François Fillon a choisi le Space 2016 pour présenter son programme agricole (WikiAgri)

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Le Space 2016 s’achève sans engouement extraordinaire compte-tenu de la crise, mais avec une affluence très correcte tout de même, les travées et les parkings étant restés bien remplis. Au-delà de ce contexte, on retiendra un défilé politique plus accentué qu’à l’accoutumée du fait des primaires à venir avant le salon de l’agriculture de Paris, et en particulier la déclinaison du programme de François Fillon. L’ambiance du Space a montré une population intéressée par les productions animales ni euphorique, crise oblige, ni à l’agonie non plus.

Lait, « les cours vont remonter »

En fait, tout est question de conjoncture. Les prix mondiaux rassurent, pour le moment en tout cas, la filière porcine, tandis que l’horizon s’éclaircit pour le lait : « Les cours vont remonter, il faut tenir jusqu’au printemps », selon différents acteurs de la filière.

Pour autant, la crise est là tout de même. Elle touche bien sûr les éleveurs, mais aussi notre économie dans son ensemble. Ainsi, la réduction, pour toux ceux qui sont touchés par la crise, des prélèvements obligatoires pose une question budgétaire, non réglée actuellement : le régime général, soit l’impôt de tous, va-t-il accepter longtemps de renflouer le régime agricole, lequel creuse son déficit à la vitesse V actuellement en raison des mesures d’accompagnements (et salutaires) prises pour soutenir le monde paysan ? Il est question désormais d’un « trou » de 500 millions d’euros (source non officielle) qui pèse tel une épée de Damoclès sur le monde agricole, auquel on risque à tout moment de demander de le combler lui-même…

Primaire de la droite et du centre et agriculture

Cette question là n’a pas été abordée par les politiques en visite au salon des productions animales de Rennes. Eux, étaient davantage là pour préparer l’élection présidentielle, directement, ou en passant par les primaires. La journée du jeudi 15 septembre en particulier était riche d’enseignements, avec trois des quatre candidats essentiels de la primaire de droite : Bruno Le Maire, Alain Juppé, et François Fillon (cités ici par ordre d’arrivée). Les deux premiers ont circulé dans les travées en discutant et serrant des mains. Le troisième aussi, mais en ajoutant un élément important : il a détaillé son programme pour l’agriculture française, un programme particulièrement attendu.

Bruno Le Maire, comme chez lui au Space

Au Space Bruno Le Maire était chez lui. Pas besoin d’attachés de presse pour lui montrer le chemin à suivre. Le guide, c’était lui. En parcourant les allées dans le hall 1, les éleveurs sont venus spontanément à lui. A en oublier jeudi que l’ex-ministre de l’agriculture était en campagne pour l’élection du candidat à la candidature du parti Les Républicains pour la prochaine présidentielle de 2017. Mais les éleveurs ne l’attendaient pas avec son programme. Sa présence suffisait.

Et pourtant en 2009 et en 2010, certains présents ce jeudi, faisaient probablement partie des manifestants qui avaient empêché ce même Bruno Le Maire, alors ministre de l’Agriculture du gouvernement de François Fillon, de visiter le salon européen de l’élevage. Il avait même dû être extirpé pour échapper aux jets de projectiles des éleveurs déjà confrontés à une crise du lait.

Mais depuis, cet énarque fait partie des leurs. Pour 2017, il est, selon différents sondages, le candidat préféré des agriculteurs. Rue de Varenne, Bruno Le Maire n’avait pourtant pas fait de miracles lorsqu’il était en fonction, mais ils l’ont vu à l’oeuvre. La contractualisation en production laitière, mise en place en 2010, a livré les éleveurs laitiers aux industriels sans avoir leur donné les moyens de se regrouper en organisations de producteurs transversales pour négocier des prix rémunérateurs. Mais en 2009 à Bruxelles, Bruno Le Maire était aussi un des ministres européens de l’Agriculture qui a fait remonter le prix du lait après avoir obtenu, de la Commission européenne, le déblocage de 600 millions d’euros. Et ça les agriculteurs ne l’ont pas oublié.

Aujourd’hui, si l’ex-ministre de l’Agriculture est le plus jeune des postulants à la candidature de son parti, sur les questions agricoles, il est surtout le plus expérimenté. De son successeur, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture depuis 2012, « on retiendra d’abord ses fonctions de porte-parole de gouvernement », a déclaré le candidat à l’élection présidentielle.

Alain Juppé a fait le job

Au même moment, au Space, se déroule une visite d’un tout autre genre, beaucoup plus protocolaire. Alain Juppé, lui aussi candidat à la candidature à l’élection présidentielle de 2017 pour Les Républicains, a été accueilli dans le salon VIP par Marcel Denieul, président du Space. Dans les allées du salon, les journalistes et photographes venus de Paris très nombreux, l’entouraient et faisaient barrage, l’empêchant d’aller directement au contact des éleveurs. Pas de réelle chaleur humaine. Alain Juppé avait sous la main son programme présenté en mai dernier. Il l’a élaboré avec des professionnels agricoles et après avoir analysé les souhaits des centaines d’agriculteurs consultés par internet.

