L’isolation des bâtiments par exemple, est un objectif qu’il faut poursuivre.

Oui aux investissements « verts » à condition que nos principaux concurrents, sur les marchés considérés, introduisent eux-aussi des restrictions écologiques dans leurs efforts de relance.

Dans le secteur agricole, par exemple, faisons bien attention aux décisions qui seront prises : il ne s’agit pas sous prétexte de relance, de produire de nouvelles contraintes ! Restreindre l’utilisation des intrants, aider les agriculteurs à investir pour réduire leur empreinte écologique, imposer la mise en jachère de terres au nom de la biodiversité, et, au final, réduire la sécurité alimentaire, enlever encore de la compétitivité à la production française et réduire les revenus des agriculteurs.

Oui à l’écologie, non à l’idéologie !

A chaque annonce d’un plan de relance pour l’agriculture, passés les belles promesses, on finit par plus de contraintes  et moins de revenus ! A l’image de la loi EGALIM, en France, il y a un an.

Il ne faut pas que les orientations vertes, envisagées par la Commission, entravent la reprise économique et affaiblissent davantage le secteur agricole, comme les précédents investissements réglementaires visant à respecter les normes environnementales et de bien-être animal dans le secteur qui expliquent la baisse de la productivité du capital dans l’agriculture de l’UE.

Les investissements verts sont non seulement les bienvenus mais aussi nécessaires, en particulier dans l’agriculture, à condition qu’ils soient économiquement judicieux, qu’ils stimulent la création de richesses et qu’ils améliorent les moyens de subsistance des agriculteurs …

Et à ceux qui nous disent : « Vous voyez le mal partout ! », nous répondons : « Chat échaudé craint l’eau froide ! »

Et si notre objectif européen était de rétablir notre « souveraineté alimentaire » ?

L’Europe doit réfléchir à la façon doit elle a laissé se dégrader au fil des années sa toute première politique commune, et au fond, la seule qu’elle ait jamais eu : « la politique agricole commune ». Elle fut, depuis l’origine, le ciment de la construction européenne. C’est grâce à la PAC que l’Europe s’est construite avec un objectif commun : la souveraineté alimentaire. Les pères fondateurs l’avait voulu simple, pragmatique avec des objectifs clairs !

C’est devenu une mécanique complexe et spécifique, prisonnière de nouvelles idéologies qui dégradent son message originel. Une politique qui parle plus d’environnement que d’agriculture … Si bien qu’elle n’est plus, ni « commune », ni même « agricole » !

L’Europe doit réfléchir à la façon dont elle a laissé se dégrader un des principes fondateurs du marché commun : « une concurrence libre et non-faussée ».

Faisons le vœu, ensemble, que la pandémie actuelle aura remis l’agriculture à sa juste place dans l’esprit des gouvernants de l’Europe et que tous les efforts seront désormais tournés, après cette parenthèse, vers une Politique Agricole Commune et un plan de relance dont les objectifs serviraient résolument et sans ambages notre souveraineté alimentaire.

Pour être souverain, il faut savoir faire trois choses : produire, stocker, transformer.

Cela vaut pour la souveraineté alimentaire, comme pour toutes les autres souverainetés : énergétique, sanitaire, …

Yves d’Amécourt – Conseiller Régional de la Nouvelle-Aquitaine – membre du bureau politique de Force Républicaine.

[1] Inspecteur des finances, maire de Vanault-les-Dames (1953-1985), conseiller général de la Marne (1958-1985)

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