Monsieur le Président de la République,
Vous avez cosigné le 17 mars 2021 une lettre avec 6 autres Chefs de gouvernement pour marquer votre attachement à l’inscription de l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne. L’acte délégué relatif au volet climatique de la taxonomie de l’UE, qui vise à promouvoir les investissements durables, a été publié le 21 avril 2021. Cet acte n’inclut ni le gaz naturel, ni le nucléaire, les décisions les concernant étant reportées à une date ultérieure.
Je souhaite attirer votre attention sur la dangereuse ambiguïté maintenue par la Commission dans ses communiqués.
Le texte du document « Questions/Réponses » publié par la Commission, reproduit en annexe, fait clairement apparaître des modalités de décision et d’instruction des possibilités d’inclusion dans la taxonomie très différentes selon qu’il s’agit du gaz ou de l’énergie nucléaire. En particulier, la Commission n’annonce pas l’inclusion du nucléaire dans l’acte délégué complémentaire en fin d’année, contrairement au gaz dont la future inclusion est affirmée a priori.
La sauvegarde des intérêts de la France exige devant cette situation une réaction vigoureuse de votre part comme de l’ensemble des intervenants français auprès de la Commission et du Parlement Européen. En particulier, j’attire votre attention sur les déclarations et les attitudes de la Ministre de l’Environnement et de la Transition écologique, comme du Président français de la Commission de l’Environnement du Parlement Européen, qui ne sont pas en ligne avec l’objectif de votre courrier à la Présidente de la Commission.
En effet, le rapport du CCR (Centre Commun de Recherche) a reconnu explicitement le nucléaire comme éligible à la taxonomie. Quelques semaines auparavant, la Commission avait laissé entendre que, pour le nucléaire, elle pourrait avoir recours à une procédure impliquant le Parlement et le Conseil, procédure longue, incertaine, voire politicienne, ne reconnaissant plus au nucléaire, contrairement au gaz naturel, le droit à une « expertise technique et scientifique ».
Cette inégalité de traitement est inacceptable.
Tout porte à croire que la Commission européenne s’apprête par des voies détournées à privilégier le gaz naturel et à condamner le nucléaire sous la pression de quelques États membres et de lobbys puissants, alors qu’il s’agit d’une énergie propre, émettant 70 fois moins de CO2 que le gaz et donc bien plus efficace du point de vue climatique.
PNC-France considère que les pays européens ayant recours à l’énergie nucléaire doivent exiger que la Commission s’engage à intégrer gaz et nucléaire dans l’acte délégué complémentaire, prévu fin 2021, et que les deux technologies soient traitées de manière équilibrée dans l’intérêt du climat et de l’Europe, en reconnaissant le principe de subsidiarité.
Si la voix de la France, que vous portez avec autorité à Bruxelles, l’exige avec détermination cet objectif sera atteint.
Mais en outre, il apparaît très urgent que la diplomatie française, tout l’appareil d’État et nos représentants auprès des institutions européennes se mobilisent sous votre indispensable autorité pour constituer une minorité de blocage face aux manœuvres d’une Commission qui manque à son devoir d’objectivité et de neutralité.
À l’heure où la volonté de préserver la capacité industrielle de la France est souvent exprimée, le nucléaire continuant à irriguer un vaste réseau industriel toutes spécialités incluses, je ne doute pas que vous serez convaincu de la nécessité d’une intervention personnelle et urgente de votre part, compte tenu de l’importance des enjeux environnementaux, sociaux, financiers et industriels de ce dossier.
Au lendemain de la décision de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe condamnant le gouvernement allemand pour sa politique climatique, j’ajoute qu’il apparait que la priorité étant la baisse des émissions de CO2, la fermeture des centrales nucléaires produisant à la demande une électricité décarbonée est condamnable. Au moment où un délit d’écocide est en débat, de telles fermetures méritent d’être évaluées également sous cet angle. Il en est de même pour le retard irrattrapable et coûteux de la décision du lancement des nouveaux EPR, injustifiable devant le constat
que la fermeture sans remplacement de puissances pilotables installées est préjudiciable pour le climat.
Ainsi que je vous l’ai déjà demandé, je serais heureux de pouvoir vous rencontrer afin de vous présenter notre analyse, fondée sur un raisonnement et non sur une opinion, elle est différente de celle qui est imposée par idéalisme ou idéologie et qui depuis bientôt dix ans a coûté très cher sans apporter de bénéfice climatique.
Je vous prie, Monsieur le Président de la République, d’accepter l’expression de ma haute considération.
Bernard ACCOYER
Président de PNC-France
Association de Défense du Patrimoine Nucléaire et du Climat (PNC-France)
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