Une information de l’institut Paul Delouvrier qui vient de m’être transmise par mon ami Jacques Voisard.
UN CONCEPT QUI FAIT SON CHEMIN…
En 1997, la décision de suspendre la conscription et de limiter le service national à la « journée d’appel et de préparation à la défense » (JAPD) mettait fin à un siècle d’une obligation qui avait marqué la nation française. Etait posée également dans les faits, mais aussi dans la loi, le principe d’un service civil. De nombreux textes législatifs et réglementaires ont suivi. On en comptait plus d’une trentaine en 2002. En 2005, on dénombrait au mieux quelques centaines de volontaires.
Dans l’opinion comme au Parlement, les débats n’ont pourtant pas manqué, avec en fond de tableau le souvenir un peu nostalgique d’un service militaire pourtant de moins en moins adapté aux réalités sociales et aux besoins de la défense. Malgré des résultats positifs, les expériences assez tardives des formes civiles du service national furent trop brèves et les motivations de l’Etat comme des « appelés civils » trop ambiguës pour compter dans le débat de l’époque. Renforcées pendant quelque temps par des « emplois jeunes », les associations nationales ou locales ont pris en charge, avec des bénévoles et des salariés, des missions de plus en plus lourdes dans le social, l’éducation et le culturel.
Il a fallu attendre 2005 / 2006 et le choc des émeutes de banlieue pour que, dans l’urgence, soit instituées par la loi deux nouvelles formes de service civil dont la mise en œuvre était confiée à une agence nouvelle, l’ACSE . Dans le même temps, le débat avait repris dans l’opinion à l’occasion des présidentielles. Il portait essentiellement sur le concept d’un service civil obligatoire ou volontaire réservé aux jeunes.
La dotation annoncée pour 2007-2008 laissait espérer, en dépit de procédures un peu compliquées, un début de réalisation susceptible de dépasser le simple niveau de l’échantillon. Cette perspective s’est éloignée dans la mesure où elle a été remise en cause, puis en partie rétablie, dans l’attente des résultats d’une mission sur le service civil confiée par le Président de la République à Luc Ferry, président du conseil d’analyse de la société.
D’UNE ACTUALITE BRULANTE…
Dès 2001, l’Institut Paul Delouvrier a constitué un groupe de travail sur le « service civil ». Depuis un an, l’importance des réformes décidées dans différents domaines comme le droit du travail, la fiscalité, l’organisation de l’Etat, l’environnement et des programmes qui en sont la conséquence donne une dimension nouvelle aux réflexions et aux propositions concernant le développement du service civil dans la société française.
Le débat présidentiel et les élections de 2007 ont accéléré la prise de conscience dans l’opinion, à tous les niveaux, des retards accumulés depuis de nombreuses années, dans des secteurs divers de l’activité nationale.. Le montant de la dette, expression chiffrée de ces retards et de notre légèreté, a enfin cessé d’être pour le plus grand nombre une donnée abstraite. Cette dette est surtout un handicap pour les années à venir face aux changements rapides et parfois brutaux de notre monde. Elle comporte un risque d’incompréhension, voire de rupture entre générations. Certaines valeurs essentielles de notre pacte républicain pourraient en être ébranlées et remises en cause – si elles ne le sont déjà – faute d’anticipation de ces bouleversements. Heureusement, dans les administrations, les entreprises et les associations, ces débats ont été l’occasion de témoignages, de rencontres et de découvertes, de multiples initiatives nationales et locales dans ces mêmes secteurs d’activité.
Le retour du service civil dans le débat public n’est dons pas une surprise. Pour un nombre croissant de nos concitoyens, il est porteur de valeurs d’engagement, de solidarité et d’efficacité au service de l’intérêt général, en complément du salariat et du bénévolat. Mais il est également porteur de coûts, ou plus exactement de choix budgétaires difficiles pour l’Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et les associations. Le risque est donc réel que, faute de références significatives, le service civil reste cantonné à quelques centaines de volontaires, sans grande lisibilité dans le pays, à moins qu’il ne disparaisse.
Pourtant, les programmes liés aux réformes en cours auraient tout à gagner à mobiliser en complément de leurs acteurs naturels des volontaires du service civil. Libération de la croissance, réforme de l’Etat, « plan espoir banlieues », intégration et co-développement, « Grenelle de l’environnement », ces cinq programmes ont en effet en commun l’importance attachée au facteur humain (objectifs et moyens).
Le rapport Attali consacré à la croissance insiste sur les retards de la France en matière scolaire et dans l’usage du numérique. Il souligne les dérèglements de notre système de santé. La réforme de l’Etat va générer des changements de structures et des mouvements de personnes, y compris dans les contacts avec le public.
Le « plan espoir banlieues », dans sa dimension interministérielle, notamment dans ce qui relève de la sécurité et de la médiation jeunes – police, de la justice avec le développement des points d’accès au droit, ne peut qu’être demandeur de relais humains. Il suffit de se souvenir du rôle des appelés du « service ville », facteurs de lien social, ou des emplois de police (« cadets de la République »). L’accompagnement scolaire et l’encadrement sportif gagneraient également à bénéficier du concours de volontaires civils.
L’intégration et le co-développement s’inscrivent dans une tradition assez ancienne. Ce qui compte, ce sont les moyens mis au service de cet objectif, parmi lesquels des coopérants ou consultants en plus grand nombre.
Il est un peu tôt pour tirer les conséquences du « Grenelle de l’environnement ». Des initiatives du type « brigades vertes » sont récentes. Il n’est pas hasardeux de penser que plus forte sera la prise de conscience des problèmes d’environnement, plus forte sera la demande.
Ces programmes ne sont pas limitatifs de ce qu’on peut attendre d’un service civil d’une certaine ampleur. A l’exemple de l’Allemagne et de l’Italie, l’Institut Paul Delouvrier avait retenu un certain nombre de missions d’encadrement, de formation ou de soutien en direction des personnes fragilisées momentanément ou de façon durable. Le point commun de toutes les initiatives déjà prises ou envisagées est l’enrichissement réciproque que retirent de leur rencontre aussi bien les volontaires du service civil que les personnes auxquelles ils consacrent temps, écoute et attention.
Enfin, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale rendu public le 17 juin 2008 inscrit le « service civique » et le volontariat dans le champ de réflexion sur les liens entre défense et société.
QUI CONCERNE TOUTES LES GENERATIONS…
Beaucoup a été dit et écrit sur nos jeunes concitoyens. Rappelons simplement leur forte capacité d’engagement, leur attente inquiète du monde présent et à venir, leur solitude psychologique, leur défiance à l’égard de leurs aînés, mais aussi à l’égard d’autres jeunes et s’exprimant parfois par la violence. Or « les jeunes sont en quête de repères et de sens. Ils veulent se développer et s’épanouir de façon harmonieuse, mais aussi être utiles aux autres et reconnus par eux. Il est de la responsabilité des adultes de leur proposer des formes nouvelles de mobilisation, mais aussi de savoir les écouter, les accueillir, les aider et les guider dans leur démarche…. Nous devons dès maintenant apporter des réponses concrètes aux jeunes qui souhaitent s’investir dans des actions utiles à la collectivité, développer leurs talents, participer à la vie civique. » . En favorisant le contact avec des jeunes de leur âge ou d’anciens disponibles pour les guider et les aider, le service civil est à même de répondre à ces attentes fortes et positives.
Les seniors, volontairement ou non, ont été victimes, et parfois complices, d’un système pervers qui fait de la France depuis près de trente ans la championne de la sous-activité « officielle » des hommes et des femmes à partir de cinquante cinq ans, et parfois avant, à chaque « restructuration ». Certains, trop peu nombreux, se sont engagés dans un bénévolat de soutien ou d’encadrement dans des associations (et ONG) en France ou à l’extérieur, ou dans des activités économiques à temps partiel. L’engagement dans un service civil de seniors peut être l’occasion d’aller dans la durée, comme encadrants, formateurs, tuteurs, à la rencontre des besoins mentionnés précédemment, et dont on s’apercevra assez vite après enquête qu’ils sont insolubles sans mobilisation de leur expérience et de leur savoir-faire.
