Création des « IOC » : Méfions nous des gens qui disent « il faut simplifier » dans la première partie de leur discours, et qui dans la deuxième propose de « créer une nouvelle catégorie » !!!
Le Préfet vient d’envoyer une convocation au « Conseil de Bassin » visant à recueillir son avis sur la proposition du Ministère de l’Agriculture au sujet de la segmentation !
La proposition de segmentation, qui émane du conseil National de la Viticulture, consiste a retirer l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) aux AOC Régionales (en Gironde il s’agit de Bordeaux et Bordeaux Supérieur : 70 000 ha = 15 % de la surface AOC Française) et de sanctuariser les autres AOC dans une AOC aux contraintes renforcées (haute densité de plantation, interdictions en tout genre, élevage long, etc…).
Les « AOC régionales » deviendraient des « IOC » (Indication d’Origine Contrôlée). Les Vins de Pays, tout justes créés, rejoindraient le label des « IOC ». On murmure dans les couloirs que d’autres AOC rejoindraient les IOC, mais on murmure aussi qu’il ne faut pas leur dire tout de suite…Ni leur dire d’ailleurs où sera la frontière entre AOC et IOC. Le but est de recueillir une majorité pour la segmentation proposée, avant de dire où seront les frontières…afin que chacun pense que c’est à l’autre que l’on propose de descendre en gamme !
Ainsi une Pyramide à trois étages verrait le jour : à la base les « vins de table », puis les « IOC », enfin les « AOC ».
« Indication » serait donc, dans le vocable Ministériel, inférieur à « appellation ». En effet, dans le dictionnaire, indication veut dire « action, façon d’indiquer », tandis qu’appellation veut dire « action, façon d’appeler »…On voit bien, dès la première lecture, la clarté de cette segmentation et le plus qu’elle va pouvoir apporter aux consommateurs…
Mais comme cela fait bientôt 7 ans qu’on y réfléchit, il faut admettre que cette proposition a le mérite d’exister…
Pourquoi cette proposition est mauvaise pour la Gironde?
-Sur la forme :
od’abord parce que lorsque l’on propose un changement, il doit être vers le haut, jamais vers le bas ! Jamais un Préfet n’acceptera de devenir sous-préfet, ni un colonel de devenir un capitaine, même si on leur affirme que c’est pour leur bien ! Les vins de Pays veulent bien « monter » en AOC (certain le demande depuis bien longtemps et ils le méritent), mais comment expliquer à une AOC qu’elle va devenir une IOC… surtout quand depuis 30 ans elle finance 15% de l’INAO, et qu’elle a largement contribué à la renommée de l’AOC !!!
ole conseil de bassin censé donner son avis sur cette évolution n’est pas représentatif. En effet, les viticulteurs susceptibles de changer de catégorie, représentent la majorité des surfaces…Mais au sein du Conseil ils sont minoritaires !
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-Sur le fonds
oparce que les IOC auraient des rendements bien supérieurs aux AOC, ce qui, du jour au lendemain augmenterait la production bordelaise de 1 million d’hl… alors qu’on nous dit chaque jour que nous produisons trop de vin !
oparce que les IOC n’autoriseraient pas l’utilisation du nom de « Château » qui est pourtant très lié à Bordeaux et fait partie de notre patrimoine viticole !
oparce qu’une fois les IOC créées, les nouvelles AOC vont fleurirent dans les zones où il n’y en a plus… et cela va aboutir à l’émiettement de l’offre, et non a sa simplification !
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Que faut-il proposer ?
– Accepter la proposition de l’Europe d’autoriser les vins de table à utiliser « le nom de cépage ». Ainsi les vins de Pays de Grande Zone pourraient se confondrent avec les vins de table. Créer, notamment, un « vin de cépage de France » dont le bassin de production serait toute la France (proposition CAP 2010)
– Permettre à tous les Vins de Pays qui le méritent et qui le souhaitent, ainsi qu’au AOVDQS et aux IGP, de rejoindre l’univers des AOC. Pour cela il suffit d’assouplir les droits d’entrée en autorisant dans la règle générale quelques règles plus souples : 3300 pieds/ha, mention du nom de cépage, utilisation des morceaux de bois sur moûts, sucres résiduels,… etc. Mais rien n’interdit à une AOC d’adopter des règles plus restrictives que la règle générale !
– Permettre la création d’AOC « œuvre d’art » à la pointe de la Pyramide… Mais me direz vous, ça existe déjà : ce sont d’une part les AOC « plus restrictives » dont les conditions de production présentent plus de contraintes et d’autre part ce sont les « propriétés classées »… Une généralisation des classements dans toutes les AOC répond donc à l’objectif, sans modifier le système. C’était le sens du concept de STE (Site et Terroir (ou Viticulteur) d’Exception : Selon le Projet de René Renou) qui permet à tout viticulteur d’accéder à l’excellence, ou à l’œuvre d’art, quel que soit l’AOC ou il se situe… Ce que ne permet pas la proposition actuelle. Ce qui ajoute une motivation à l’itinéraire d’un viticulteur d’AOC.
Ainsi donc la Pyramide aurait 3 étages :
-les Vins de tables (à l’étranger « vin de table » n’est pas péjoratif, bien au contraire, la plupart de nos AOC sont classées en « table wine » i.e. vins qui se consomment à table) incluant les Vins de Pays de Grande Zone (dont les vins de France).
-Les AOC dont la règle commune serait assouplie, mais chaque AOC peut aller vers plus de contraintes.
-Les « Crus Classés », « Crus Bourgeois », etc… (ou STE) qui occupent la pointe de la Pyramide.
