Cet article de Guillaume Lapaque est paru dans « Le Paysan du Haut-Rhin » de ce vendredi 2 mai.
Si des vignerons avaient désigné l’ « effet Sarkozy » comme responsable d’une partie de la baisse de consommation de vin en France, quel bilan la viticulture peut-elle tirer un an après l’élection du nouveau président ? Si les craintes demeurent sur la place du vin dans la société, c’est d’une nouvelle gouvernance de la filière que l’espoir pourrait venir.
« La France est et doit rester le pays du référence du vin » avait écrit Nicolas Sarkozy en mars 2007, répondant dans le cadre de la campagne présidentielle aux questions de Vin et société, association rassemblant la filière viticole. Un an après son entrée à l’Elysée, quel est le bilan de Nicolas Sarkozy au regard de la filière viticole ?
Descendus dans la rue en décembre 2004 pour protester contre ce qu’ils considéraient comme des attaques des pouvoirs publics contre le vin, les vignerons avaient baptisé « effet Sarkozy » la répression accrue sur les routes et la peur du gendarme, souvent désignées comme faisant partie des causes de la baisse de la consommation de vin en France. Mais, a contrario, certains espéraient également que le nouveau président saurait arbitrer les fréquents conflits entre les ministère de la Santé et de l’Agriculture et mener une politique de santé publique sans stigmatiser la consommation modérée. « Le vin n’est pas assimilable au tabac ou à la drogue » avait indiqué Nicolas Sarkozy en visite à Sancerre le 26 février 2007.
Qu’en est-il un an plus tard ?
« Depuis un an, l’armada contre le vin a cessé » s’enthousiasme Yves d’Amécourt, vigneron, conseiller général UMP de Sauveterre-de-Guyenne, qui animait pendant la campagne un groupe de « Viticulteurs avec Sarkozy ». Et l’élu bordelais cite à titre d’exemple le discours sur la ruralité prononcé par le Premier Ministre le 7 avril dans l’Aube, rappelant clairement que « l’excellence française, elle est là, dans l’univers des sensations qui s’élèvent d’un fruit mûr ou d’un bon verre de vin ». « Le Premier Ministre fait explicitement référence au vin. Sans le vin et les spiritueux, la balance commerciale du pays serait catastrophique et je crois que le ministère du commerce extérieur et le gouvernement en ont pleinement conscience » estime Yves d’Amécourt.
Assouplir la loi Evin ?
Interrogé par plusieurs vignerons lors d’une émission sur TF1 en février 2007, le candidat Sarkozy avait présenté ses mesures pour la viticulture. « Je veux qu’il y ait une vraie campagne sur le vin, qui est un produit du terroir et que l’on ne doit pas culpabiliser » avait-il indiqué. Un an plus tard, faute d’une telle campagne, la filière ne cache pas son inquiétude après que la Cour d’Appel de Paris a interdit en début d’année toute publicité pour le vin et l’alcool sur internet. Alors que le ministère de la Santé ne semble pas favorable à un assouplissement de la loi Evin à ce sujet, Vin et Société vient d’interpeller le Président de la République sur cette question.
« Je veux un meilleur partage de la richesse avec la distribution. Il faut que vous les viticulteurs vous vous organisiez et vous vous rassembliez plus fortement parce que la création de valeur est trop prise par la grande distribution par rapport aux viticulteurs » avait également indiqué le candidat Sarkozy. Un an plus tard, la FNSEA adresse à l’Elysée une pétition pour dénoncer le projet de loi de modernisation de l’Economie qui remet en cause les lois Dutreil et Chatel régissant les rapports entre distributeurs et fournisseurs. « Ce texte donne les clés de nos entreprises à la grande distribution » estime la FNSEA qui craint que la nouvelle loi aille à l’encontre d’un « meilleur partage de la richesse ».
« La viticulture n’est pas la branche de l’agriculture la plus concernée par ces questions de partage de la richesse » estime Yves d’Amécourt. « Nicolas Sarkozy avait raison d’évoquer l’organisation de la filière. Il y a souvent trop d’intermédiaires. Il faut que nous apprenions à mieux travailler avec la distribution, par exemple en intégrant les acheteurs de GMS dans nos interprofessions ».
Quelle gouvernance pour la filière ?
Le gouvernement est justement très attendu sur ces questions d’organisation et de gouvernance de la filière. La viticulture espérait des changements après le rapport que le préfet Bernard Pomel avait rendu au ministre de l’Agriculture en mars 2006. « Sur le fond, tout tarde à venir » reconnaît Yves d’Amécourt. « Il faut avancer sur la gouvernance de la filière viticole et aujourd’hui, il semble que l’on assiste à un Yalta entre syndicalisme viticole et syndicalisme général, alors que nous aurions besoin d’un Grenelle de la viticulture ».
On devrait connaître dans les semaines à venir les détails du plan de modernisation sur 5 ans de la viticulture française annoncé en octobre dernier par le ministre de l’Agriculture Michel Barnier. Et ce plan pourrait faire l’objet d’une annonce par le Président de la République lui-même. Un an après l’entrée en fonction du nouveau président de la République, ce pourrait être, pour la viticulture, une inversion de « l’effet Sarkozy ».
A lire aussi un article de Guillaume Lapaque paru sur Viti-net ce mardi 6 mai.