Ouverture des marchés : la guerre de l’aloyau est ouverte !

par Yves d’Amécourt, viticulteur, Maire de Sauveterre-de-Guyenne, Président de la Communauté des Communes Rurales de l’Entre-deux-Mers, Conseiller Régional de la Nouvelle-Aquitaine, membre du bureau politique de Force Républicaine (photo Yves d’Amécourt).

Après près de vingt années de négociations et de discussions obscures, le traité commercial entre l’Union européenne et les pays membres du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) a été signé vendredi 28 juin 2019. L’Assemblée nationale doit ratifier définitivement l’accord du CETA avec le Canada.

Le point sur ces décisions controversées et autour desquelles circulent de nombreuses informations contradictoires.

Quel est le poids des nouveaux contingents accordés au Canada et au Mercosur ?

Les partisans de ces traités expliquent qu’ils représentent une faible part de la consommation de viande bovine en Europe et qu’ils ne sont pas une menace pour les filières européennes.

  • 67 950 Tonnes au total pour le Canada ;
  • 99 000 Tonnes à droits de douanes préférentiels (7.5%) pour le Mercosur ,

Les chiffres leur donnent raison à première vue puisque l’on parle de 2% du marché européen ! Mais la réalité est toute autre. Ces nouveaux contingents vont cibler en grande partie le segment de marché spécifique de l’aloyau. Un marché très rémunérateur et beaucoup plus valorisé en Europe que sur leur propre territoire qui représente 400.000 Tonnes et risque donc de confisquer 40% du marché le plus rémunérateur aux éleveurs et opérateurs européens !

La viande importée en Europe respectera-t’elle les mêmes normes que celles qui s’appliquent en Europe aux éleveurs ?

Certains défenseurs des accords soutiennent l’idée que la viande importée respectera les normes européennes, que les contrôles seront fiables et qu’il n’y aura pas de bœuf aux hormones.

C’est vrai pour l’usage des hormones, seules substances aujourd’hui interdites dans les accords ! Mais qu’en sera-t-il d’autres produits interdits en Europe depuis de nombreuses années et qui ne sont pas prévus dans les accords ?

La vérité est que les règles de l’OMC ne lui permettent pas à Union Européenne d’imposer ses propres normes de production ! Il en sera ainsi de …

  • l’usage des farines animales dans l’alimentation des animaux vecteur de l’encéphalite spongiforme bovine, qui avait provoqué en Europe la crise de la vache folle ;
  • l’usage des antibiotiques administrés comme activateurs de croissance ;
  • l’utilisation de produits OGM et de pesticides interdits en Europe (plus de 200 substances sont autorisées au Brésil ;

Quelles garanties sur la traçabilité des viandes importées ?

Alors que les viandes bovines françaises font l’objet d’une traçabilité obligatoire individuelle de chaque animal, de son lieu de naissance jusqu’au lieu de transformation de la viande, le Canada et le Mercosur n’imposent, eux, aucune traçabilité individuelle. La traçabilité des bovins se fait donc par lot, et uniquement à la sortie des exploitations. Un système qui a de quoi inquiéter, d’autant qu’une commission d’enquête du Parlement européen s’était rendue au Brésil début 2018 et avait émis de sérieux doutes sur les modalités de traçabilité et de contrôle en vigueur dans ce pays…

Michel Dantin faisait partie de cette commission d’enquête. Il déclarait à l’issue : « La Commission européenne fait preuve d’un certain angélisme sur la question de l’ouverture du marché aux pays du Mercosur, dont le Brésil, mais également en matière sanitaire. »

En effet, l’accès des animaux à l’alimentation, à l’eau, aux soins, la surface minimale par animal … sont autant de prérogatives qui ne font l’objet d’aucune obligation règlementaire, dans les pays du Mercosur.

Enfin, l’élevage bovin brésilien est aujourd’hui responsable d’une partie importante de la destruction de la forêt amazonienne qui est, avec la forêt du fleuve Congo, l’un des deux poumons de la planète.

Quels impacts sur le marché Français et Européen ?

Les défenseur de l’accord prétendent que l’accord avec le Canada n’a eu que très peu d’impact sur la filière Française et Européenne. En effet, le pays n’aurait exporté que 1.000 Tonnes de viande de bœuf en 2018, ce qui représente 2% du contingent autorisé.

Ils disent également que seules 36 fermes canadiennes seraient en mesure de produire de la viande de bœuf sans hormone ce qui ne représenterait pas de danger pour le marché européen.

Dans ces conditions, on se demandent bien pourquoi ces pays signent des accords, si c’est pour ne pas les utiliser ! La vérité c’est que la filière canadienne s’organise pour exporter davantage vers l’Union européenne. Entre 2017 et 2018, elle a été en mesure de doubler ses exportations de viande bovine.

CETA, Mercosur, Mexique, Australie, Nouvelle-Zélande… A chaque nouvel accord, le secteur de la viande bovine devient systématiquement la variable d’ajustement des négociations.

Comme l’écrivait justement Bruno Retailleau le 10 juillet dans une tribune parue dans le FIGARO : les éleveurs d’Europe se retrouvent pris entre le marteau de la concurrence déloyale et l’enclume de la réglementation environnementale !

Cette situation est intenable pour les professionnels de la filière ! Labourage et pâturage, les deux mamelles de la France, ont une sérieuse mammite !

Il nous faut inventer les accords commerciaux du XXIème siècle !Ces accords avec le Mercosur, le Canada, sont complétement dépassés et  connotés  XXème siècle . Les négociateurs obnubilés depuis 20 ans pour cette volonté de signer coûte que coûte un jour un accord, ont oublié que le monde autour d’eux changeait … Ils sont incohérents en termes de choix stratégiques pour les nations qui veulent limiter les émissions de GES, incohérents pour les consommateurs d’Europe qui veulent de la qualité, et de la traçabilité … Ce sont des accords de « l’ancien monde » ! Ce n’est même pas du libéralisme : le vrai libéralisme s’impose des règles du jeu communes ! Ce que nous voulons par dessus tout c’est défendre nos races et nos terroirs : la salers dans le Cantal, la charolaise en Bourgogne et en Vendée, la rouge des près dans le Maine et l’Anjou, la blonde d’Aquitaine, la parthenaise, la limousine et la bazadaise, en Nouvelle-Aquitaine, la normande, … plutôt que de consommer comme nous le faisons aujourd’hui la viande en provenance d’Europe du Nord et demain, l’Angus d’Argentine … Nous le voulons pour toute une liste de bonnes raisons très positives pour notre pays ! Nous voulons que les consommateurs puissent connaître l’origine, le lieu de la transformation, celui de l’emballage, afin que totalement informés, ils puissent être des acteurs responsables de l’écologie et de l’économie ! Nous souhaitons rentrer de plein pied dans l’économie du XXIème siècle ! Demain nous appartient, si nous le voulons bien !

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