« Pour un célibataire, augmenter de 100 euros les revenus disponibles représente une augmentation du coût pour l’employeur de 483 euros » Antoine Bozio sur France Culture.

Comment dé-smicardiser la France ?

France Culture le mardi 15 octobre 2024

C’est un rapport dont la parution était très attendue, les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer ont travaillé pendant plusieurs mois sur les effets de notre système d’allègement des cotisations patronales, et leur diagnostic est sans appel : le système visant à baisser les charges patronales sur les salaires proches du SMIC n’est plus pertinent en 2024 et a même favorisé une forme de « smicardisation » en France. Comment cette politique s’est-elle installée ces dernières décennies ? Quelle réalité se cache derrière le mot « smicardisation », et quelles sont les pistes pour sortir la France de cette situation ?

Réussir à dynamiser l’embauche

Pour le chercheur Antoine Bozio, les cotisations salariales, dont le rôle est de financer la protection sociale, peuvent être un frein pour les entreprises dans leur dynamique de recrutement : « Dans les années 1990, le taux de chômage était très élevé, notamment chez les non-qualifiés. Les cotisations au niveau du salaire minimum étant importantes, les réduire a eu un effet positif sur l’embauche d’emplois au niveau des bas salaires. » Progressivement, cette politique s’intensifie et se complexifie : après ce succès initial, les gouvernements, de gauche ou de droite, ont considéré : « On a un instrument qui fonctionne. » Des exonérations ont été rajoutées, au niveau du salaire minimum puis plus haut dans la distribution des salaires, en pensant que cela aurait un effet sur l’emploi à tous les niveaux. Finalement, nous sommes arrivés à une courbe des exonérations bizarres« , constate Antoine Bozio.

L’écueil des trappes à bas salaires

Si l’embauche globale est renforcée, pour Antoine Bozio, la « smicardisation » des travailleurs est due à la brutalité et à l’absence de linéarité des taux d’exonérations : « Au niveau du SMIC, on exonère de 40 points le niveau de cotisation employeur. Il faut retirer ces exonérations. Cela signifie que lorsqu’on augmente le salaire, on retire en même temps des exonérations. Ainsi, l’employeur doit payer l’augmentation de salaire et du taux de cotisations patronales qu’il doit verser. Les calculs effectués lors de la conférence sociale d’octobre dernier montraient qu’au niveau du salaire minimum, pour un célibataire, augmenter de 100 euros les revenus disponibles représentait une augmentation du coût pour l’employeur de 483 euros. » Cela entraîne, de fait, une stagnation des hausses de salaires, souligne Antoine Bozio.

Quels choix pour le gouvernement Barnier ?

Dans son rapport coécrit avec Étienne Vassemeur et intitulé : « Les politiques 2024 d’exonération de cotisations sociales, une inflexion nécessaire », Antoine Bozio, encourage l’allégement des écarts d’exonération de cotisations employeurs. Néanmoins, la politique budgétaire souhaitée par le gouvernement Barnier, lors du projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2025 maintient : « la forme actuelle du barème. C’est-à-dire des taux très élevés, qui sont réduits soudainement et très fortement. Simplement, il a réduit à la fois le niveau du salaire minimum et le plafond de ces exonérations, afin de finalement augmenter le montant de cotisations sociales prélevé. L’objectif était budgétaire. Cela ne correspond pas à l’esprit du rapport. Le gouvernement annonce pour 2026 la mise en place d’une forme d’exonération unique, dans l’esprit de ce qui est proposé par le rapport, mais tout en conservant l’objectif de réduction du coût pour les finances publiques. » Pour Antoine Bozio, la dynamique salariale pourrait donc s’en retrouver ralentie.

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