Paraissant fatigué, Alain Juppé a néanmoins rempli son programme de visites, dont les passages obligés sur les stands des syndicats notamment. Comme on dit, il « fait le job ».

François Fillon surprend avec un programme agricole très abouti

De son côté, François Fillon a surpris. Il est venu au Space pour présenter son programme pour l’agriculture. Et le moins que l’on puisse écrire, est qu’il était très attendu. Pour plusieurs raisons. Déjà, politiquement, l’ancien Premier ministre est considéré comme celui ayant le plus réfléchi à un programme de gouvernement, le plus dans les détails, là où ses concurrents penseraient avant tout à l’élection. Ensuite, d’un point de vue purement agricole, le fait qu’il soit soutenu par le député européen Michel Dantin, considéré comme un très grand spécialiste des questions agricoles au Parlement européen, a éveillé une réelle curiosité sur ce qu’il pouvait bien proposer.

Ainsi, au-delà de la visite en elle-même, on retiendra sur la forme qu’il a fallu remettre des chaises dans la salle de conférence où il a présenté son programme tant il avait des soutiens d’une part, et déplacé des curieux d’autre part. Et de fait, le retard affiché dans les sondages sur le tandem Juppé – Sarkozy n’a pas semblé flagrant, loin de là, au Space.

Mais c’est bien sûr sur le fond qu’il faut s’attarder. Le programme de François Fillon pour l’agriculture mérite d’être lu, car il identifie parfaitement la problématique pour proposer ensuite de réelles solutions. Je vous donne en fin d’article tous les liens pour accéder aux versions courte et longue de ce programme. Dans son discours, au-delà de quelques formulations choc (« les 35 heures en agriculture, c’est le week-end », ou encore « le commerce équitable existe au bout du monde, mais pas en France »), on retient l’essentiel : la simplification du droit des entreprises agricoles, la réduction drastique des charges pesant sur toutes les entreprises (y compris agricoles), la libération des agriculteurs du carcan des normes (avec plusieurs propositions très concrètes allant dans ce sens, lisez le programme), une gestion des risques revue et corrigée pour répondre davantage aux réalités…

Pour un « Grenelle des prix »

Parmi les propositions choc, François veut un « Grenelle des prix » (c’est son expression), qui serait tenu « immédiatement après l’élection présidentielle », de manière à redistribuer l’ensemble des marges « sans oublier les producteurs ». Il souhaite aussi encadrer par la loi la négociation des contrats. Il est par ailleurs pour une Pac « qui réponde à un projet », lequel serait « dicté plutôt que subi par la France ». Et on le sait déjà depuis longtemps intéressé par la recherche et l’innovation.

François Fillon a eu également un mot sur « la détresse des agriculteurs », la qualifiant de « crève-coeur », et il a conclu sur son projet général pour la France, viser « le plein emploi (c’est-à-dire moins de 7 % de chômage) en 5 ans », ce qui ne peut s’accomplir que « si la France redevient le premier pays d’Europe, et si l’agriculture française retrouve son rang de première agriculture européenne ».

Article rédigé par Antoine Jeandey avec Frédéric Hénin

2 commentaires sur “François Fillon a choisi le Space 2016 pour présenter son programme agricole (WikiAgri)”

  1. Bonjour,

    Dans son projet présenté à RENNES, François Fillon propose d’augmenter la TVA de 2%.

    Il y a quelques mois, il proposait de l’augmenter de 3,5%. Pourquoi cette différence ?

    Merci.

    Thomas

  2. Bonjour Thomas,

    Il faut distinguer les sujets :

    – la baisse ses cotisation maladie des salariés (5,5 Mds€) est l’une des mesures de baisse des prélèvements obligatoires sur les ménages pour un montant total de 10 Mds€ inclus dans les 50 Mds€ de baisse de PO (ce chiffre de 50 Mds€ n’ayant pas varié depuis 2014).

    – Si on fait 2pts de TVA au lieu de 3,5, c’est parce que depuis 2014 on a un peu revu à la hausse les hypothèses de croissance et d’inflation (on était sur des hypothèses très basses en 2014 après la purge fiscale de Hollande qui avait cassé la croissance en 2012).

    Précision complémentaire : si dans notre trajectoire, le solde est si dégradé en 2017, ce n’est pas parce que FF sacrifierait le déficit à la croissance, c’est parce que le déficit que va laisser Hollande en 2017 sera sensiblement supérieur à 4% du PIB. Je n’en reviens pas de la naïveté de ceux qui croient que Hollande va respecter sa trajectoire de finances publiques, on est au contraire dans un dérapage massif que la gauche cherchera à masquer par tous les moyens, mais qui apparaîtra début 2017 (pour 2016) et dont toute l’ampleur sera mise en évidence pour 2017 au moment de l’audit après les élections.

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