Henry de Ponton d’Amécourt (1859–1915), photographe du mouvement et de la modernité

Parmi les figures oubliées de l’histoire de la photographie française, Henry de Ponton d’Amécourt (autoportrait ci-dessus) mérite d’être redécouvert. Officier, inventeur, homme de culture, il fut l’un des acteurs discrets mais essentiels de la photographie d’avant-garde en Lorraine à la fin du XIXe siècle. Il était aussi mon arrière-grand-père.

Un photographe enraciné dans la tradition… et en avance sur son temps

Issu d’une lignée d’inventeurs – son père Gustave, pionnier de l’aéronautique, était un proche de Nadar – Henry n’a pas seulement pratiqué la photographie : il en a repoussé les limites. Il inventa un appareil capable de prendre des objets en mouvement, et déposa un brevet pour cette invention. Ce procédé lui permit notamment de photographier des chevaux en mouvement (photo) – un exploit technique à l’époque, qui le place dans la lignée des expériences d’Eadweard Muybridge ou d’Étienne-Jules Marey.

Passionné par le mouvement, la précision, l’instantanéité, il ne concevait pas la photographie comme un simple art décoratif, mais comme un outil d’analyse du réel, au service de la technique, de l’art et de la vérité (voir la photo de ses enfants au bas de cet article).

Nancy : un foyer artistique et photographique

Installé à Nancy en 1889, Henry s’intègre très vite à la vie intellectuelle et artistique de la ville. Il devient en 1893 membre de la Société française de photographie (SFP) à Paris, puis en 1895 membre actif de la Société lorraine de photographie (SLP). Il s’y implique intensément jusqu’en 1906, contribuant à en faire un lieu d’émulation artistique et technique.

Un portrait photographique de lui, conservé sur plaque de verre, le montre en uniforme devant les locaux de la Maison Bellieni, place Carnot à Nancy, siège de la SLP. On y distingue la plaque de la société, témoin de son engagement durable dans cette communauté de pionniers. Cette image figure aujourd’hui dans l’ouvrage Pionniers ! La Société lorraine de photographie et de cinématographie (1894–1983), publié en 2024 à l’occasion d’une exposition au Musée des Beaux-Arts de Nancy.

Victor Prouvé dans son atelier : le chef-d’œuvre

Parmi ses œuvres les plus marquantes figure une photographie de Victor Prouvé dans son atelier, prise en 1897. On y voit l’artiste, figure centrale de l’École de Nancy, plongé dans son travail, dans une lumière sobre et concentrée. Cette œuvre, exposée dès 1898, est aujourd’hui conservée au musée d’Orsay.

C’est toute une époque qui s’y reflète : celle où la photographie devient le témoin fidèle du geste artistique, et non plus seulement un outil de reproduction.

Curieux de tout : la photographie au service de la modernité

Henry de Ponton d’Amécourt n’était pas un esthète isolé. Il participa aussi, en 1902, au Concours général de l’alcool, organisé par le ministère de l’Agriculture pour promouvoir les carburants agricoles. Il y conduisit un camion de 10 CV de la Société Nancéienne, alimenté à l’alcool à 50 %. L’œil du photographe, toujours tourné vers le progrès et l’innovation, n’était jamais loin de l’esprit de l’inventeur.

Une œuvre rare, un héritage à transmettre

Henry était aussi co-auteur d’un ouvrage rare : Équitation diagonale dans le mouvement en avant, publié avec le capitaine J.-B. Dumas à la Librairie militaire L. Baudouin. Ce grand album illustré de haute école d’équitation, commencé à Châlons en 1886 et achevé à Alger en 1894, unit une vision du mouvement, du dressage, et de la représentation du corps en action – cohérente avec son approche photographique.

Redécouvrir une figure discrète de la photographie française

Mort au combat en 1915, Henry de Ponton d’Amécourt laisse derrière lui une œuvre à redécouvrir : peu d’images ont survécu, mais les archives et témoignages révèlent un homme à la croisée de l’art, de la science et de la technique.

Ce billet est aussi un hommage personnel. Un hommage à un homme de son temps, profondément enraciné dans les grands courants du XIXe siècle — la foi, le devoir, le progrès — et dont l’objectif captait, avec humilité et acuité, la beauté du geste humain.

Photo de ses enfants : Elisabeth, Bernard et François (mon grand-père) .

Photo : sur les flancs de l’Aneto, le point culminant des Pyrénées avec son fils François (mon grand-père)

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2 commentaires sur “Henry de Ponton d’Amécourt (1859–1915), photographe du mouvement et de la modernité”

  1. Anne-Dauphine de Vazelhes

    Merci Yves de cette publication très intéressante de notre famille.

    J’ai une question à te poser : Sais-tu quel est notre aïeul qui a financé l’école des filles de la commune de Mont Saint père ? C’est probablement Gustave ou Henry.

    merci d’avance de ta réponse

    Je t’embrasse ainsi que sophie
    Anne-Dauphine

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