Macron et le nucléaire, un changement de cap ?

Tribune signée Alain Desgranges, ingénieur en Génie atomique et membre de l’ONG PNC-France

Tous les signaux sont au vert pour que le Président de la République décide d’un changement de cap dans sa politique de l’énergie en reconnaissant l’intérêt du nucléaire pour la France et le climat et en tire toutes les conséquences…

La hausse des prix de l’électricité liée à celle du gaz que l’on présente comme la résultante de plusieurs facteurs dont la réduction des approvisionnements de Russie, la taxe carbone ou la nécessaire adaptation des réseaux de transport de l’électricité à la prolifération des énergies renouvelables, contribue à voir d’un autre œil l’intérêt que représente le nucléaire…

Il est grand temps de faire acte de résistance envers une Commission Européenne déterminée à avoir la peau du nucléaire et avoir le courage de s’opposer à l’Allemagne, une « amie » qui ne nous veut pas que du bien. Car ne nous y trompons pas, il s’agit bien d’une guerre économique qui oppose aujourd’hui les deux piliers de l’Europe.

Bruno Le Maire a pris l’initiative de lancer le débat au sein du collège des ministres de l’économie de l’Union Européenne. Il s’oppose aussi à la Commission Européenne qui, pour l’instant, refuse l’intégration du nucléaire dans la taxonomie verte, compliquant à l’extrême l’obtention des ressources financières absolument nécessaires pour notre nation pour permettre le développement de cette énergie, la seule capable de répondre au défi climatique selon les experts du GIEC et de l’AIE.

En France, notre parc nucléaire fait le job !…

Ce sujet clivant est déjà présent dans la campagne présidentielle à plusieurs titres, notamment en raison de l’augmentation du prix de l’électricité qui agite fortement l’opinion publique.

Le gouvernement est à l’évidence divisé sur cette question, Barbara Pompili, la ministre en charge de l’énergie se contentant de réclamer un débat alors que le sujet de la transition énergétique est présent tous les jours dans les différents espaces de dialogue.

Quant au Président de la République, il semblerait qu’il ait compris l’urgence de sortir de l’ambigüité de son positionnement où, après avoir indiqué à juste raison que “le nucléaire est une chance pour la France”, il ne remet pas encore en question l’arrêt anticipé de 12 réacteurs venant s’ajouter aux deux de Fessenheim.

Des réacteurs qui produisent une électricité d’un coût raisonnable en raison de leur amortissement et dont nous aurons bien besoin ces prochains hivers alors que la ministre vient de reconnaître publiquement le risque de coupures tournantes de l’alimentation en électricité des entreprises et des particuliers.

Sans compter nos voisins européens qui viendront quémander notre production d’électricité, fusse-t-elle d’origine nucléaire.

Alors, un changement de cap ?

Rompant avec la procrastination que lui prête l’Autorité de Sûreté Nucléaire, Emmanuel Macron s’apprêterait à engager notre pays dans la construction de SMR, ces petits réacteurs modulaires sur lesquels EDF travaille depuis quelques temps.

Un premier pas si cette intention était confirmée, mais très loin de répondre aux besoins du réseau, l’urgence étant de lancer sans plus tarder le programme de six EPR 2 et la consultation publique préalable à la phase industrielle. Mais aussi de donner les ressources financières à EDF nécessaires aux investissements de ce projet industriel. Une démarche qui ne peut débuter que par le rassemblement de tous les acteurs concernés par les négociations avec la CE sur la taxonomie verte autour du projet d’inclure le nucléaire dans ce dispositif.

Cette situation compliquée va être confrontée à la publication le 25 octobre du rapport final de RTE, gestionnaire du réseau de transport de l’électricité, sur les différents scenarii de faisabilité technique pour le réseau, notamment un scénario 100% renouvelables  pourtant rigoureusement irréaliste.

Un rapport qui devrait conduire RTE à réviser ses hypothèses avec l’obligation de faire part aux Autorités des risques réellement encourus en matière d’approvisionnement électrique.

L‘heure est à la mobilisation générale

Depuis plus de 40 ans, avec la production hydraulique et sans avoir recours aux énergies renouvelables intermittentes, notre pays a fait la démonstration de la fiabilité de la production nucléaire satisfaisant à tout instant aux besoins du réseau.

Le réchauffement climatique et le coût raisonnable du nucléaire ont donné un regain d’intérêt à cette énergie. Elle assure une indépendance énergétique relative qui serait mise à mal par l’importation massive de gaz de Russie, une menace qui nous pend au nez sauf à décider d’un changement radical de la stratégie de notre pays.

Pour imposer cette vision de bon sens, mener à bien ce projet et enfin tenir compte des recommandations de nos Académies et des scientifiques, la France a besoin d’un « Bonaparte au pont d’Arcole » et non de calculs politiciens qui sont la marque des faibles et des indécis.

Que les amateurs se fassent connaître…

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