Un nouveau grenelle : celui de l’insertion

Le RMI a vingt ans. 1,2 million de Français en sont actuellement bénéficiaires et on s’interroge encore sur la réalité de l’insertion, sur l’efficacité du « i » de RMI…

Martin Hirsch, haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté a lancé, fin 2007, un autre Grenelle, celui de l’insertion, pour remettre à plat les politiques publiques dans ce domaine.
La réflexion qui s’ouvre aujourd’hui pourra bénéficier des résultats de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (Odas), qui vient de sortir une étude : « RMI et insertion professionnelle : forces et faiblesses des partenariats ».

  • Les collectivités territoriales sont au cœur du dispositif. Le Grenelle de l’insertion, c’est d’abord mettre cette question vitale de l’insertion professionnelle et de l’accompagnement social au cœur du débat public. C’est donc, d’abord, une méthode à laquelle les collectivités territoriales – régions, départements, communautés de communes et villes – sont conviées. Pendant six mois, discussions et négociations sont ouvertes avec les autres parties prenantes – l’État, les entreprises, les associations –, mais aussi les travailleurs sociaux et les personnes directement concernées – RMistes, stagiaires, bénéficiaires de contrats aidés. Le Grenelle de l’insertion est conçu comme un espace participatif entre élus, experts et citoyens.
  • Trois axes de réflexion Pour cela, trois groupes nationaux ont été créés, dans lesquels les collectivités territoriales sont représentées : – le premier, coprésidé par Laurent Henart, député et adjoint au maire de Nancy, sera chargé de redéfinir la politique publique d’insertion ; – le deuxième, sous l’autorité du directeur des ressources humaines de Peugeot et de la secrétaire confédérale de la CFDT et présidente de l’Unedic, sera chargé d’étudier les moyens de mieux mobiliser les employeurs publics ou privés pour favoriser l’emploi de personnes en difficulté ; – le troisième, coprésidé par la présidente de la FNARS et la secrétaire confédérale de la CGT, procédera à l’évaluation des parcours d’insertion, de leurs écueils et de leurs conditions de réussite.

Les collectivités territoriales sont invitées à relayer ces travaux nationaux, pour mettre en valeur les initiatives locales réussies en matière d’insertion et, si elles le veulent, inclure une manifestation dans le cadre du Grenelle de l’insertion.

Le site www.grenelle-insertion.fr, page « Participez », est à leur disposition pour faciliter cette inclusion.

  • Le premier travail consistera à formuler un diagnostic partagé sur la situation de l’insertion en France.
  • La seconde phase permettra d’élaborer des propositions concrètes de réformes ou de méthodes à promouvoir.

Le Grenelle de l’insertion vise un domaine complexe de l’action publique : celui de l’insertion professionnelle et de l’accompagnement social. Il est prioritairement axé sur la dimension professionnelle, sans exclure les gestions relatives aux conditions de cette insertion (mobilité, garde d’enfant, santé, logement, savoir de base, surendettement).

  • Un livre vert. Pour alimenter cette réflexion et servir de base à la concertation, notamment sur la fusion des minima sociaux dans le cadre du Grenelle de l’insertion, Martin Hirsch a publié le 2 mars un « livre vert ». Le haut commissaire recommande le remplacement du RMI, de l’allocation de parent isolé (API) et de l’allocation de solidarité spécifique (ASS pour les chômeurs en fin de droits) par le revenu de solidarité active (RSA). La réforme concerne près de 1,9 million de bénéficiaires de ces trois minima sociaux.

Plusieurs questions sont évoquées dans ce livre vert, sans nécessairement apporter des réponses à ce stade de la réflexion :

  • quel rôle pour les départements qui aujourd’hui n’assurent pas l’accompagnement des bénéficiaires de l’API ou de l’ASS ?
  • Quel sort réserver aux jeunes actuellement exclus du RMI mais pouvant bénéficier de l’API ou de l’ASS ?
  • Le bouclier sanitaire cher à Martin Hirsch sera-t-il rattaché au RSA ?
  • Quel calendrier avec, d’un côté, une expérimentation en cours dans certains départements et, de l’autre, une volonté forte d’accélérer le processus à l’Élysée ?

L’année 2008 sera donc une année importante pour refonder la politique d’insertion et réformer le dispositif des minima sociaux.

Le travail entrepris par Martin Hirsch s’appuie sur le dialogue avec toutes les parties prenantes, à commencer par les collectivités locales.