Depuis longtemps, les administrations et les entreprises ont utilisé la « mise à disposition » de quelques membres de leur personnel soit pour les former, soit comme un moyen de communication. Les associations en ont quelquefois bénéficié.
ET QUI CONDUIT L’INSTITUT PAUL DELOUVRIER A PROPOSER…
A partir de ces données et de ces constatations, fort de plusieurs années de travaux et réflexions l’Institut Paul Delouvrier formule les propositions suivantes :
- le service civil est ouvert non seulement aux jeunes, mais aux seniors en fin de carrière et aux jeunes retraités, ainsi qu’aux personnes en activité dans le cadre d’un congé de volontariat.
- seule la formule du volontariat est réaliste pour le service civil dans l’état actuel de l’opinion et des difficultés de mise en œuvre (logistique et encadrement).
- le service civil doit être l’occasion d’un brassage social entre volontaires, salariés, bénévoles et personnels des structures d’accueil et publics concernés.
- à la différence du bénévolat, ce qui caractérise le volontariat, c’est un engagement dans la durée et sans interruption, de six à vingt quatre mois. En conséquence, le volontaire reçoit une contrepartie financière sous forme d’indemnité ou d’une exonération fiscale.
- le contenu de l’engagement volontaire peut être très divers : projet de formation pour soi-même, projet de soutien vers des concitoyens plus défavorisés, renforcement d’équipes engagées dans le bénévolat, etc.…
- les parties prenantes au service civil sont les administrations de l’Etat et des collectivités territoriales, les associations et les entreprises.
Pour assurer la mise en œuvre efficace et pérenne du service civil, il convient :
- de confier à une autorité interministérielle la mise en place et le développement de ce service civil en tenant compte du retour d’expérience des activités de l’ASCE, du SMA , de l’EPIDe , du SVE et des associations concernées.
- d’organiser une large concertation entre les institutions représentatives des parties prenantes (Etat, associations, entreprises, syndicats de salariés et d’employeurs,…) pour convenir de la finalité et de la nature du service civil, et du statut des volontaires ;
- de confier au Conseil économique et social, en liaison avec les CESR régionaux, lieux de rencontre et de débats des acteurs de la société civile et économique, une mission d’identification des champs utiles de déploiement du service civil et d’évaluation permanente de sa mise en oeuvre.;
- d’inscrire les mécanismes de financement du service civil volontaire dans la révision générale des politiques publiques et dans le mécénat au titre de la responsabilité sociale des entreprises ;
- d’adapter la JAPD, plaque tournante à venir de l’engagement, au contexte du service civil ;
- d’inscrire dans le cursus des étudiants – de manière systématique pour les élèves des grandes écoles de l’Etat – l’engagement volontaire dans le service civil.
- d’instituer un système de financement pérenne dont la mise en œuvre facilite le recours au service civil (« chèque volontariat » inspiré des « chèques emploi service »). Des fonds de concours décentralisés pour tenir compte des spécificités régionales pourraient contribuer à une répartition pertinente des ressources financières nécessaires.
ET MAINTENANT ?
L’Institut Paul Delouvrier met en débat l’ensemble de ces préconisations. Celles-ci visent à contribuer à la consolidation et au renouvellement du pacte républicain, à favoriser le dialogue intergénérationnel et à donner à notre pays, inscrit dans l’ensemble européen, les moyens de se doter d’un projet commun à dimension humaniste. Fidèle à sa tradition d’échange et de dialogue avec l’Etat, les associations et les entreprises, il souhaite que le présent document enrichisse le débat sur le concept de service civil, et par là, sur l’avenir de notre société.
En savoir plus sur le site de l’institut Paul Delouvrier
4- Service militaire adapté Outre-Mer
5- Etablissement public d’insertion de la Défense
6- Service volontaire européen