J’ai lu avec grand intérêt le livre de Michel Rocard : « Si la gauche savait ». Au fil de ces pages on comprend mieux les débats qui sévissent actuellement à gauche, les incantations de Philippe Madrelle, l’appel au réalisme de Gilles Savary… On comprend mieux, aussi, les résultats du référendum : l’appel à voté « non » de Laurent Fabius. Le vote « oui » de Gilbert Mitterrand au référendum, puis le ralliement à Fabius « en souvenir d’Epinay ».
La tentation d’Epinay.
Laurent Fabius qui était premier Ministre lors de la signature du traité européen de libre échange, qui était ministre des finances, lors de la signature du traité de Nice… a passé la campagne du référendum à dire du mal des articles qu’il avait lui-même participé à écrire ! Comme le soulignait Gilles Savary, à Mérignac samedi soir, « Laurent Fabius alors qu’il était ministre des finances dans le gouvernement de Lionel Jospin a « théorisé » sur la baisse de l’impôt sur le revenu et sur la privatisation d’EDF… et voilà qu’il est contre aujourd’hui ». Voila notre Fafa qui parle de « rupture » comme Mitterrand au congrès d’Epinay. La « rupture » pour Fabius est d’abord une auto rupture. Cet homme là vient de rompre avec lui-même, comme en son temps François Mitterrand. L’objectif de tout cela est la prise du pouvoir. Avec les résultats que l’on sait. En 1981, François Mitterrand prend le pouvoir. En 1982, le budget de la France augmente de 27%. A tel point que le Ministre des Finances de l’époque (Jacques Delors) ne le signe pas !!! Le budget est signé par le seul Ministre du Budget qui était Laurent Fabius. En 1983 les salaires seront bloqués, ce qu’aucun gouvernement n’avait osé faire depuis 1945 !!! Puis ce sera marche arrière toute : adieu le programme commun, adieu la rupture !
Le jeu des alliances
« L’histoire ne se répète pas elle bégaye ». Laurent Fabius veut prendre le parti comme François Mitterrand le fit à Epinay. Le seul moyen d’y parvenir est d’offrir au peuple de gauche un discours incantatoire avec des promesses impossibles à tenir, un nouveau programme commun, dont seules 3 des 110 propositions ont été mises en place, mais qui a permis à François Mitterrand de prendre le pouvoir. Le discours est le seul moyen de nouer les alliances nécessaires à gauche. La stratégie est transparente. Comme Fabius fait peur à la gauche de la gauche, il a besoin d’Emmanuelli pour la séduire… Mais Emmanuelli, en vieux routier, se méfie de Fabius… Montebourg servira de lien. Quant à la deuxième gauche, elle se ralliera, comme elle s’est ralliée à Mitterrand. Sans la deuxième gauche, Mitterrand n’aurait pas fait deux septennats.
Mais, dit-on, « Fabius n’est pas aimé », « Il y a l’affaire du sang contaminé ». Croyez vous que Mitterrand était aimé au sortir de la Guerre d’Algérie ? Michel Rocard rappelle que la gauche lui en voulait énormément, c’est le ministre qui avait dit : « En Algérie, la seule discussion possible, c’est le combat » ? Et puis il y avait eu le scandale de la rue de l’Observatoire. François Mitterrand, pour faire parler de lui, avait payé quelqu’un pour feindre d’attenter à sa vie !
Laurent Fabius est prêt à tous les sacrifices de vocabulaire pour être le candidat de la gauche unie à la Présidentielle.
Laurent Fabius est prêt à tous les sacrifices. Même s’il faut pour cela donner du rêve et des promesses au peuple gauche… promesses irréalistes et irréalisables. François Mitterrand ne connaissait rien à l’économie, il le reconnaissait lui-même. L’histoire l’a prouvé. On peut donc lui pardonner ses promesses inconscientes. On peut lui pardonner d’avoir confondu l’idéal, que par définition on ne peut pas mettre en œuvre, et la réalité, qu’on transforme moins facilement que les discoirs. Laurent Fabius, lui, sait exactement ce qu’il en est. Il a été Minsitre du Budget, Ministre de Finances et Premier Ministre de la France. C’est une fourberie !
Laurent Fabius est prêt à tous les sacrifices. Même s’il faut pour cela aider le Front National à se relever. Comme le fit François Mitterrand en instituant le scrutin proportionnel afin de faire entrer le Front National à l’Assemblée. Ce qu’on appela à l’époque « l’alliance objective » qui a provoqué la démission de Michel Rocard du gouvernement.
« Alliance subjective » avec la gauche, « alliance objective » avec l’extrême droite… voilà les stratégies qui ont permis à François Mitterrand d’accéder puis de se maintenir au pouvoir. C’est dans cette lignée que se situe Laurent Fabius : non pas une lignée d’idée, mais une lignée de tactique.
Les militants du parti socialiste se laisseront-ils séduire par les sirènes Fabiusiennes ? La deuxième gauche se fera-t-elle coiffer au poteau par la première ? Voilà les questions que pose le livre de Michel Rocard en entretien avec le Mitterrandiste Georges-Marc Benamou.
Plus que jamais, le présent puise sa force dans le passé pour préparer l’avenir. Ces questions nous intéressent tous, que nous soyons à gauche ou à droite.