Nous publions ici intégralement le message que nous ont envoyé Michel DUMON et le collectif Artisan Citoyen qui ont choisi de s’investir dans les élections régionales prochaines en invitant les artisans à se déplacer pour voter. Nous y retrouvons les valeurs et les convictions de notre liste aux élections régionales qui accueille dans ses rangs de très nombreux artisans.
Yves d’Amécourt – porte-parole national du Mouvement de la Ruralité – Tête de liste en Gironde de la liste « Le Mouvement de la Ruralité / Résistons ! avec Jean Lasalle », menée par Eddie Puyjalon.
« Dans tous les domaines, nous pensons que dans un monde globalisé, il est nécessaire de penser proximité : il faut absolument défendre le local, le territorial, le singulier. »
L’artisanat est un secteur économique puissant, un chiffre d’affaires important, c’est avant tout un vecteur du « vivre ensemble », en ville, dans les zones rurales, générateur d’emplois, support pour l’apprentissage, il participe au lien social. Le Collectif Artisan Citoyen souhaite que l’artisanat soit intégré dans un véritable projet de société, au même titre que l’agriculture et l’industrie.
Les artisans sont inquiets. Nous avons le souvenir de la manière dont le commerce et l’agriculture ont été mis à genoux par la grande distribution. Le même schéma est en train de se reproduire, dans le bâtiment, par exemple, où les artisans, lorsqu’ils se jettent dans la gueule des loups que sont les majors, deviennent leurs « sous-traitants », en aucun cas leurs partenaires.
Le Collectif Artisan Citoyen souhaite rappeler à tous ses concitoyens, qu’en économie aussi, la diversité constitue une richesse. Mondialisation, délocalisation, haute finance… on nous fait croire que nous n’avons pas le choix : c’est faux !
La citoyenneté, c’est aussi rêver la société dans laquelle nous aimerions vivre et que nous souhaiterions transmettre à nos enfants. »
L’introduction aux 50 propositions du Collectif Artisan Citoyen dans le cadre des élections à la Chambre des Métiers, il y a 5 ans, reste vraie. Seul le degré d’urgence a changé.
LA DISRUPTION
« Disruption » est le terme qui qualifie la fracture sociétale dans laquelle l’humanité est engagée. Pour certains, le terme signifie l’accélération de la société qui génère une perte de repères pour les individus. Pour d’autres, il définit une innovation radicale qui rebat totalement les cartes d’un marché établi : « un astucieux mélange d’esprit entrepreneurial et de nouvelles technologies « de rupture ». Pour nous, il serait plutôt « un astucieux mélange d’esprit entrepreneurial, d’innovation, et de savoir-faire traditionnels », non pas « de rupture », mais « de liaison ».
De 3 milliards d’habitants en 1960, la population sur terre est passée à 7,7 milliards. Nous n’habitons plus la même planète. Lorsque nous étions enfants, la moitié de la population française vivait en ruralité. Habiles, robustes et malins, les fils de paysans faisaient de bons artisans pour le bâtiment : plus de paysans (1,5 % de la population active), plus de fils de paysans, et plus de salariés ou de repreneurs pour l’artisanat du bâtiment…
Depuis 20 ans, la révolution numérique et l’automatisation ont dessiné un nouveau paysage économique. Le dernier rapport Obama montre que 74% des emplois non qualifiés vont disparaître, 34% des emplois intermédiaires. Quel homme politique a le courage de dire cela ? Aucun.
Les emplois industriels sont particulièrement menacés. Que deviendront toutes ces personnes qui ne
trouveront pas leur place ?
Réchauffement climatique, 6e extinction de masse, crise sanitaire et sociale : les sirènes hurlent, « la maison brûle », et nous faisons à peine semblant de nous en préoccuper. Quelle est la place de l’artisanat dans la fuite en avant, la course effrénée vers l’abîme ?
L’artisanat, au sens de production de biens conçus dans un contexte non industriel par une personne qui maîtrise l’ensemble de la chaîne de production et de commercialisation, s’oppose radicalement aux modes de fonctionnement consuméristes, productivistes et scientistes. L’artisanat, depuis la nuit des temps, porte en lui la civilisation du travail.
Sommes-nous au bout de cette civilisation ? Lorsqu’il évoquait cette question, le philosophe Michel Serres disait que c’est ce qu’il redoutait le plus. Que ferons-nous après ?
LE TRAVAIL CONTRE L’EMPLOI
Un emploi est une activité, quelle que soit sa nature, rémunérée par un salaire. Un travail, c’est ce par quoi on cultive un savoir, quel qu’il soit, en accomplissant quelque chose. Il permet de gagner de l’argent et enrichit bien davantage sur un plan personnel pour se construire et s’épanouir dans la vie.
Par un long apprentissage, l’artisan fait l’acquisition de nouveaux automatismes qui vont lui permettre d’inventer, de répondre aux imprévus, et donc de transformer le monde. N’est-ce pas précisément ce dont nous aurions le plus besoin ?
La société de consommation crée du malheur, de la frustration, de la dépression. A défaut de beaucoup d’argent, nos métiers nous permettent de vivre honnêtement et nous comblent de satisfactions. Que nous soyons charcutier, coiffeur, infographiste ou charpentier, nous nous comprenons spontanément lorsque nous évoquons cet état de conscience particulier, lorsque nos mains sont au travail.
L’espérance de vie des catégories professionnelles est souvent utilisée comme marqueur. Si le cadre supérieur a effectivement une espérance de vie supérieure à celle de l’ouvrier, elle est beaucoup plus courte encore pour celui qui n’a pas de travail.
