
À l’heure des incertitudes géopolitiques, de la flambée des prix de l’énergie et du défi climatique, la question énergétique n’est plus simplement technique ou environnementale : elle est devenue un enjeu vital de souveraineté, de compétitivité et de stabilité nationale. La France doit sortir des logiques idéologiques pour renouer avec une stratégie fondée sur l’efficacité, l’indépendance et la cohérence.
C’est dans ce contexte qu’une proposition de loi récemment débattue vise à fixer une trajectoire énergétique de long terme. Parmi ses orientations, la relance de la filière nucléaire française mérite d’être saluée, encouragée et amplifiée.
Le nucléaire : pilier décarboné, pilotable et stratégique
Depuis les années 1970, la France s’est dotée d’un parc nucléaire unique en Europe, qui lui a permis d’atteindre une électricité massivement décarbonée, pilotable, et à bas coût. Ce modèle a permis non seulement de sortir du charbon, mais aussi d’assurer une stabilité du réseau électrique inégalée. Aujourd’hui, pour réussir la transition énergétique, nous devons cesser de tergiverser et reconstruire une capacité nucléaire solide. Le texte parlementaire fixe l’objectif de 27 gigawatts (GW) de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2050. Cela représente environ 14 nouveaux réacteurs, avec un rythme cible d’un réacteur mis en service chaque année à partir de 2035. C’est ambitieux, mais c’est ce qu’exige la réalité.
Une industrie à reconstruire
Pour permettre cette relance, il faut engager dès aujourd’hui un effort industriel structurant, y compris sur la filière des composants stratégiques (ex. le projet Forge+ au Creusot) et de formation. Le nucléaire exige de la compétence et de la constance. Il exige aussi un financement adapté, avec des schémas de prêt bonifié et de contrat pour différence, permettant un coût de production maîtrisé et compétitif pour les ménages et les entreprises.
Petits réacteurs, grandes promesses
L’avenir du nucléaire ne repose pas uniquement sur les grands EPR2. Les petits réacteurs modulaires (SMR), déjà en développement en France grâce au programme France 2030, joueront un rôle-clé pour produire de la chaleur industrielle bas carbone, notamment dans les territoires. Ils sont aussi un levier de reconquête technologique, en particulier sur les réacteurs à neutrons rapides et les combustibles innovants.
Recycler plutôt que jeter : le bon sens nucléaire
La France est l’un des deux seuls pays au monde, avec la Russie, à maîtriser le retraitement et le recyclage des combustibles usés. Cette stratégie, fondée sur le monorecyclage (25 % des besoins actuels) et le multirecyclage (jusqu’à 40 %), est à la fois écologique, économique et stratégique. Elle permet de réduire les déchets ultimes et de préserver nos ressources naturelles. Là encore, il est urgent de pérenniser cet atout dans la loi.
La chaleur aussi doit être décarbonée
Enfin, la décarbonation ne concerne pas que l’électricité. Le nucléaire peut aussi fournir de la chaleur industrielle bas carbone, notamment via les SMR. Il est impératif que la loi française reste neutre technologiquement : parler de « chaleur renouvelable » est restrictif ; il faut parler de chaleur bas carbone, pour inclure les technologies qui peuvent réellement contribuer à la transition.
Éolien et solaire : quand l’intermittence devient l’impuissance
Trop longtemps, l’État a misé exclusivement sur l’éolien et le solaire, à grand renfort de subventions. Résultat : des investissements massifs (12 milliards d’euros par an attendus en 2030) dans des énergies intermittentes, qui produisent peu, pas quand il faut, et désorganisent le réseau. Le comble : ces énergies, dépendantes du vent ou du soleil, nécessitent toujours un secours derrière elles – souvent du gaz importé. Elles ne peuvent ni garantir l’approvisionnement, ni assurer la stabilité du réseau. Il faut cesser de considérer ces sources comme la panacée. Elles ont un rôle marginal à jouer, mais ne peuvent structurer un mix énergétique souverain.
L’hydroélectricité : la grande oubliée du débat
Et pendant ce temps, la première des énergies renouvelables françaises, l’hydroélectricité, est abandonnée à elle-même. En raison d’un litige absurde avec Bruxelles sur la mise en concurrence des concessions, la France n’a presque plus investi dans ses barrages depuis dix ans. Comme le rapportait récemment Le Figaro (4 juin 2025), la puissance installée est restée figée depuis 2014, alors qu’un potentiel important d’optimisation existe. L’hydroélectricité est propre, pilotable, disponible et souple. C’est le partenaire naturel du nucléaire. C’est la seule solution de stockage connue et reconnue !
C’est donc un comble qu’au nom d’un dogmatisme bureaucratique qui a déjà fait des désastres chez EDF , on ait affaibli cette filière. Il faut la réhabiliter pleinement dans notre stratégie nationale.
Il est temps de fixer trois priorités simples et claires :
- Relancer le nucléaire à grande échelle, avec un soutien industriel et financier solide.
- Réinvestir dans l’hydroélectricité, en débloquant les projets, en modernisant les installations.
- Réduire fortement les investissements dans les renouvelables intermittentes, qui ne répondent ni aux besoins du réseau, ni à ceux des Français.
