Lettre de François Fillon à Eric Besson au sujet de la TVA Sociale « anti-délocalisation »

« Afin de poser les bases d’une nouvelle méthode, je souhaite que la France s’inspire des pratiques de certains pays voisins visant à identifier un problème, à évaluer les différentes options induites en matière de politique publique, et permettant d’inviter toutes les personnes et organisations concernées à exprimer leur avis et leurs propositions, et donnant lieu à un débat public. »

Paris, le 12 juin 2007

Monsieur Eric BESSON
Secrétaire d’Etat chargé de la prospective
et de l’évaluation des politiques publiques
57 rue de Varenne
75007 Paris

Monsieur le Ministre,

Là où d’autres pays savent réformer sans crise, notre pays connaît de grandes difficultés à réaliser des réformes, même sur des sujets où la nécessité de réformer fait pourtant l’objet d’un consensus large. Cette difficulté tient à plusieurs causes, la première d’entre elles étant la faiblesse de la concertation qui a pu précéder certains projets. Afin de poser les bases d’une nouvelle méthode, je souhaite que la France s’inspire des pratiques de certains pays voisins visant à identifier un problème, à évaluer les différentes options induites en matière de politique publique, et permettant d’inviter toutes les personnes et organisations concernées à exprimer leur avis et leurs propositions, et donnant lieu à un débat public.

Dans cet esprit, je souhaite vous confier la réalisation d’une étude prospective sur l’éventualité de l’instauration en France d’une « TVA sociale ». Cette étude devra être réalisée en lien étroit avec les ministères concernés, et s’inscrire dans une logique d’amélioration de notre compétitivité.

Confrontée à une mobilité des capitaux de plus en plus forte, et présentant un niveau souvent élevé de prélèvements ou de contraintes environnementales, la France doit en effet repenser ses modes d’action et les outils qui lui permettent de défendre sa place face à des pays qui ne respectent pas les mêmes règles, sociales ou environnementales.

Une première solution consiste à baisser les taux d’imposition ou les contraintes réglementaires. L’autre voie consiste à faire évoluer notre système et notamment nos prélèvements afin que la poursuite d’objectifs auxquels les français sont attachés – comme le financement de notre système social – ne se réalise pas au détriment de la compétitivité et de l’emploi.

Vous devrez donc évaluer, au regard notamment de la situation dans d’autres pays ayant fait ce choix, les options ouvertes pour la mise en place d’une TVA sociale, les effets économiques d’une telle mesure. A cette fin, vous recevrez le concours de l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, et plus généralement des services compétents sur ces questions.

Vos travaux pourront en particulier se nourrir d’une analyse des réformes comparables mises en œuvre à l’étranger, en particulier au Danemark et en Allemagne. Il serait en effet particulièrement utile de dresser un bilan de ces expériences, sans négliger bien évidemment les spécificités de notre économie et de notre système de protection sociale.

Ils devront évidemment être conduits sur la base d’une concertation approfondie avec les partenaires sociaux.

J’ai parallèlement confié au ministre de l’économie, des finances et de l’emploi la réalisation d’une étude opérationnelle sur la possibilité d’affecter une partie de la TVA au financement de la protection sociale, en contrepartie d’une baisse des charges sociales pesant sur le travail. Il est donc indispensable qu’une bonne coordination ait lieu entre ce travail et la mission qui vous est confiée.

Vous me remettrez dès que possible, au besoin via un rapport d’étape dès juillet, vos conclusions sur les options qui pourraient être retenues ainsi que sur l’évaluation sommaire de leur impact et des conditions principales de leur mise en œuvre.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

François FILLON

7 commentaires sur “Lettre de François Fillon à Eric Besson au sujet de la TVA Sociale « anti-délocalisation »”

  1. Première erreur de FILLON : la date du choix de son annonce de la TVA sociale. Ne pouvait il pas attendre le 18 juin.

    J’ai 15 ouvriers sur 15 qui ont voté UMP au premier tour. Demain, ils m’ont tous dit qu’ils voteraient à gauche ou qu’ils resteraient chez eux….