L’ARTISANAT DANS LA TRANSITION ENVIRONNEMENTALE
L’énergie la plus propre est celle que l’on ne consomme pas. Nos sociétés, sous la pression de l’écologie, s’orientent vers le tout électrique à tel point qu’il faudra bientôt songer à construire de nouvelles centrales nucléaires ! Certains pensent que mieux vaut acheter en ligne pour réduire les déplacements : pendant ce temps, Amazon relance les transports routiers ! Monde de complexité et d’absurdité ! Inutile d’avoir une voiture, même hybride, lorsque l’on peut faire ses achats autour de chez soi. A plus d’un titre, la proximité est la meilleure réponse aux nécessités environnementales.
Changer nos modes de consommation, c’est manger moins, mais manger mieux, acheter moins mais acheter mieux, éviter le gaspillage et réparer tout ce qui peut l’être pour réduire les coûts de recyclage et de traitement des déchets.
LE MONDE DE L’ARTISANAT
Le Collectif Artisan Citoyen souhaite avant tout peser sur la décision de ses propres organisations syndicales et professionnelles. Depuis 6 ans, porter la voix de l’artisanat hors de nos institutions, dont nous ne pressentons que trop l’inaptitude à se renouveler reste notre vocation.
Entre temps, le président Macron a souhaité voir fusionner CMA, CCI et Chambre d’agriculture. Comment pourrions-nous lui en vouloir ? Beaucoup de chefs d’entreprise, eux-mêmes, considèrent ces chambres comme une charge supplémentaire pour leur entreprise. Dans ce contexte, elles ne doivent finalement leur salut qu’aux Gilets Jaunes qui ont involontairement redonné du poids aux corps intermédiaires.
Le Collectif Artisan Citoyen lui-même dénonce souvent des institutions parasitées par des fonctionnements politiques pervers. La Chambre des Métiers n’est plus depuis longtemps la maison des artisans, elle en est plutôt devenue le symbole de leur division.
Pourtant, face aux périls qui nous entourent, nous restons convaincus que l’artisanat a un rôle essentiel à jouer. Il est en mesure d’apporter bien des solutions.
ACCOMPAGNEMENT DES ARTISANS
Pour soutenir notre modèle économique et ses ressortissants, il convient de se demander qui sont les artisans d’aujourd’hui ? L’artisanat lui aussi change, il accueille désormais des personnes venues de tous les horizons.
Persévérance, honnêteté, engagement, courage : il y a urgence à imaginer d’autres formes d’accompagnement pour ces nouveaux artisans. L’artisanat doit devenir plus accueillant et plus ouvert aussi. La majorité des inscriptions à la Chambre des Métiers sont des micro-entreprises. Notre rôle est de les accueillir et leur permettre de grandir. Nous disons que c’est possible.
Nous devons construire des passerelles pour le salarié ou l’ingénieur qui souhaite s’investir dans un métier, le citadin qui désire reprendre une entreprise en zone rurale, le demandeur d’emploi porteur d’un projet. Pour cela, il est également urgent de réfléchir à une politique du foncier et des loyers.
La formation continue garde une place prépondérante à condition qu’elle aussi se renouvelle.
Sur le terrain de la proximité, nous sommes les meilleurs alliés pour les maires de nos communes. Ils sont toujours plus nombreux à agir pour faciliter, parfois solliciter, l’installation d’un artisan sur leur territoire.
Nous attendons de l’État qu’il travaille à la baisse des charges, à la simplification administrative, qu’il stabilise la réglementation trop lourde pour des petites structures, qu’il encourage les comportements vertueux, et favorise l’investissement dans notre secteur.
Nous aimerions un dialogue, un soutien différent des régions et des départements, en phase avec le désir croissant d’une démocratie plus participative et moins pyramidale. Le Collectif Artisan Citoyen demande aux élus d’accorder davantage d’écoute aux initiatives citoyennes, telles que la nôtre, plus agiles, en capacité d’apporter des propositions concrètes.
LA FORMATION DES JEUNES
La transmission reste la valeur centrale de l’artisanat. Pourtant, le bilan de ce volet est inquiétant : dans tous les métiers, nous manquons cruellement de salariés. Les salariés vieillissent, les chefs d’entreprise également, et nous ne trouvons pas de repreneurs pour nos entreprises.
La jeunesse a besoin de nous, autant que nous avons besoin d’elle. Mobilité, hébergement, il est indispensable de faire plus pour accompagner les jeunes vers l’emploi.
Apprendre autrement devient urgent pour lui permettre de créer tout en faisant la liaison avec les savoirs accumulés par les générations précédentes. Transmettre le savoir implique que les plus capés d’entre-nous, dans tous les métiers, encadrent la formation des jeunes.
Qui mieux que les artisans pour accompagner les jeunes, quelque soit leur âge, dans leur orientation vers un métier de l’artisanat ? Nous nous intéressons en particuliers aux étudiants qui ne l’ont pas trouvée via l’université.
LES TERRITOIRES
Dans tous les domaines, nous pensons que dans un monde globalisé, il est nécessaire de penser proximité : il faut absolument défendre le local, le territorial, le singulier, c’est la raison pour laquelle le Collectif Artisan Citoyen invite les artisans à se rendre aux urnes lors des prochaines échéances départementales et régionales pour choisir le candidat qui saura le mieux défendre notre modèle économique.
Nous avons souhaité nous impliquer véritablement en diffusant largement ce message à tous les candidats. Les réponses, messages, invitations au dialogue, seront diffusés et partagés sur nos réseaux sociaux de manière à aider les artisans dans leur choix.