Gel, sécheresse, excès d’eau, grêle, … et toujours pas d’assurance efficace !

Une fois de plus, le monde agricole paye un lourd tribut à la nature. Après les gelées de ce printemps, la sécheresse, voici les pluies diluviennes et les orages de grêle qui s’abattent un peu partout sur la France.

Depuis 10 ans, les aléas climatiques se multiplient. Ils viennent s’ajouter aux aléas économiques, dus, notamment, à l’embargo Russe, puis à la crise sanitaire et plus récemment à la guerre en Ukraine.

Comme ses prédécesseurs après chaque catastrophe climatique, le nouveau ministre de l’agriculture se déplace dans les zones sinistrées pour affirmer sa solidarité avec les agriculteurs, et invariablement, toujours de bonne foi, annonce réfléchir avec le 1er ministre à « des aides exceptionnelles » pour les agriculteurs. Le désastre économique est énorme. Certaines exploitations perdent en quelques minutes, la totalité de leur chiffre d’affaires annuel, tandis que les charges, elles, continuent à courir et à augmenter (carburant, engrais, produits phytosanitaires …).

Au printemps 2020, les agriculteurs avaient souscrit des PGE (Prêts garantis par l’État) pour faire face à la crise sanitaire et pallier le manque de chiffre d’affaires.

Au printemps 2021, pour certains d’entre deux, voilà que leur chiffre d’affaires disparaissait avec le gel … Au printemps 2022, pour certains d’autres, avec le gel, la sécheresse, et à l’été 2022, avec l’excès d’eau ou la grêle !

Comment pourront-ils rembourser demain les PGE souscrits hier ? Le ministre dit vouloir étudier un « amortissement des PGE » sur 10 ans. Mais sans récolte, comment rembourser ?

Et l’assurance dans tout ça ?

Au fur et à mesure de ses visites, le ministre interroge : « vous êtes assurés » ? La réponse est souvent : « Non, Monsieur le Ministre. Assuré ou pas, de toute façon, avec la « moyenne olympique » et la succession des aléas climatiques, ce serait la même chose ! »

En effet, peu d’agriculteurs souscrivent à l’assurance multi-périls financée par l’Union européenne et censée les protéger. Celle-ci assure la récolte sur la base d’un rendement calculé selon la « moyenne olympique », à savoir le rendement moyen des cinq dernières années auxquelles on soustrait la meilleure ainsi que la moins bonne des récoltes.

Lorsque l’agriculteur a subi 2 ou 3 sinistres en 5 ans : il en reste 1 ou 2 dans la « moyenne olympique » qui est donc très basse. Si on ajoute à cela une « franchise » et un « seuil de déclenchement » de 25 %, on comprend mieux qu’ils refusent de souscrire à un contrat d’assurance « pour rien ».

Un cercle vicieux est alors enclenché : plus les aléas climatiques se succèdent, plus la « moyenne olympique » est basse, plus les exploitations sont fragiles, moins l’agriculteur s’assure… C’est le contraire du processus souhaité. Tout cela n’a rien d’Olympique et on se demande bien d’où lui vient ce nom !

C’est un peu comme si l’assureur de votre voiture vous disait : « dans la mesure où vous avez eu un grave accident, vous serez désormais assuré sur une valeur moyenne calculée entre le prix d’une voiture neuve et le prix d’une épave ! »

Revoir le calcul du rendement moyen « olympique »

Aussi, pour que les agriculteurs aient un véritable intérêt à souscrire à cette assurance, il faudrait que le rendement moyen assuré soit celui des cinq dernières années de récolte sans sinistre.

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que la « moyenne olympique » n’est pas adaptée à la succession des aléas climatiques. Mais la remise en cause de ce calcul dépend … de Bruxelles. Les discussions durent d’autant plus longtemps pour le réformer que le ministre de l’agriculture, en France, ne cesse de changer (5 depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 !) et à chaque changement de ministre, il faut remettre l’ouvrage sur le métier et reprendre les explications à leur début…

C’est à se demander si le changement fréquent de ministre de l’agriculture n’a pas comme unique objectif de laisser les problèmes sans solution ! Mise en application avec cynisme de cette citation du ministre de l’agriculture Henri Queuille : « Il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre. »

Pourtant, des solutions il y en a ! En voici quelques-unes.

