Voici le discours prononcé par le Colonel DAOUST, commandant le groupement de la Savoie, dans les salons de la préfecture à CHAMBERY, devant les pesonnalités civiles et militaires présentes, le jeudi 14 décembre 2006 pour la Sainte Geneviève.
Monsieur le préfet,
Monsieur le vice président, représentant du président du conseil général,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le procureur général,
Mesdames et messieurs les magistrats,
Mesdames et messieurs les chefs de services,
Mesdames et messieurs les officiers, sous-officiers, gendarmes adjoints et personnels civils de la Défense,
Mesdames, messieurs,
Dans notre société où tout s’accélère, la vitesse et la technologie semblent prendre l’ascendant sur le temps et sur l’homme. Aussi à l’occasion de cette fête de l’Arme, et pour sortir des sentiers battus, je vais en tant que scientifique essayer de vous montrer que les gendarmes appliquent les principes de la physique d’Einstein pour réussir au mieux leur mission.
Le principe est simple mais le concept difficile à accepter pour notre logique, à savoir que le temps s’écoule différemment selon la position de l’observateur et de son déplacement. Je vous assure que c’est vrai. Les expériences réalisées par ce mathématicien l’ont prouvé.
Pour vous en persuader, il suffit pour cela d’apprécier les demandes faites par un
observateur X d’une administration centrale à Paris. Sa mesure du temps est différente de celle qui rythme l’événement que les gendarmes vivent et gèrent en prise directe. Pour cet observateur, les réponses sont attendues avant que l’événement sur place ne soit encore maîtrisé voire terminé.
Comme quoi, l’attente dans un bureau parfois trop chauffé peut avoir tendance à allonger la perception du temps qui passe et ce à l’inverse du temps que le gendarme perçoit sur le terrain pour résoudre le problème.
Ainsi tout au long de cette année, les gendarmes ont répondu aux sollicitations de nombreux observateurs se situant dans des ministères différents, celui de la solidarité sociale, de la famille, des transports, des affaires étrangères, du commerce et de l’industrie, de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, de la
culture, etc. pour citer d’abord ceux qui ont occupé une grande partie du temps des militaires de l’arme.
En effet, c’est ainsi que plus de 8000 personnes ont été entendues lors de contacts, enquêtes dans le domaine de l’intelligence économique, des mariages mixtes, des demandes de nationalisation, des achats d’armes de chasse, des conditions de stockage d’explosifs agricoles, de chantiers et pour les stations de skis. 400 journées / gendarmes (unité de temps local conforme au principe énoncé) ont été consacrées à l’étude sur le terrain des demandes de manifestations sportives et culturelle, 1400 gendarmes ont en sus été employés pour leur encadrement. 100 jours / gendarmes ont permis de suivre les commissions de sécurité pour les établissements recevant du public (ERP).
Plus de 200 actes ont été dressés dans le cadre de la
concurrence et de la consommation, le ministère du travail en a généré plus du double et le ministère de la jeunesse et des sport sollicité près d’une centaine d’actes. Les demandes des huissiers, des services fiscaux pour retrouver des citoyens ou pour se faire assister en cas d’expulsion, égrainent l’année gendarme.
Le ministère des transports occupe largement le panel de l’investissement de la gendarmerie sur la route, les autoroutes, dans les tunnels et auprès des transporteurs. La visite des 46 collèges et d’une cinquantaine d’école primaire à des fins éducatives et préventives sont aussi dans l’escarcelle de l’Arme.
Dans sa partie administrative, le ministère de la justice n’a toujours pas les moyens de faire les transfèrements, même si un espoir existe cependant dans les avancées technologiques pour la visio-conférence qui
permettra de récupérer près de 4000 jours gendarmes en Savoie. L’enquête et les filatures pour débusquer le H5N1 avec les services vétérinaires sur le département continue de mobiliser les unité de gendarmerie…
Cela paraît être un inventaire à la Prévert, et pris isolément comme anecdotique, mais c’est près de 40% du temps d’un gendarme qui est employé dans un secteur et au profit d’un ministère qui n’est pas toujours celui de son emploi ou d’appartenance ni dans son coeur de métier. C’est en quelque sorte du travail en temps masqué.
