Communiqué de David Angevin à l’attention des élu(e)s du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Le 4 mai 2020, Poitiers

         Directeur du projet « Université du Futur » au sein du Conseil régional, je retrouve aujourd’hui ma liberté de parole. Licencié depuis quelques jours, je ne suis plus soumis au devoir de réserve qui incombe aux agents et salariés de la collectivité.

         Après cinq ans au service de la Région, d’abord au poste de « plume » du Président Alain Rousset au sein de son Cabinet, puis au poste de Directeur du projet « Université du Futur » (dont je suis le créateur et que j’anime, avec l’élu délégué le Dr François Vincent), « think tank » dédié à la révolution numérique et à l’impact des technologies de rupture (u-futur.org), ma mission s’arrête au terme d’une période de grande tension.

         J’ai eu le plaisir de travailler avec nombre d’entre vous. Je tenais à vous informer dans les grandes lignes du scandale —sans entrer dans les détails, que mon avocat réserve à la justice— qui me coûte mon travail, sous la pression des directions de la Région, et d’un vice-président de l’exécutif qui ne goûte guère la liberté d’expression quand elle ne va pas dans son sens.

         Journaliste et romancier spécialiste des sujets technologiques ( en particulier l’intelligence artificielle et la génétique), auxquels j’ai consacré un certain nombre d’ouvrages, j’ai eu le privilège d’inviter à débattre à l’occasion de nos conférences « Université du Futur », organisées partout en Nouvelle-Aquitaine, et diffusées sur France 3, quelques-uns des meilleurs spécialistes de ces sujets, dont le Général Mercier (ex chef de l’OTAN), Nicolas Bouzou (économiste), Pascal Picq (paléontologue), Antoine Petit (Président du CNRS), Raphael Enthoven (philosophe), Emmanuel Davidenkof (journaliste Ed-Tech du Monde), André Pietri (directeur d’Euro-Jedi),  Olivier Babeau et Erwann Tison (Institut Sapiens), Thierry Berthier (Université de Limoges), Bernard Claverie (ENSC Bordeaux), Nicolas Miailhe (Harvard), et bien d’autres personnalités de premier plan… Je suis fier du travail accompli, malgré l’hostilité des visionnaires du CRNA qui ne croient pas à l’intelligence artificielle, et aux technologies de rupture qui vont pourtant bouleverser toutes les politiques régionales.  

         Fort de mon expérience au Cabinet d’Alain Rousset entre 2015 et 2018, je connais la collectivité et son fonctionnement de l’intérieur, sans doute mieux que beaucoup d’entre vous. J’en connais les travers, dont sa verticalité d’un autre âge. J’en connais les méthodes.

         Je ne m’attendais pourtant pas au sabotage du DGS et de ses services contre l’Université du Futur. Il suffit de lire les échanges —il y en des centaines…— du Conseiller régional François Vincent avec le DGS (« comment une Institution peut-elle à ce point jouer contre son propre camp ? »), ou avec le Président Rousset (« c’est quoi l’idée de ton DGS François Poupard,  torpiller ma délégation pour virer David Angevin » ?) pour s’en convaincre : des méthodes indignes d’une institution publique ont été utilisées.

         Je m’attendais encore moins à la censure d’un autre âge du Directeur de cabinet Marc Moulin contre l’Institut Sapiens, le tout sans doute motivé par la proximité des élections et le poids des verts sur l’échiquier politique régional, eux qui passent leur temps à menacer le Président de « quitter la majorité » à l’occasion de chaque séance plénière.

         Les faits

         Le 27 septembre dernier, Nicolas Thierry, VP EELV de l exécutif, proteste sur Twitter contre la participation de l’économiste Erwann Tison, de l’Institut Sapiens, à une conférence « Université du Futur » à Biarritz. Je laisse chacun apprécier son SMS —délirant— du lendemain à mon attention : « Cet institut porte une vision du monde qui n’est pas la nôtre : transhumanisme, anti Greta Thunberg, plaidoyers pour les inégalités… ».

         En effet, quelle idée saugrenue avais-je eu de donner la parole à un intellectuel osant dire que l’interdiction de l’avion, prônée par les verts, relève du délire pur et simple. Je fais tardivement mon mea culpa : il me semblait, un peu naïvement, que l’argent public finançant un « think tank », le « débat d’idées », n’était pas au service d’un clan ou d’une idéologie…  Je me trompais.

         C’est alors que la Région dérape, et que l’affaire devient aussi grave que pitoyable.

