Faut-il accepter l’innovation dans l’élaboration des vins d’AOC? Lettre à Périco Legasse, journaliste à Marianne…
Cher Monsieur Légasse,
J’espère que vous écrivez encore vos articles avec une plume d’oie et un encrier ! Quel dommage en effet d’écrire ses articles à l’ordinateur… Cela cache l’écriture de l’auteur, sa graphomanie, et sa capacité à respecter l’orthographe !
J’ai lu votre vibrant plaidoyer (Marianne n°478) contre l’usage des copeaux et pour une « certaine idée du vin » … Vous êtes en faite un ultra conservateur caché dans les colonnes d’un journal progressiste. Vous souhaitez que la viticulture s’interdise toute forme de progrès dans l’élaboration des vins. Par contre, parmi les vins que vous honorez de vos « Mariannes » certains on justement recourt aux méthodes que vous réprouvez ! Et pour cause, ce sont de bonnes méthodes !!!
On glose sur l’usage des copeaux pour vinifier les vins ! En sous entendant qu’il s’agit d’une « aromatisation technologique » !!! Croyez vous que si les viticulteurs voulaient aromatiser leurs vins, ils prendraient la peine de faire fabriquer des copeaux de bois, de les griller (toastage), de les mélanger à leur vendange… afin que les tanins du vin et les tanins du vins se marient ?
En fait, l’usage des copeaux dès la fermentation alcoolique est beaucoup plus respectueux des traditions que l’élevage en barrique tel que pratiqué aujourd’hui. Pour la simple et bonne raison que le vin et le bois sont en présence dès après le foulage. Alors que dans le cas de l’élevage en fut, ils ne se rencontrent qu’après les fermentations.
Dites moi, Monsieur Légasse, entre un vin élevé après fermentation dans une barrique de chêne blanc d’Amérique, qui vient d’on ne sait où et un vin vinifié, dès le foulage, avec des copeaux de bois prélevés sur un chêne d’une forêt française qualifiée « gestion durable », lequel est le plus aromatisé ? Lequel est le plus respectueux des traditions ? L’origine duquel est la plus contrôlée ?
Le copeau de bois est à la vinification, ce que l’ordinateur portable est à l’écriture. Il ne dénature pas le vin ni l’ordinateur l’écriture !
J’aime vous lire… car un texte doit avoir la gueule de son auteur (et de la gueule vous en avez !) et les tripes du bonhomme qui l’a fait ! Monsieur Légasse, ouvrez vous, ne soyez pas rétrograde :
-la machine à vendanger a fait faire des progrès énorme à la viticulture française, car elle permet de vendanger chaque parcelle au TOP de maturité ; elle a permis de considérer toutes les maturités (anthocyanes, sucre, polyphénoles, capacité des tissus de la peau du raisin a délivrer ce qu’elle contient…), et non la seule maturité des sucres ;
-le sécateur électrique a été un progrès énorme car il permet à chaque tailleur d’être autonome et de travailler à son rythme. Ainsi il comprend la plante et choisi mieux le bois de taille ;
-l’œnologie a permis de comprendre l’enchaînement des fermentations et des mutations du vin entre la vendange et la mise en bouteille… Comprendre c’est anticiper. Anticiper c’est choisir et s’adapter…
-le copeaux permettra à tous les viticulteurs, même aux plus petit, de marier les deux plus vieux amis de l’histoire du vin dans la plus pure tradition: le bois de chêne et le moût de raisin.
Ne refusons pas le progrès, apprenons à nous en servir dans le respect de la tradition !
Enfin, cher Monsieur, sachez que les fabricants de copeaux les plus talentueux du monde sont bordelais ! En effet, ce sont nos tonneliers qui envoient dans le monde entier des produits de grande qualité, que chez nous, nous n’avons pas le droit d’utiliser !
Il en va de même des nouveaux cépages, fruit des métissages entre nos grands cépages, réalisés par nos chercheurs, afin de profiter des qualités de chacun. Ces cépages sont en expérimentation hors du sol de France, car nos AOC interdisent l’utilisation de nouveaux cépages en dehors d’expérimentations délivrées au compte-goutte ! C’est de la « phytophobie », sous couvert de « respect des traditions » ! Et pendant ce temps nos traditions sont pillées par les nouveaux viticulteurs du monde qui en tire le meilleur grâce au progrès!
Une tradition naît un jour quelque part. Que proposez vous, aujourd’hui, Monsieur Légasse, pour faire naître de nouvelles traditions dans le monde viticole ?
Arrêtez donc de juger des pratiques des autres, sans ce soucier de leur réussite ! Soyez constructifs et faites une dégustation à l’aveugle de vins vinifiés avec ou sans copeaux. Vous serez surpris, très surpris même, et vous arrêterez de faire peur aux lecteurs de Marianne, dont je suis !
Ce dont le consommateur a peur c’est de lire « élevé en fut de chêne » sur une bouteille de vin vinifié en présence de copeaux. Le consommateur a raison ! Mais n’interdisez pas l’utilisation des copeaux dans la vinification du vin : Il est interdit d’interdire ! Par contre il est utile de comprendre !
« Un vin doit avoir la gueule de l’endroit où il est né et les tripes du bonhomme qui l’a fait ». C’est juste, mais à chacun ses tripes à chacun son trip !
Le chêne est au vin ce que le sel est la cuisine… Le chêne transcende les arômes et lie les tanins. L’usage du copeau permettra à une multitude de consommateurs d’accéder à ces saveurs jusqu’ici inabordables pour la plupart !
Tiens, au fait, vous êtes-vous demandé pourquoi et comment le palais des consommateurs c’était un jour amouraché du sel ?
Excellent ! 6 ans après, Légasse s’est hasardé à accepter une dégustation à l’aveugle et surtout en public, à la radio….. Sur le fromage qu’il désigne comme le fin du fin du camembert. Il l’a trouvé « nul » ! Voir le blog d’Hervé Lalau. Ou me demander envoi au 04 90 33 81 80, ou en me répondant avec votre adresse mail….