Le paradoxe réside alors que ce temps n’est pas comptabilisé en emploi, et qu’il n’est à aucun moment pris en compte pour l’établissement des objectifs de performance de l’Arme. En effet, les seuls indicateurs reconnus s’attachent aux 60% restant, qui pour l’observateur central sont le seul temps utile
de travail, ce doit être cela le principe de relativité du temps. Ces 60% recoupent l’ordre public, la police judiciaire et la sécurité publique.
Mais là encore, il convient de noter que si ces indicateurs aident à la comptabilité immédiate d’une tendance de la délinquance, à aucun moment ils ne permettent la comptabilité réelle du temps nécessaire et du temps passé à la gestion d’un événement ou d’une affaire. Un délit ou un crime ne représente qu’un fait sur l’échelle de valeur retenu, que l’investissement pour la résolution ait coûté une heure ou une année, un gendarme ou plusieurs. Apparemment il doit manquer des barreaux à l’échelle de l’observateur central.
Sur l’échelle du temps coté de l’observé, vous l’avez compris le gendarme, ces quelques 60% représentent un inventaire différent. Les 15000 faits constatés ont généré plus
de 45000 auditions, 7 millions de kilomètres parcourus, 41000 appels, entraînant plus de 15000 interventions dont 5000 ont fait l’objet au moins d’un PV de constatations. Pour ne pas contrarier certains, je ne donnerai pas le nombre de contraventions en matière de circulation routière relevées par les services.
Pour illustrer encore le phénomène de dilatation du temps, en même temps que toutes ces actes, la surveillance générale devra être faite, les patrouilles maintenues de jour comme de nuit, les contrôles efficaces et l’occupation de terrain la plus large possible.
Dans le coeur de ses missions, les gendarmes se seront investis dans la lutte contre les violences intra familiales, sur la voie publique pour lutter contre les violences aux personnes, dans la mise en oeuvre des nouvelles patrouilles de police ferroviaire, dans la lutte contre les trafics de stupéfiants par des actions en profondeurs, des enquêtes et des opérations coordonnées, dans l’étude de diagnostic dans les nouveaux CLS, la lutte contre l’immigration clandestine, etc.
Ainsi quelque soit notre poste, nos fonctions ou notre ministère d’appartenance nous nous sommes retrouvés en position d’observateur ou de relais de celui-ci. La conséquence principale est que notre demande ne saurait attendre car elle est prioritaire puisque c’est la nôtre et qu’elle touche notre seul domaine de compétence ; donc, le temps étant compté et à défaut d’effectifs dans lesdits ministères, et sachant que la nature a horreur du vide et des Récupérations du Temps de Travail, les gendarmes qui sont toujours sur le terrain y répondront et dans un temps contraint.
La conséquence de cette démonstration est que
l’énergie déployée par les gendarmes est dans les faits égale au carré de la pression que vous exercez, multiplié par le peu de temps laissé ou la vitesse souhaitée pour la réalisation. Autrement dit, l’énergie est égale au carré de la masse que multiplie la vitesse, E = MC². Et nous retrouvons bien la limite du temps dans la formule d’Einstein.
Le temps étant de l’argent et l’homme un être précieux, le développement des technologies et moyens sophistiqués doivent faciliter sa vie, simplifier son action, le remplacer dans les domaines les plus pénibles. Toutefois pour relativiser une fois encore l’apport de la modernité dans laquelle est engagée l’arme je vais rappeler la définition du gendarme de terrain.
D’abord, contrairement aux idées reçues les gendarmes sont des êtres humains comme vous et moi. Hommes ou femmes, il en existe de
toutes tailles et de toutes les couleurs. On les trouve partout : sur terre, sur mer, dans les airs, à cheval, en voiture et même sur votre dos.
Malgré le fait « qu’on n’en trouve jamais quand on en a besoin », ils sont tout de même là quand c’est nécessaire. Les gendarmes font parfois des sermons, mettent au monde des bébés, assistent la maman et rassurent le papa. Mais hélas ce sont trop souvent eux qui transmettent les mauvaises nouvelles.
