Par Alain Desgranges*
Six scénarios pour six EPR ? Telle est l’équation proposée au Président de la République avec la remise d’un rapport de RTE (gestionnaire du réseau de transport de l’électricité). Un rapport qui démontre l’urgence d’une décision fondée sur la relance du nucléaire que la hausse des prix du gaz et de l’électricité pare soudain de toutes les vertus.
Alors que les médias déroulaient le tapis rouge en faveur du nucléaire en prévision de l’annonce de du plan « France 2030 », le projet d’Emmanuel Macron limité aux seuls SMR, ces petits réacteurs modulaires sur lesquels EDF travaille depuis quelques temps, laissait dubitatif.
Un premier pas qui ne permettait pas de répondre au doublement des besoins en électricité en 2050 ainsi que le prévoit l’Académie des Sciences.
Il ne permettait pas non plus de sortir de l’ambigüité d’un discours où le nucléaire est proclamé « grande chance pour la France » et où, dans le même temps, il est confirmé la fermeture de 12 autres réacteurs en parfait état de marche, dont deux de la centrale du Blayais en Haute-Gironde, venant après ceux de Fessenheim. Des réacteurs capables de produire une électricité d’un coût compétitif, sans pratiquement d’émissions de CO2 pour 10 ou 20 années de plus. Des réacteurs enfin dont nous aurons bien besoin ces prochains hivers, et plus encore nos voisins européens qui viendront quémander notre production d’électricité, fusse-t-elle d’origine nucléaire.
Pour franchir le Rubicon, manquait donc au Chef de l’Etat une vision réaliste sur les besoins en électricité bas carbone de notre pays à l’horizon 2050. C’est dire que l’étude de RTE était attendue par tout le microcosme de l’énergie.
Un rapport avec une conclusion générale sans équivoque : « Construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique, mais atteindre la neutralité carbone est impossible sans un développement significatif des énergies renouvelables ».
L’urgence est donc bien de lancer sans plus tarder le programme de six EPR 2 et la consultation publique préalable à la phase industrielle.
Mais les auteurs de l’étude vont plus loin en recommandant « pour 2030, de prolonger le nucléaire existant », ce qui signifie que RTE déconseille fortement de fermer de façon anticipée des réacteurs nucléaires pour réduire la place de l’atome de 70% à 50% d’ici 2035.
Il s’agit-là d’une évolution de taille par rapport aux précédentes études et de l’enterrement du fantasme du « 100 % renouvelables, c’est possible ».
Un EPR au Blayais ?
D’autres études tablent même sur l’intérêt de construire pas moins de 30 réacteurs pour satisfaire aux besoins en électricité de notre pays à l’horizon 2050. Une opportunité d’implantation d’EPR ou de SMR sur le site du Blayais qui ne se refuse pas à la condition de voir les élus concernés se mobiliser autour d’un tel projet.
Au final, le faible coût du nucléaire ajouté aux conséquences de plus en plus visibles du réchauffement climatique aura donné un regain d’intérêt à cette énergie qui contribue de surcroît à maintenir une relative indépendance énergétique. Une indépendance qui serait mise à mal par l’importation massive de gaz de Russie, une menace qui nous pend au nez sans un changement radical de notre stratégie.
Emanuel Macron dispose maintenant de toutes les cartes pour sortir enfin de l’ambigüité …
*Alain Desgranges est ingénieur en Génie atomique, membre de l’ONG PNC-France et ancien cadre dirigeant de la centrale du Blayais