L’étude de l’Odas montre, elle aussi, l’importance du partenariat dans la mise en œuvre d’actions d’insertion. L’étude montre bien, en particulier, comment les différents dispositifs territoriaux commencent à converger :

  • Politique de la ville, contrats urbains de cohésion sociale, politiques d’insertion des villes, plans locaux d’insertion par l’économie sont autant d’outils urbains ayant désormais de plus en plus de liens avec le programme départemental d’insertion. Pour ne citer qu’un exemple, 85 % des conseils généraux subventionnent l’ensemble des PLIE actifs de leur territoire, auxquels il faut ajouter 8 % qui en financent une partie.
  • La participation des représentants de communes et des groupements de communes aux commissions locales d’insertion est de plus en plus réelle et désormais seuls 14 % des départements n’associent pas encore les communes à ces commissions.
  • L’articulation avec les régions va aussi en s’améliorant, malgré quelques lacunes, en particulier le fait que seuls les allocataires des RMI inscrits comme demandeurs d’emploi bénéficient des formations mises en œuvre par les régions. En effet, si 76 % des départements mentionnent une participation de leur région à la formation des bénéficiaires du RMI, c’est neuf fois sur dix en leur qualité de demandeurs d’emploi. Or, on estime que plus de 60 % des bénéficiaires du RMI ne sont pas aujourd’hui inscrits à l’ANPE et sont donc, de ce fait, exclus des actions de formation financées par les régions. Seule une région, dans l’étude de l’Odas, indique accueillir des bénéficiaires du RMI dans son dispositif « formation tout au long de la vie ». Pour l’ensemble des autres régions, le critère du statut de demandeur d’emploi reste déterminant. Pour la rémunération des stagiaires, seules cinq régions sur vingt-six assurent une rémunération à certains bénéficiaires du RMI non inscrits à l’ANPE. Une autre lacune dans le partenariat entre départements et régions est soulignée par l’Odas : le manque d’adéquation des actions de formation programmées par les régions aux besoins spécifiques des bénéficiaires du RMI. « Les départements évoquent à ce sujet un déficit de concertation au niveau de l’élaboration des premiers plans régionaux de développement de la formation (PRDF) », souligne l’observatoire, même si l’enquête permet de repérer des initiatives intéressantes, dans le cadre des parcours des bénéficiaires.
  • Mais c’est du côté de l’ANPE qu’il faut chercher les évolutions le plus significatives. Aujourd’hui 80 % des conventions entre les départements et l’ANPE confient à celle-ci un rôle de négociations des emplois aidés, contre seulement 40 % en 2005. Dans les trois quarts des départements ayant une convention, l’ANPE assure également le suivi professionnel des bénéficiaires en appui au référent, et pour les deux tiers le diagnostic individuel est réalisé par le binôme travailleur social/agent de l’ANPE. L’observatoire en conclut que « l’ANPE se trouve réinvestie dans son rôle d’appui vers l’emploi », même si les départements n’hésitent pas à mettre en concurrence l’établissement public avec des organismes de formation et de reclassement comme Ardelor ou Amopole, plus rarement en faisant appel, pour le suivi professionnel ou la prospection de l’offre, à des entreprises privées de placement (Manpower, Ingeus) pour un quart des départements.
  • Un partage des responsabilités. Ces quelques exemples de partenariat montrent bien à quel point l’insertion professionnelle est aujourd’hui en France partagée entre la responsabilité de plusieurs niveaux de collectivités territoriales, l’État, ainsi que des acteurs économiques et associatifs. C’est la réussite du Grenelle de l’insertion ouvert depuis trois mois de permettre à cette politique publique de l’insertion d’être refondée à partir d’un constat partagé par tous les acteurs et se nourrissant des expériences de partenariat qui ont fait leur preuve.

Les personnes vulnérables sont souvent confrontées à des difficultés qui s’enchevêtrent, avec des politiques publiques trop cloisonnées, trop dispersées. De quoi l’État doit-il être garant ? Comment tenir compte des nouvelles responsabilités des collectivités territoriales ? Comment mieux conjuguer actions et solidarité ? Comment des expérimentations peuvent-elles permettre de concevoir des politiques publiques plus efficaces ? Ce sont ces questions et beaucoup d’autres auxquelles le Grenelle de l’insertion va s’efforcer de répondre.

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