Dans cette proposition on propose de supprimer des étages, mais en contrepartie on propose de monter en gamme à ceux dont la catégorie disparait. Dans cette proposition on va vers plus de qualité et moins de quantité, ce qui semble être plus adaptée à la problèmatique actuelle. Dans cette proposition on s’appuie sur la nouvelle règlementation européenne plutôt que de vouloir la détourner…
Il me semble qu’il vaut mieux valoriser notre patrimoine en faisant monter tout le monde d’un cran, sur un marché mondial qui recherche plus la qualité que la quantité…
Méfions nous des gens qui disent « il faut simplifier » dans la première partie de leur discours, et qui dans la deuxième propose de « créer une nouvelle catégorie » !!!
Méfions des gens qui commencent leurs discours en disant qu’ils veulent plus de libéralisme et qui, ensuite, proposent toujours plus de contraintes !
Méfions nous des gens qui prétendent, en introduction, que les AOC doivent respecter les usages locaux et qui, en conclusion, propose une norme nationale !
Méfions nous enfin, de ceux qui, pour nous permettre d’adapter nos produits aux nouveaux consommateurs, veulent nous interdire l’innovation et la recherche!
Yves d’Amécourt
Espérons que les instances dirigeantes du secteur viti-vini prendront le temps de la réflexion et que le gouvernement saura écouter la profession dans toute sa diversité. Si des décisions devaient être prises dans l’urgence pour satisfaire des intérêts partisans, nulle doute que ce serait encore les professionnels qui paieraient les pots cassés sur le terrain. Tous les systèmes de certification quels qu’ils soient (industrie, bâtiment,…)servent effectivement à tirer les intéressés vers le haut et certainement pas à simplifier en nivelant par le bas! Vouloir enlever la qualification d’AOC aux Bordeaux et Bordeaux sup est une hérésie, qui ne fera que rendre encore plus complexe le message délivré aux consommateurs, sous prétexte de simplification…
Bonsoir,
Très intéressante proposition Yves. Très concrète, ambitieuse et opérationnelle. Attention, il n’y a pas d’IGP en vin, c’est surement une faute de frappe de ta part.
Même si le bordelais est le plus gros bassin de production français, est ce que tu as des relais sur d’autres "grosses" zones d’AOC comme les coteaux du Languedoc, Côtes du Rhône ou Beaujolais ? L’union fait la force, surtout lorsque ce sont les vrais acteurs économiques qui se mobilisent ensemble et font entendre leurs convictions. Toujours dans le domaine de la qualité et de la segmentation des produits alimentaires, ce sont les entreprises concernées qui, par le dynamisme de leur mobilisation collective nationale sont parvenues à faire changer d’avis le ministère et le ministre de l’agriculture qui voulaient, de façon totalement déterminée, supprimer la certification de conformité produit (CCP), qui représente près de 3 milliards d’€ de chiffre d’affaire. Au final, le décret du 5 janvier 2007 maintient la certification de conformité, lui donne plus de moyens, d’autonomie et d’ambition. La clé de ce succès : la constitution de l’Association de développement de la certification de conformité des produits alimentaires (ADCCPA). Le Président est un ami : un éleveur de porcs du Cantal qui serait surement très intéressé pour discuter dans le cadre de ce débat sur la segmentationdu vin.
A bientôt
Amicalement
Olivier
Merci Olivier pour ce commentaire. Ce serait effectivement intéressant de rencontrer ton ami. Pour ce qui est de la profession viticole, c’est bien là le problème…créer l’union qui fait la force! Mais on ne pourra le faire q’en organisant des rapports "gagnant-gagnant", d’où cette proposition!
En fait, tout cela est parti d’un énorme malentendu. Tout le monde a pensé que la crise était structurelle, alors qu’elle est concurentielle.
Les chiffres nous monterent que les VQPRD (AOC et AOVDQS)ont vu leur consommation en France augmenter de 8.2% en 1 an, 13.4% en 5 ans …283% en 45 ans. A l’étranger la notion d’appellation n’existe pas.Dans les statistiques mondiales l’OIV (le site est a visiter) distingue les vins de qualité et les vins de table. Les 1° regroupent les AOC et les vins du nouveau monde. Les 2° sont tout le reste. La croissance du marché mondial est de 5% par an depuis 10 ans…impressionnant. Cette évolution est sans doute due au changement d’attitude des consommateurs qui achètent des vins de qualité "plaisir" et abandonnent les vins de table "aliment".
Notre crise française n’est pas structurelle, elle est concurentielle. Il faut le répéter haut et fort. Nous ne souffrons pas de surproduction mais de mévente car les marchés sont en croissance pour nos types de vin!
A Bordeaux, nous avons provisionné 130 millions d’euros pour l’arrachage… Quand on sait que 5 à 6 millions d’euros(dixit Gallo) permettent le lancement d’une marque qui écoule 37500 hl (5 millions de blles)ou que 1.2 millions d’euros par an sont nécessaires par an (dixit Magrez) au développement d’une marque dans un pays à l’export… Cela donne des idées pour utiliser le budget promo de plus de 20 millions d’euros.
Imaginez le pactole que représente arrachage, distillation… A propos de distillation, nous aurions mieux fait de donner le vin sorti des stocks pour occuper le tarrain à l’export plutôt que de laisser le terrain libre à nos concurrents.
Si on veut nous aider, ce n’est pas à arracher ou à distiller, c’est à commercialiser nos produits.
Lorsque notre ministre était venu l’an dernier, c’est le message que nous avions essayé de faire passer. On a pas été compris.
Quand je pense à toute l’énergie mise dans cette segmentation qui quoiqu’il arrive ne changera rien à la crise concurrentielle que nous subissons… J’ai le vertige