Pour lutter contre la sécheresse, l’irrigation.

La France reçoit chaque année 200 milliards de m3 d’eau : 80 milliards ruissellent vers la mer par les rivières et les fleuves, 120 milliards s’infiltrent dans les sols pour rejoindre les nappes phréatiques ou s’évaporer grâce à la végétalisation vers les nuages et de nouvelles pluies.

L’usage de l’eau pour l’irrigation aujourd’hui en France reste très marginale puisqu’elle utilise 4,7 milliards de m3, soit 2,35% de l’eau que l’on reçoit.

Il faut laisser les agriculteurs avec les pouvoirs publics construire des retenues d’eau pour capter l’eau de pluie l’hiver et l’utiliser l’été.

Revoir la fiscalité sur le bénéfice agricole

Autrefois, les agriculteurs étaient imposés « au forfait ». Quand ils faisaient une bonne année, ils mettaient de côté. Quand l’année était mauvaise, ils puisaient dans leur épargne. Aujourd’hui, ils sont imposés « au réel ». Les bonnes années, ils payent impôts au fisc et charges sociales à la Mutualité sociale agricole, sur le bénéfice agricole. Les mauvaises années, ils n’ont plus que leurs yeux pour pleurer.

En Australie, pays soumis aux aléas climatiques, la fiscalité sur le bénéfice agricole est plafonnée, si bien qu’une bonne année permet de constituer des réserves. Ce n’est pas le cas en France et cela devrait pouvoir être modifié.

Une autre proposition serait de libéraliser le calcul de l’amortissement comptable. Ainsi lorsque l’année est bonne, on amortit davantage l’investissement comptablement et l’on minimise ainsi les charges sociales et fiscales afin de constituer des réserves dont on dispose alors en cas d’aléas climatiques.

Créer un Compte Epargne Aléas Climatiques et Economiques dans chaque exploitation

Au-delà d’une assurance multi-périls réformée, nous avions proposé en 2017, avec François Fillon, la création dans chaque exploitation d’un nouveau dispositif appelé « Compte Epargne Aléas Climatiques et Economiques ».

Le principe était simple : lorsqu’une année est bénéficiaire, l’agriculteur verse de l’argent sur un « Compte épargne aléas climatiques et économiques », ce versement passe en charge d’exploitation. Lorsqu’il doit faire face à un aléa climatique ou économique, il débloque alors l’épargne, la somme passe alors en produit d’exploitation. Ce « compte épargne aléas climatiques et économiques » serait une forme d’assurance-vie pour l’exploitation et pourrait être plafonné à une année de production.

Imaginez la situation de nos exploitations agricoles si elles bénéficiaient d’un tel dispositif : au bout de quelques années, elles seraient réellement protégées contre de nombreuses formes d’aléas. Y compris contre les pertes de chiffre d’affaires en cas de pandémie comme ce fut le cas pendant la crise sanitaire.

Il y a urgence à agir.

L’agriculture et le secteur agroalimentaire pèsent pour environ 274 milliards d’euros dans le PIB français.

L’agriculture est la deuxième contributrice à la balance commerciale de la France après l’aérospatiale et devant les cosmétiques. Or notre balance commerciale est déjà largement déficitaire.

L’agriculture est au cœur de l’économie et de l’emploi dans nos communes rurales.

Les propositions que je formule ici pour sauver notre agriculture, cette filière d’excellence française, doivent permettre à nos agriculteurs d’être bien assurés contre les aléas climatiques et économiques qui constituent une donnée fondamentale de leur métier.

Il en va de leur survie. Il en va de la souveraineté agricole de notre pays et d’une certaine vision de la France. Il en va de notre responsabilité collective.

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