Copeaux, 85/15, noms de cépages, densité de plantation …

La vérité sur un faux débat – Par Yves d’Amécourt, viticulteur à Sauveterre de Guyenne

A l’heure où chacun communique sur l’avenir des AOC, sur les méthodes internationales de vinification, sur les copeaux, … une mise au point s’impose !

Inao et AOC
L’AOC est une histoire collective qui dure depuis 70 ans. Cette histoire a un coût. L’INAO, pour vivre et fonctionner, prélève des taxes sur les vins produits. Entendre aujourd’hui que l’AOC devrait être réservé à une élite, c’est un peu dire à tous les viticulteurs qui ont fait l’INAO : « depuis 70 ans vous payez pour construire l’INAO, et le modèle de l’AOC. Et bien désormais nous allons vous exproprier et l’A.O.C. ce sera pour nous seuls ! » . Affirmer cela c’est une spoliation !

L’AOC c’est l’appellation d’origine contrôlée, ce n’est pas le conservatoire des usages ancestraux ! Si certains veulent s’interdire toutes les nouvelles méthodes de vinifications qui font que nos vins d’aujourd’hui sont meilleurs que les vins d’hier. Et bien qu’ils le fassent et qu’ils créent autre chose. Mais à ce moment là qu’ils refusent toutes les nouvelles méthodes à commencer par l’œnologie qui fut découverte après la création des AOC ! Qu’ils s’interdisent l’utilisation des sécateurs électriques pour tailler la vigne, qu’ils s’interdisent l’utilisation de la thermorégulation, qu’ils s’interdisent le cliquage et le micro-bullage, qui permettent la micro-oxygénation des vins, qu’ils s’interdisent l’utilisation de la machine à vendanger…

Les copeaux
On glose sur l’usage des copeaux pour vinifier les vins ! En sous entendant qu’il s’agit d’une « aromatisation technologique » !!! Croyez vous que si les viticulteurs voulaient aromatiser leurs vins, ils prendraient la peine de fabriquer des copeaux de bois, de les griller (toastage), de les mélanger à leur vendange… afin que les tanins du vin et les tanins du vins se marient ?

Entre un vin vinifié dans une barrique de chêne blanc d’Amérique, qui vient d’on ne sait où et un vin boisé aux copeaux de bois prélevés sur un chêne d’une forêt de l’Allier qualifiée PEFC, lequel est le plus aromatisé ? L’origine duquel est la plus contrôlée ?

La vérité c’est que les copeaux de bois étaient déjà utilisés en France au XIXème siècle. A l’époque les résultats n’étaient pas probants, parce qu’à l’époque on ne savait pas élever les vins, comme aujourd’hui. Un certain nombre d’équations biologiques et microbiologiques n’étaient pas modélisées. On ne connaissait même pas l’existence des fermentations malo-lactiques ! Mais aujourd’hui, l’œnologie a fait des progrès énorme, la connaissance aussi et l’utilisation des copeaux est, dit-on, si elle est maitrisée, une belle réussite.

Autorisons l’utilisation de copeaux de bois, issus de forêt française en « gestion durable » dans nos décrets d’AOC et cessons de débattre ! Que les AOC qui le refusent y réfléchissent à deux fois, et qu’elles se l’interdisent. Les débats ont assez duré : consultons, décidons et agissons !

La règle des 85/15
Cette règle internationale est simple : à chaque fois qu’une mention figure sur une étiquette, on doit garantir que cette mention concerne 85 % du produit qui est dans la bouteille.

Concernant le millésime, cette règle correspond, encore une fois, à un usage séculaire. Les vins de presse sont bien souvent trop « dur » pour être intégrés dans le millésime de l’année. Ils méritent un élevage plus long et sont souvent assemblée avec le vin de l’année suivante. Dans ce cas, ce n’est pas mentir au consommateur que d’appliquer la règle dite des « 85/15 ». L’assemblage se fait toujours dans l’intérêt du consommateur.

Concernant le nom du cépage lorsque, par exemple, « Merlot » est écrit sur la bouteille cela veut dire que l’assemblage comprend 85 % de Merlot.

La mention du nom de cépage majoritaire
Croyez vous réellement indécent que le nom du cépage majoritaire figure sur l’étiquette d’une bouteille de Bordeaux, pour satisfaire les marchés qui le demande ? Et bien pourtant cette question fait débat depuis 20 ans en France. C’est finalement Bruxelles qui a décidé : c’est possible !

Nouveaux cépages
Nous souhaitons que dans nos AOC, 15% des surfaces soient données à des cépages nouveaux. Pourquoi, alors que les cépages de Bordeaux sont utilisés dans le monde entier, n’aurions nous pas le droit d’utiliser des nouveaux cépages, dans la limite de 15% de nos surfaces ? Or, dans les AOC, nous avons l’interdiction formelle d’utiliser des cépages autres que ceux qui sont décrits dans nos décrets d’appellations. C’est un peu comme si on interdisait à une entreprise d’avoir un département recherche et développement !!! Comment voulez vous, dans ces conditions, que Bordeaux adapte son offre au goût des nouveaux consommateurs ?

C’est un peu comme si vous demandiez à Joël Robuchon de changer le goût de sa purée de pomme de terre, en lui imposant de garder les mêmes pomme de terre, en lui interdisant de changer de sel, et en lui interdisant les épices !

Tout cela est pourtant vrai ! Si l’une où l’autre des propositions ci-dessus vous choque dites le. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui les « méthodes de vinification internationales ». Derrière ce vocable on tente de faire croire que les vins, ainsi faits, ne seraient plus des vins de terroir : c’est faux !!!

Oui, osons le dire, l’utilisation des copeaux est une méthode ancestrale !
Oui, osons le dire, la règle des 85/15 traduit nos usages séculaires !
Oui, osons le dire, nous avons besoin d’essayer de nouveaux cépages dans la limite de 15% de notre surface !
Oui, osons le dire, on peut être moderne, innovant et rester Appellation d’Origine Contrôlée !

Et puis comme nous sommes une appellation d’origine contrôlée, nous souhaitons que chaque consommateur puisse contrôler l’origine du vin qu’il consomme. Pour cela nous souhaitons que chaque bouteille soit signée de manière intelligible.

Nous souhaitons, aussi, que le choix de l’AOC soit fait par le viticulteur, et que la pratique du repli d’une appellation dans une autre, par le négociant, soit interdite.

Nous souhaitons, enfin, que tout cela nous soit autorisé rapidement. Car les décrets des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur sont en débat depuis 1997… soit quelques années avant le début de la crise qui nous frappe aujourd’hui.

Si ces décrets se sont pas adoptés, c’est que l’INAO est contre la culture des Vignes Hautes et Larges, qui sont pourtant, elles aussi, issues des siècles qui nous précèdent : oui, le palissage permet, en augmentant la hauteur de feuillage sur le rang, de diminuer la densité de plantation sur le champs : et osons le dire, cette méthode de culture permet de maîtriser les prix de revient (on entend ici et là : « quelle horreur ! Maîtriser les prix de revient dans une AOC ») et de diminuer énormément le désherbage et l’utilisation de produits phytosanitaire… Mais cela personne n’en parle !

Non ce ne sont pas des méthodes internationales : ce sont nos méthodes. Mais ces méthodes, mises au point par nos chercheurs, sont utilisées dans le monde entier. Et chez nous, elles sont interdites ! Que cherchons nous à faire ainsi ?

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