         Responsable de l’Université du Futur, je m’occupe de tout et tout passe par moi : aucune autre personne de la collectivité ne travaille à temps plein sur ce projet. C’est pourtant « par la bande » (en l’occurrence par un prestataire qui s’occupe des captations vidéo) que j’apprends plusieurs semaines plus tard que la Région a demandé de mettre à la corbeille les images de l’intervention de Monsieur Erwann Tison à Biarritz. Prestation qui ne prêtait pourtant aucunement à polémique. Monsieur le Conseiller régional LR Michel Veunac, maire de Biarritz, qui a assisté à la conférence à mes côtés, pourra en témoigner. Pire, j’apprends encore par ma bande, par Monsieur Tison lui-même, que la région a poussé le vice jusqu’à effacer son nom du site Internet Université du Futur, comme s’il n’était jamais venu à Biarritz… Une méthode de censure d’un autre âge, digne de l’Union Soviétique. À cet instant mes réseaux d’intervenants pensent, logiquement, que je suis responsable ou a minima au courant de cette censure.

         Chacun comprendra que l’atteinte à mon image est considérable. Je dois me justifier auprès d’eux. Un comble.

         Je vous épargne les détails de la suite, qui conduira à une crise interne majeure au sommet de la pyramide régionale, et à mon licenciement pour des motifs piteux : Monsieur Angevin fume parfois dans son bureau, ne « comprends pas son poste », à un problème avec le badgage… J’en passe et des plus ridicules.

         La réalité est bien différente. La Région (DGS, Dircab, etc…) a organisé et couvert cette censure d’un autre âge, trahissant ainsi les règles de probité qui doivent guider ceux qui servent l’intérêt général dans une institution publique. L’argent public n’appartient ni à la gauche, ni à la droite, ni même aux verts.

         Dans un courrier en date du 25 octobre, le président de l’Institut Sapiens écrit au Président Rousset pour demander des explications sur la censure. Ce courrier reste sans réponse (pièce jointe)

         Ma demande d’explication, pourtant franche et directe, le 10 novembre au Directeur de cabinet, et au DGS — avec Dircom en copie— reste elle aussi sans réponse… (pièce jointe)

         Le 15 novembre, un Communiqué de Presse de l’Institut Sapiens est envoyé pour dénoncer ces méthodes (pièce jointe).

         Acculé, le Directeur de cabinet Marc Moulin, responsable de la censure, téléphone en novembre à Monsieur Olivier Babeau. Il se couvre de ridicule :  « Ce n’était pas une censure mais un bug informatique», explique-t-il.Ce puissant virus informatique, au service du « camp du bien », capable de réécrire un site internet et de supprimer des vidéos, fait beaucoup rire Monsieur Olivier Babeau. Dans un message menaçant Nicolas Thierry, VP EELV me confirme que la censure pose problème : « Marc Moulin m’a prévenu de l’avis du service juridique de la région, il a appelé Sapiens pour protéger la collectivité… ».

         Ce retropédalage forcé et ridicule fera une seule victime collatérale : moi même. Les responsables, eux, courent toujours.

         Dans cette affaire le licenciement qui me frappe n’est pas le plus grave. La justice fera son travail et jugera sur pièces. Le plus grave est la manière, très « ancien monde », dont certains au CRNA se sentent intouchables, et pensent pouvoir se servir des moyens de la collectivité à des fins personnelles, s’acheter la paix politique, voire anticiper les prochaines alliances électorales. Quitte à piétiner les gens et la morale.

         Ces pratiques n’ont pas leur place au Conseil régional, et doivent être sanctionnées. Durement. Les responsables de ces sinistres magouilles n’ont plus rien à faire à la tête de l’institution.

         Malgré la puissance de la Région, et les intimidations diverses dont je fais l’objet, je mets bien évidemment un point d’honneur à faire surgir la vérité dans cette pitoyable affaire. Mon avocat dispose de tous les éléments, irréfutables —de février 2015 à avril 2020—, pour prouver toutes les affirmations de ce communiqué.

         La censure, quelle qu’elle soit, est une monstruosité.

         La censure, avec l’intention de contrôler, de supprimer, de nuire, est  immorale.

         Le Conseil régional est au service de l’intérêt général. Son budget n’est pas au service d’un clan.

                                                                  David Angevin 

David Angevin naît en 1963. Essayiste et écrivain, a notamment publié en 2013, Adrian, humain 2.0 en collaboration avec Laurent Alexandre. Également journaliste et chroniqueur successivement à Rock and FolkTélérama puis pour le magazine Causeur, il co-dirige depuis janvier 2018 le think tank l’Université du Futur de la Région Nouvelle-Aquitaine qui organise notamment des évènements médiatiques en rapport avec les technologies futures.

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