« J’ai proposé que nous fassions confiance à David Lisnard, le maire de Cannes, pour porter la lourde responsabilité de nous représenter. » François Baroin aux maires de France

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Lettre de François Baroin, Président de l’AMF, aux maires de France.

Le 20 septembre 2021,

Mesdames et Messieurs les maires,

Mesdames et Messieurs les présidents d’intercommunalité,

À l’occasion de notre 103ème Congrès, au mois de novembre prochain vous devrez élire un nouveau Président et renouveler les instances de notre Association.

J’ai décidé de ne pas me représenter, car je crois naturel après sept ans à la tête de notre Association grâce à votre confiance, de passer le relais à un Président issu d’une nouvelle génération de maires. Je veux m’en expliquer directement auprès de vous.

C’est une immense fierté d’avoir porté la voix des maires de France. C’est l’une des responsabilités qui m’aura le plus honoré dans ma vie publique.

J’ai essayé de le faire le plus scrupuleusement possible, en respectant notre diversité, en ayant toujours à l’esprit l’intérêt de nos communes et en garantissant l’unité et l’indépendance de notre Association.

Je veux remercier tous les membres sortants du Comité directeur et du Bureau, pour leur engagement au service de notre Association et pour leur soutien sans faille aux positions que nous avons portées ensemble durant cette période où nous avons vécu beaucoup d’événements considérables et parfois inédits pour nos collectivités.

En rendant incontournable notre Association dans le dialogue avec l’Etat et en instaurant une relation de confiance avec les Départements et les Régions au sein de Territoires Unis, nous avons voulu que les maires occupent une place centrale dans le débat public.

Comme je me suis élevé contre la campagne indigne organisée contre les maires sur les réseaux sociaux, je n’ai jamais accepté les caricatures qui étaient faites sur nos communes, leur nombre, leurs dépenses ou leurs actions. Et, nous nous sommes toujours opposés aux tentatives de les fondre dans des ensembles toujours plus vastes, qui éloignent ainsi toujours plus les citoyens des décisions qui les concernent.

La proximité est une revendication essentielle de nos concitoyens dans un monde où les repères s’effacent. Elle est source de confiance et d’unité pour le pays tout entier. Les maires l’incarnent profondément, mieux que quiconque.

C’est d’ailleurs vers nous que l’Etat s’est tourné lorsque les événements ont semblé le dépasser : dans la crise des Gilets jaunes, les Maires ont été mobilisés pour que le dialogue républicain reprenne ; durant la crise sanitaire, les Maires ont rendu possible, et ont souvent devancé, la mise en œuvre des mesures nécessaires à la santé de nos concitoyens, alors même que les compétences sanitaires relèvent exclusivement de l’Etat.

Nous ne doutons pas que l’Etat a fait ce qu’il a pu. Mais, nous savons, et les Français avec nous, que nous avons fait ce qu’il n’a pas pu faire.

En évoquant ce formidable engagement des Maires, je ne peux manquer d’exprimer ma solidarité et mon amitié, avec tous ceux qui ont été victimes de violences et d’avoir avec vous une pensée particulière pour notre collègue Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, mort dans l’exercice de ses fonctions.

Malgré la capacité d’action de nos collectivités, de la confiance qui leur est portée, de la compétence de nos agents, l’appareil central de l’Etat n’a jamais intimement accepté la décentralisation, qui ne repose donc que sur la volonté politique. Lorsque celle-ci vient à manquer, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années, le mouvement de recentralisation rampant reprend son cours. C’est ce que nous vivons aujourd’hui sous des formes multiples.

Ainsi, le fil rouge de cette période aura été notre combat incessant contre la réduction de nos moyens financiers et de nos ressources fiscales, consécutive à la crise financière de 2008 et prolongée jusqu’à maintenant. La baisse sans précédent des dotations a confirmé qu’à tout instant l’Etat pouvait revenir sur ses engagements majeurs à notre égard et ainsi fragiliser nos perspectives de long terme. Dans le même temps, les suppressions de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation et de plusieurs autres taxes de moindre importance, ont réduit nos marges de manœuvre fiscales.

Ces suppressions symbolisent la disparition progressive de nos ressources propres, remplacées par des dotations sur lesquelles l’Etat garde seul le contrôle, comme c’est déjà le cas pour les Régions et en grande partie pour les Départements.

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François Baroin et David Lisnard dans le bureau du maire de Cannes

Cette reprise en main financière s’accompagne d’un encadrement toujours plus serré de l’exercice de nos compétences, soit dans l’esprit de la décision unilatérale de l’Etat dite « de Cahors », soit via les appels à projets et les manifestations d’intérêt qui foisonnent en ordre dispersé, soit par le fléchage préalable généralisé des crédits d’investissements.

Cette conception rigide des relations entre l’Etat et les collectivités ne correspond plus à la réalité de notre pays, à la vitalité des territoires et à la demande de responsabilité des pouvoirs locaux. Elle ne correspond pas davantage à l’aspiration de nos administrés de bénéficier de services publics proches d’eux, renforcés et protecteurs.

C’est pourquoi, nous avons porté la revendication d’une nouvelle étape de la décentralisation, notamment sur les compétences de la vie quotidienne, comme le logement, le sport, la culture, l’emploi ou la santé en nous appuyant sur les travaux du Sénat, toujours attentif à la réalité de nos villes et nos villages. Le Gouvernement a prétendu y répondre par des textes dont la vacuité même témoigne de son peu d’adhésion à cette idée.

Nous avons défendu nos convictions en écoutant les maires et en toute indépendance, quel que soit le pouvoir en place et quelles que soient nos propres affiliations politiques.

C’est la force de l’AMF. C’est ce qui fait d’elle une institution unique, inscrite dans la durée, que nous ne devons pas sacrifier aux contingences politiques ou individuelles du moment. C’est ce qui fait d’elle aussi, parfois, une source d’irritation pour les pouvoirs en place.

Comme l’avait fait Jacques Pélissard pour moi en 2014, j’ai proposé que nous fassions confiance à David Lisnard, le maire de Cannes, vice-Président de notre Association, pour porter la lourde responsabilité de nous représenter.

Il en a la dimension et les qualités. C’est un homme de terrain, qui sait travailler en équipe. Il est le maire respecté d’une ville dont la réalité sociale est plus contrastée que ne le laisse penser son image médiatique.

David Lisnard a su rassembler dès maintenant autour de lui l’ensemble des sensibilités politiques en renouvelant l’accord que nous avions trouvé en 2014 avec André Laignel, dont je tiens à saluer l’exigence républicaine, et que nous avons mis en œuvre collectivement pendant sept ans.

Je ne prétends évidemment pas me substituer à votre décision, que je sais sage et avertie, mais j’estime, comme mon prédécesseur, qu’il me revient de veiller à ce que la transition nécessaire préserve les équilibres indispensables à la représentativité et à l’indépendance de l’AMF.

Mes chers collègues, je resterai l’un des vôtres, à la fois comme Maire de Troyes, le plus beau mandat qui m’ait été confié, et comme Président des Maires de l’Aube, avec lesquels j’entretiens depuis 26 ans des liens indéfectibles d’amitié et de reconnaissance.

Merci encore de votre confiance.

François BAROIN
Président de l’Association des Maires de France

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