Jean d’Ormesson est mort cette nuit. Nombre de ses lecteurs ont, comme moi, perdu un ami. Compagnon de voyage, compagnon de répits. Je dévorais ses livres, partageais ses sourires l’étincelle dans ses yeux quand il croquait la vie… A combien de ses fidèles a-t-il appris à trouver de la satisfaction en toute chose, à se réjouir de petits plaisirs immédiats, à donner un sourire, des clins d’œil réjouissants ? Combien ont appris, en le lisant, à aimer le monde, l’eau et le vent, comme il les aimait, simplement.
Voici un poème de Louis Aragon dans lequel Jean d’Ormesson a choisit les titres de ses 3 dernier livres, comme un testament merveilleux.
Jean d’Ormesson est immortel !
Chant II : Que la vie en vaut la peine (Louis Aragon)
C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes.
Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
D’autres viennent. Ils ont le cœur que j’ai moi-même
Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix.
D’autres qui referont comme moi le voyage
D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
Qui se retourneront pour leur nom murmuré
D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages.
II y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
II y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant.
C’est une chose au fond, que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre.