Finances locales : ressources atones, repli de l’investissement, épargne brute qui décline… (La Banque postale)

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Des ressources atones, des dépenses de fonctionnement qui décélèrent, une épargne brute qui continue de décliner, un repli de l’investissement, des départements qui tranchent dans leurs subventions au bloc local, un encours de dette en hausse ainsi qu’une détérioration de la capacité de désendettement… telles sont quelques-unes des grandes tendances relevées par la dernière Note de conjoncture sur les finances locales, présentée ce 28 octobre par la Banque postale. Autant de tendances qui se profilaient déjà dans la précédente Note publiée au printemps dernier (voir ci-contre notre article du 6 mai) et qui se confirment aujourd’hui, la nouvelle publication apportant en outre des données spécifiques à chaque niveau de collectivités. Et autant de tendances qui conduisent la Banque postale à résumer la situation par ce titre : « La confrontation entre besoins et contraintes donne lieu à des arbitrages difficiles ». C’est même une nouvelle « ère » qui s’ouvre en ce sens en 2015, considère Thomas Rougier, directeur des études secteur public local de la Banque postale.

Globalement, les recettes de fonctionnement des collectivités progressent de 0,6% en 2015 (après une progression de 0,9% en 2014 et de 2% sur 2012 et 2013). « Cette atonie des recettes dessine les années à venir », prévient Thomas Rougier. Alors que les dotations de l’Etat connaissent la baisse que l’on sait, avec une ponction amplifiée en 2015 (-3,67 milliards), la petite progression trouve son explication du côté de la fiscalité, avec des assiettes favorables (notamment pour la CVAE qui connaît « plutôt une bonne année », mais aussi pour la taxe d’habitation) et avec des élus locaux qui ont réactionné le levier de leur pouvoir de taux. La hausse des taux constatée en 2015 (+1,6% pour le bloc local) est en effet supérieure à celle de 2014, qui avait été « une année calme ». Elle reste toutefois, souligne la Banque postale, assez conforme à ce qui s’était produit lors des cycles électoraux précédents (+2,3% en 2009 par exemple). « En 2016, les collectivités pourraient à nouveau recourir à l’utilisation du levier fiscal pour se donner des marges de manœuvre financières ; cependant, cet arbitrage est de plus en plus complexe » en termes d’acceptabilité vis-à-vis des citoyens, peut-on lire dans la note.

Quatrième année d’érosion de l’épargne brute

L’effet de cette « atonie » des recettes se répercute naturellement sur les dépenses de fonctionnement : celles-ci n’augmentent que de 1,8% en 2015 (estimation), contre 2,3% en 2014 et 3% en 2013. Les dépenses de personnel, principal poste de dépenses, augmente de 2,7%, contre une hausse de 4% l’an dernier. En rappelant que toute hausse dans ce domaine est fortement dépendante de facteurs sur lesquels les collectivités n’ont pas de prise (revalorisations décidées par l’Etat, notamment). Certes, en 2015, ces facteurs ont été plutôt moins prégnants que lors des années précédentes et le gel du point d’indice continue de jouer de façon favorable. En revanche, la réforme des rythmes scolaires a pesé, comme l’a récemment reconnu la Cour des comptes (voir notre article du 19 octobre).

C’est du côté des régions que le ralentissement de la croissance des dépenses est le plus marqué (+0,8%, contre +3,1% en 2012) tandis que ce sont au contraire les départements « qui ont le plus de mal » (+2,2%). Logique, lorsque l’on connaît le poids des allocations individuelles de solidarité, et notamment du RSA, de plus en plus mal compensé par l’Etat, dans les dépenses de fonctionnement des départements. Hors RSA, la progression serait d’ailleurs de 1,1% et non de 2,2%.

Cette décélération des dépenses, pourtant, ne suffit pas à préserver l’épargne brute des collectivités, qui poursuit son érosion pour la quatrième année consécutive, avec une baisse de 4,0% en 2015 (-5,3% en 2014, -2,4% en 2013). Le problème vaut pour tous les niveaux de collectivités, avec une baisse cumulée, par rapport à 2011, de 14% pour les régions, de 20% pour le bloc local et de 33% pour les départements. Quant à l’épargne nette (hors remboursements d’emprunts), elle diminue de 10,9% cette année. Un problème majeur puisque cette épargne correspond bien aux moyens que les collectivités peuvent consacrer à l’investissement.

Quand le département ne fait plus recette…

Concernant cet investissement local, le repli est estimé par la Banque postale à 6,2% pour 2015, après celui de 8,8% l’an dernier. Seul l’investissement des régions est à peu près stable. La baisse la plus forte se joue au niveau du bloc local, qui affiche une baisse d’environ 21% en deux ans.

Il est toutefois intéressant de s’arrêter sur la diversité des causes probables de ce repli. Pas question en effet de tout expliquer par la baisse des dotations. « D’après nos calculs, l’effet ‘cycle électoral’ expliquerait environ 60% de cette baisse », prévient ainsi Thomas Rougier. Quant aux 40% restants, les facteurs peuvent se cumuler : une possible baisse des besoins (ce facteur est toutefois évoqué avec un point d’interrogation), les incertitudes liées à la réforme territoriale et au vote tardif de la loi Notr… et, donc, l’érosion de l’autofinancement. Et là encore, la baisse des dotations n’est pas seule en cause dans cette érosion. Toujours pour le bloc local, le facteur « pertes de recettes émanant du département » est particulièrement important. La baisse de l’investissement des départements est en effet en partie synonyme de baisse des subventions aux communes et EPCI (une baisse de l’ordre de 900 millions d’euros). Certes, elle s’explique elle-même par la baisse des dotations de l’Etat aux départements… mais aussi voire surtout par le fameux facteur RSA. Pas mal de phénomènes en chaîne, donc « Le département se recentre sur son cœur de métier, ce qui a un impact direct sur les petites communes et les villes moyennes, qui construisaient leurs projets en comptant sur l’apport du conseil départemental », confirme Jean-Pierre Balligand, président du comité d’orientation des finances locales de la Banque postale.

Une « crise de solvabilité » ?

Il est assez logique, dans ce contexte, que le recours à la dette et l’encours de la dette affichent une courbe haussière pour les départements, ainsi que pour les régions. Au niveau des communes, l’encours n’a augmenté que de 0,5%. La Banque postale s’est toutefois livrée à un exercice : calculer l’encours de la dette en années d’épargne brute. D’où il ressort que 18% des communes (représentant 25% de la population) ont un ratio de désendettement supérieur à dix ans et peuvent donc être considérées comme étant « en zone de vigilance voire d’alerte ». A contrario, pour 64% des communes (et 41% de la population), ce ratio est inférieur à cinq ans. A la Banque postale, on évoque globalement « une détérioration de la capacité de désendettement » des communes.

« La crise de liquidités des années 2012-2013 est terminée. Mais on voit poindre aujourd’hui une crise de solvabilité. A tel point que certaines collectivités, qui affichent une faible capacité de désendettement et une baisse de l’autofinancement, auront du mal à trouver des financements » (autrement dit à accéder au crédit), commente Serge Bayard, président du conseil d’administration la Banque postale Collectivités locales. L’un des principaux enjeux pour 2016 restera donc bien la capacité des collectivités à reconstituer des marges d’autofinancement.

Lire le rapport de la Banque Postale

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