  2. 1- Il n’empèche que le moment est mal choisi et que peu importe d’avoir raison, c’est la communication l’essentiel. Et là FILLON, c’est 0.
    2- La TVA sociale pénalisera les retraités, les chômeurs, les travailleurs non salariés.
    3- Si le problème des vins de BORDEAUX venait de là, alors il faudrait monter de 10 points la TVA… Non, souvent les problèmes vient de l’incompétence ou au moins des erreurs des acteurs. Le problème des vins de BORDEAUX est intrinsèquement lié au vignoble bordelais, à ses acteurs et à ses organisations professionnelles.

  3. Dire avant, ce que l’on fera après, ce n’est pas une erreur, c’est une méthode de travail ! Souhaitons nous garder JALLATTE à Alès et à St Hypolite-du-Fort ? Regrettons nous le départ d’ARENA de Libourne ? Souhaitons que FORD reste à Blanquefort ? Pensons nous que la LOGAN pourrait être fabriquée en France? Voulons nous améliorer la compétitivité des vins de Bordeaux face aux vins du nouveau monde ? Si la réponse est « oui » à chacune de ces questions, alors il faut promouvoir ensemble la TVA Sociale et en expliquer le fonctionnement sans répis ! Ne nous laissons pas abuser par les partis en mal d’électeurs qui agittent le spectre d’une augmentation des prix, pour mieux séduire l’électorat et qui disent ensuite au sujet des délocalisations : « l’état ne peut pas tout » ! Tout cela est faux et mensonger : s’il le veut, l’état le peut ! Je vous conseille la lecture sur ce blog de l’article « TVA Sociale ou le poker menteur »

  4. Sarko peut débarquer FILLON, gràce à sa communication d’enfer sur la TVA sociale, le PS s’en sort vachement bien.

    Dans 6 mois avec FILLON, on a la rue contre nous.

  5. Obliger les productions délocalisées à contribuer aux recettes de l’État est une bonne chose.
    Cependant, il est plutôt curieux d’utiliser la TVA pour instaurer une taxe douanière ! Mais on comprend bien que cela ferait désordre de contrevenir ostensiblement au dogme du libre échange…

  6. La notion de "taxe douanière" est intéressante. Le problème est comment la mettre en place dans une Europe sans frontières? Il existe un "octroi de mer" dans les départements d’outre mer, en Corse… C’est donc possible ! Mais ces territoires ont des frontières clairement identifiées.

  7. On peut également utiliser l’expression « taxe à l’importation » ou « barrière tarifaire d’importation ».
    Ce dispositif existe déjà, preuve en est la graduation paradoxale (ignominieuse !) du niveau des taxes commerciales ; ainsi, la taxation des importations (chiffres 2001, source FMI et Banque mondiale) dans divers cas de figures est la suivante :
    – aux U.S.A. depuis les pays de l’O.C.D.E. : taxe de 1,2 %
    – aux U.S.A. depuis les pays les moins développés : 13,6 %
    (notons que les Etats-Unis ne se privent pas d’avoir « recours aux protections douanières unilatérales dès l’instant où les intérêts d’une industrie nationale sont menacés » (La dissociété, Jacques Généreux, p. 59)).
    – dans l’Union européenne depuis les pays de l’O.C.D.E. : 2,5 %
    – dans l’Union européenne depuis les pays les moins développés : 5 %.
    Rien de nouveau donc dans le principe de maîtriser les échanges commerciaux internationaux au moyen de barrières tarifaires.
    Compte tenu de l’objectif affiché, une barrière tarifaire d’importation serait beaucoup plus juste. Ce procédé n’est évidemment pas celui que préfèrent les détenteurs des moyens de production… Évident !
    Il n’empêche que tous devraient contribuer équitablement à l’effort de financement des charges collectives : les consommateurs, certes, mais aussi les détenteurs des capitaux. Illusoire, tant qu’il n’y aura pas de gouvernance mondiale reconnue (type Onu) pour harmoniser les économies. Mais les États jaloux de leur prérogatives n’en veulent pas, et les grandes firmes encore moins, qui produisent dans les pays à bas coût de main-d’œuvre, vendent dans les pays à haut niveau de vie, et placent leurs capitaux dans les paradis fiscaux. Notre problème est un problème mondial et le « bricolage » de tel ou tel pays a bien peu de chance de juguler cette tendance à la paupérisation et à l’inégalité croissantes (voir statistiques Onu).

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