Le gendarme c’est donc cet homme, père ou mère comme vous, qui respire un grand coup avant de sonner à la porte et annonce le décès d’un être cher, et qui après se demande pourquoi il fait ce fichu métier.
Il doit faire preuve de discernement, être de la même trempe que Salomon, juste et équitable mais intraitable
aussi.
Quelle que soit sa silhouette, il devra être fort, pour faire face aux agressions.
Dans les fictions, il est souvent gauche, peu futé, ne sachant que faire, qui ou quoi chercher.
Dans la vie, on espère de lui qu’il trouve un petit garçon « à peu près grand comme ça » perdu dans une foule ou dans la nature.
Si dans les romans il trouve aide et assistance auprès de tous, en réalité il doit faire avec l’autisme et à une amnésie collective.
Quand il dresse un procès verbal, c’est un monstre borné, quand il sursoit à l’acte c’est soit quelqu’un qui devient intelligent, soit un benêt que l’on a bien eu.
Pour les enfants il est présenté tantôt comme un croque mitaine, tantôt comme un sauveur. Il est militaire donc il travaille beaucoup, il surveille les autres finir leur semaine et prendre leurs récupérations du bord de la route sur laquelle il est pendant encore de longues heures.
Pour certains bureaucrates il ne travaille jamais assez vite, ni assez bien, ni assez tout simplement. Et quand il croit profiter d’une soirée en famille, il est rappelé pour une urgence souvent pour un problème dans une autre famille justement.
Quand il fait bien son travail, « il est payé pour çà ». Quand il fait une erreur, « c’est un incapable ».
Quand il fait face au danger, à la violence, et risque de se faire écraser pour porter assistance, ce sont les risques du métier.
Quand il évoque parfois ses peurs, c’est un couard, et quand il parle de sa famille, c’est du sentimentalisme.
Pourtant, un gendarme élève beaucoup d’enfants qui ne sont pas tous les siens. Un gendarme voit plus de misère, plus de blessés, de morts, plus de problèmes et plus de levers de soleil que la moyenne. Le gendarme est dehors par tous les temps, son uniforme change avec la météo, mais sa vision de la vie reste la même gardant l’espoir des jours meilleurs.
Contrairement aux apparences, les gendarmes apprécient aussi les jours de congés, les moments d’évasion et la vie de famille. Ils n’aiment ni les cris, ni les heurts, ni la violence, et se sentent tellement seuls quand un verbalisé plein de rancoeur leur
rappelle qu’avec ses impôts il paye le salaire du gendarme.
Ils ont quelquefois des médailles pour leurs actions, mais parfois ce sont leur veuve et les enfants qui la reçoivent pour lui…
Mais, le gendarme a aussi la satisfaction de l’aide apportée, de la victime rétablie dans ses droits, de l’affaire résolue, de la mise hors d’état de nuire de délinquants. Le gendarme a le bonheur de bien faire son métier, d’apporter sa pierre au bien être de tous et de contribuer à la construction d’une société plus sûre pour la sécurité des citoyens. Le gendarme a aussi le sentiment plein et entier d’être pour quelque chose dans la représentation de l’Etat et dans son action sur le terrain.
Et, de temps en temps, il obtient sa plus grande récompense, quand après avoir
retrouvé ou aidé un enfant, l’un le regardant de ses grands yeux, ils entendent dire « quand je serai grand je serai gendarme ! ».
Monsieur le préfet, vous qui êtes attentif à l’action et l’engagement des militaires de l’arme, mais aussi au respect qui leur est dû et je peux en témoigner, quand la catastrophe ou la crise est là, ces fidèles serviteurs de l’Etat répondent présents pour assurer et maintenir le service que nous devons au public en toutes circonstances.
Et pour témoigner de leur implication pour rétablir toute situation, je paraphraserai une citation de Winston Churchill : « Tout le monde disait que c’était impossible à faire, un gendarme est venu qui ne le savait pas, et il l’a fait ».
Monsieur le Préfet, mesdames et messieurs, vous avez devant vous ces hommes et ces femmes qui sont et font la gendarmerie.
Merci de votre attention.
Très intéressant, vraiment ça décoiffe
Bravo pour votre blog et merci
Bravo de la part d’un ancien !